Routine

Ici, les jours passent et se ressemblent. Chacun mène son petit train-train. Comme un ballet bien rôdé où chacun joue son rôle. Y a celui qui allume la cafetière le matin, celui qui ouvre les lourds volets en bois de la porte d’entrée, celui qui se douche en premier, celui (ou plutôt celle) qui range le beurre et les pots de confiture que tout le monde laisse traîner sur la table par 40 degrés à l’ombre…

Après 6 semaines dans ma brousse centrafricaine, la routine s’est installée. Lever à 6h20, puis douche, puis petit déj, puis traîner ses tongs dans le sable jusqu’au bureau, puis y régler un milliards de petits, moyens ou gros problèmes jusqu’à 13H, puis revenir à la maison pour déjeuner, essayer de faire une micro sieste jusqu’à 14H10 (ou 14h12… ou 14h15…), puis retourner au bureau pour régler encore tout un tas de problèmes à géométrie variable jusqu’ à 18H, puis rentrer boire une bière, dîner, reprendre une bière, puis une autre bière, puis une autre bière, puis prendre son courage à deux mains, se jeter sous le filet d’eau froide de la douche, se brosser les dents, et s’écrouler sur son lit. Palpitant, je sais.

Et ça, c’est le programme du lundi au vendredi. Le samedi, on travaille que le matin. L’après-midi, c’est sieste obligatoire. Et le dimanche, on fait la grasse mat jusqu’à 7h30 (youhou…), on va au marché avant qu’il fasse 50 degrés pour acheter une paire de tongs ou du tissu pour se faire fabriquer une nouvelle robe ou un nouveau pantalon et puis on se traine de fauteuils en canapés en suçant des glaçons jusqu’à ce que la température redescende sous les 40 degrés.

Il fait tellement chaud. Parcourir les 50 mètres entre la maison au bureau peut mener à une insolation. Rien ne peut se faire dans la précipitation, ça serait la déshydratation assurée. S’asseoir imprudemment sur la banquette en cuir de la voiture peut déclencher une brûlure au 2ème degré. Alors tout se fait lentement. On économise chaque geste. Même les lézards se déplacent doucement. Y a bien que le Nutella qui coule un peu trop vite.

On pourrait rapidement perdre la notion du temps ici. Heureusement, il y a le Planning : selon qui se présente à la porte de mon bureau, je peux dire quel jour on est. Le lundi on paye les fournisseurs, le mardi, les journaliers, le mercredi, pas de paiement, c’est le jour où les gens viennent me raconter leurs tracasseries (clairement, c’est mon jour préféré), le jeudi, on paye les mototaxis et le vendredi, on rattrape le retard de toute la semaine.

« Quoi ? C’est ça ton taff ? Bah dis donc ma vieille, tu dois drôlement te faire suer… »

Ça, c’est que vous pensez… Alors c’est vrai, je sue. Et drôlement même ! Mais c’est parce qu’il fait au moins 50 degrés (les graduations du thermomètre ne vont pas plus loin mais le mercure, lui, est bien au-delà) et que si je mets le ventilateur sur 2 ou 3, la tonne de paperasse qui s’entasse dans mon bureau se met à vivre sa propre vie. Je sais bien que de toute façon, un ventilateur, ça n’a jamais refroidi quoi que ce soit, que ça brasse juste de l’air, mais n’empêche, ça donne quand même l’impression que la  chaleur est plus supportable.

Et sinon, non ! toute cette petite routine n’a rien d’enquiquinant ! Oh, bien sûr, compter des centaines de billets pseudo-moisis ou jongler avec la comptabilité n’a jamais été excessivement épanouissant et c’est clairement pas pour cette raison que je fais ce job… Par contre, dealer toute la journée avec les petits problèmes des uns et des autres, les écouter me raconter leurs vies, parfois drôles, parfois dramatiques, souvent à des milliers d’années lumières de ma propre planète, proposer des solutions, aider un peu ou beaucoup, et les voir repartir avec un sourire, c’est pour ça que je suis là. Et vous savez quoi ? Compte tenu du nombre de gens qui me sourient et comme dirait quelqu’un que j’ai connu dans ma vie d’avant, je trouve que je fais plutôt du bon boulot…

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