Peut-être que je ne fais pas partie de la team ultralight et peut-être que ça va bien se passer…

« Et toi, c’est quoi ton base weight… ? »

Parcourir 4 240 kms avec sa maison sur son dos implique forcément de se poser quelques questions en terme de choix de matériel et d’équipements. Prenons le plus simple : la tente. Est-ce que je veux une tente ? Un simple abri ? Un hammac ? Est-ce que je tente de dormir à la belle étoile et inch’allah ? Bon, moi je choisis la tente. Parce que j’ai peur des ours et qu’une paroi de tente, c’est bien connu, ça empêche les ours de venir te renifler dans le cou au milieu de la nuit. Et puis aussi parce qu’en cas de pluie, je crois que je vais préférer être dans une tente qu’à la belle étoile. Mais la question ne s’arrête pas là, évidemment. Quelle tente ? 1 place ? 2 places ? Autoportante ? Pas autoportante ? Simple paroi ? Double paroi ? Ah non mais je vous le dis, c’est loin d’être simple !! Une fois qu’on a choisi quel type de tente on veut, il faut encore comparer les différentes marques, les différents modèles, les différents matériaux… bref, il y a de quoi y passer des heures carrées. Et on peut faire ça pour la tente mais aussi pour le sac de couchage, la veste de pluie, le réchaud, etc… Et plus le temps passe, plus la liste du matériel s’allonge… Pourtant, le maître mot de toute cette préparation c’est UL-TRA-LIGHT.

En préparant cette nouvelle aventure que va être le PCT, j’ai découvert un monde nouveau. Un monde fait de gens qui traquent le moindre gramme superflu, qui sont même capables de fabriquer eux-mêmes leur matériel, du sac à dos au réchaud en passant par le sac de couchage, et dont la question existentielle est donc… « Et toi, c’est quoi ton base weight… ? ». Ce sont les ultralight.

Faire partie de la team ultralight, c’est utiliser entre autre un nouveau vocabulaire. Le « base weight » par exemple. Traduit littéralement, le « base weight » c’est ton « poids de base ». Et non, en réalité, ce n’est pas le tien mais celui de ton sac. Celui de ton sac avec dedans tout ton matériel mais sans ce qu’on appellera les « consommables » (nourriture, eau, fuel…) et sans les vêtements que tu porteras. Pour être acceptable, ton base weight ne doit pas dépasser 15lbs. Ah oui, parce que du coup, dans la team ultralight, tu oublies le système métrique et tu te mets à compter en pounds, ounces, etc… Toujours est-il que si tu dépasses les 15lbs, t’es foutu, tu n’es plus considéré comme un ultralight. Pour rappel, 15lbs ça fait moins de 7kg. Avoir un sac qui pèse moins de 7kg avec ta tente, ton sac de couchage et des vêtements pour quand il fait froid, quand il pleut, ça demande un peu d’entraînement et surtout d’avoir choisi chaque élément extrêmement soigneusement…

Faire partie de la team utralight c’est donc entrer dans la compét’ du « mon sac est mieux fait que le tien ». Et à l’heure qu’il est, ce qui s’avérait au début être un sujet de curiosité m’agace désormais prodigieusement… C’était rigolo de regarder ce que chacun mettait dans son sac. Quels sont les choix les plus populaires, ce que les thru-hikers des années précédentes recommandaient, ce qu’ils avaient détesté… Seulement, bien que sur le papier, alléger son sac semble aller de soi, il faut savoir qu’en terme d’équipement, les 100 grammes de moins se payent généralement en centaines d’euros supplémentaires. Et tout le monde n’a donc pas les moyens de rejoindre la team ultralight. Pour autant, certains membres de cette team ont une petite tendance à penser qu’ils détiennent LA vérité et que tous ceux qui ne font pas l’effort de vendre leurs 2 reins pour s’offrir le nec plus ultra du matériel ultralight n’ont rien compris à la vie. Quant à leurs chances de finir le PCT, elles sont considérées comme nulles. C’est à se demander comment faisaient les gens qui ont fait le PCT il y a 20 ans quand l’ultralight n’existait pas…

Extraits choisis d’une conversation Facebook avec un fanatique (qu’on appellera Toothbrush Man) :
TB Man : Si tu veux ambitionner de finir il te faut un sac de max 9 kgs base weight.
Moi : Ah oui? tu crois que si mon base weight c’est 10kg je pourrais pas finir? Mon sac pèse déjà 2.15kg alors…
TB Man : Je dirais que quasi impossible, ou alors un chemin de croix. L’année dernière j’ai fait Washington et Oregon Sobo et j’ai vu quasi aucun gros sac. Faut que tu partes avec un petit sac ou que tu investisses dans un ultralight.
Moi : Ah oui? c’est très intéressant. Tu coupes le manche de ta brosse à dents?
TB Man : Oui bien sûr. Le poids de ton sac c’est le plus important.
Moi : Je crois que je peux finir le trail sans être ultralight. Rendez-vous à l’arrivée?
TB Man : Finir sans être ultralight ça relève du gros gros gros challenge, bonne chance !
Moi : Bah je serai ravie de te montrer qu’on peut y arriver ! Bonne chance à toi aussi !
TB Man : On fait tous une tentative de thru-hike, an attempt. J’ai vu personne finir avec un gros sac, c’est bien d’être humble.
Moi : Je pense qu’il faut tenter sa chance et si vraiment je trouve que le sac est un problème, je changerai.
TB Man : Oui
Moi : En attendant, je sais que mon sac est confortable à porter même avec des charges lourdes.
TB Man : Perso j’avais un Osprey de 1.6 kgs et j’ai dû changer, tu verras.
Moi : T’inquiète pas, je te tiendrai au courant !
TB Man : Je te recommande les sacs de chez ULA.
Moi : Tu as quoi comme tente ?
TB Man : Un Go Lite Shangri La, c’est un tarp (un tarp c’est juste une bâche qui sert d’abri, ça n’est pas fermé comme une tente).
Moi : J’imagine que tu considères que prendre une tente c’est n’importe quoi…
TB Man : En partie. Il y a des tentes de 1kg. Au-dessus, je pense que c’est complètement hypothéquer toute chance de finir. La première attempt c’est souvent là où on apprend tout… C’est pour ça que c’est mieux de commencer par une section. Il y a aussi la possibilité de sauter une section.
Moi : Hike your own hike… (c’est un truc qui se dit beaucoup parmi les personnes qui tentent le PCT : chacun vit son expérience à sa façon, pas de « vrais » ou de « faux » PCT)
TB Man : Pour pouvoir finir à temps, beaucoup font ça.
Moi : J’ai entendu parler de beaucoup de gens qui ont fini la première fois qu’ils ont tenté le PCT pourtant.
TB Man : Oui. Après il y a différentes façons de terminer : skipping or not skipping (skipper, c’est sauter une section parce qu’elle est trop difficile par exemple).
Moi : Je pense a beaucoup de gens qui n’ont pas skipper de section. Seulement les fire closures (parfois, une portion de trail est fermée car il y a eu un incendie et il peut être dangereux de passer par là). Et tu fais le PCT en solo?
TB Man : Oui, mais avec toute la community. C’est une vraie famille.
Moi : Et comme dans toutes les familles, y a surement des gens adorables et d’autres qu’on aime moins… L’avantage c’est que la montagne est grande.
TB Man : C’est ça. Moi j’aime marcher à mon rythme, être seul la journée puis retrouver des gens le soir et en ville. Marcher en groupe ça a beaucoup de contraintes mais c’est chouette aussi.

A aucun moment ce pauvre garçon n’a entendu le sarcasme dans mes réponses. Par contre, me dire que je n’avais aucune chance de réussir le PCT parce que j’avais un sac confortable, une tente et aucune intention de couper le manche de ma brosse à dents ne l’a absolument pas perturbé… Une des raisons pour lesquelles j’ai envie de faire le PCT est de rencontrer plein de gens différents, ouverts d’esprit, curieux et bienveillants. Heureusement, la montagne est grande et avec un peu de chance, je ne rencontrerai jamais Toothbrush Man…

Du coup, j’avais finalement considéré l’éventualité de ne pas peser mon sac du tout. Comme ça, quand on m’aurait demandé quel est mon base weight, j’aurais pu répondre : « j’en sais rien, je l’ai pas pesé… »

Hélas, je me suis assise avec une balance et j’ai commencé à peser tout ce que j’avais. Le résultat a été sans appel : adieu team ultralight, mon base weight devrait être aux alentours des 10kg. Je dis bien « devrait » parce qu’arrivé à 7kg, j’ai arrêté de compter… Mais j’ai déjà testé mon matériel, j’en suis très satisfaite et je n’ai aucunement l’intention d’en changer. Au bout du compte, le poids du sac revient à faire un compromis entre budget, expérience et confort.

Et puis qu’est-ce que tout le monde dit déjà ? Ah oui ! HIKE YOUR OWN HIKE, bordel !

Donc bon, je vais avoir un sac un peu lourd. Je vais quand même mettre un pied devant l’autre et marcher chacun de ces 4200 foutus kilomètres. Je vais sentir le poids de chacune des choses que j’emporte à chaque fois que je vais gravir ne serait-ce qu’une colline. Et ça n’en sera que plus gratifiant arrivée au sommet.

« Mais… tu ne vas jamais réussir à garder le rythme avec les autres ! » Tant mieux ! C’est MON aventure, MON PCT. Peut-être que si le soir j’ai envie de mettre mes chaussettes en poil d’opossum toutes douces pour garder mes pieds au chaud après 12 heures de misère, j’ai le droit. J’ai le droit d’emporter un clavier bluetooth pour continuer à écrire sur ce blog et partager mon aventure avec vous. J’ai le droit de ne pas avoir envie de prendre de piolet parce que je ne sais pas m’en servir de toute façon. Et même si mon sac pèse un peu plus lourd que ce que Toothbrush Man considère comme étant la limite acceptable, ça ne veut pas dire que je ne vais pas vivre un truc extraordinaire. Et peut-être que ça veut justement dire que je vais vivre un truc extraordinaire parce que je le vivrai à MA manière.

Alors peut-être que je ne fais pas partie de la team ultralight et peut-être que ça va bien se passer. Très bien se passer même…

5 réflexions sur “Peut-être que je ne fais pas partie de la team ultralight et peut-être que ça va bien se passer…

  1. Ah ah ah ah ah ! Je suis sûre que tu vas pulvériser tous les records…à ta manière et c’est ça qui sera vraiment Top ! Tu pourras même passer du matos à TB Man si jamais il tombe en rade (ou pas 😊)!
    Allez Go Go Go!

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  2. #teamnormallight4ever !! Parceque non je couperai pas ma brosse a dent et que dormir sous un parapluie sans baleine c’est pas humain et puis déjà 9-10 kilos c’est bien hein ! Si vraiment y a des trucs qui servent pas on les larguera en route. Sinon ta remarque sur le fait que la toile de tente protégerait pas vraiment des ours c’était pour rire hein ? Hein!? Parceque ma tente avec ces 0.1 microns de tissu est totalement bearproof (se bouche les oreilles et chante lalalalallalal). #teampeurdesbebetes aussi 🙂

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    • Aucun problème pour les ours à condition de pulvériser du jus de chaussettes sur ta tente. Si seulement ça marchait aussi pour les araignées… (et les serpents, les moustiques, les mountain lions, …) #maisquallaitelledoncfairedanscettegalere…

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