PCT Day 55 : Le river crossing niveau expert

du Mile 1 du Mt Whitney Trail après la jonction au Mile 766 au Mile 775

Aujourd’hui, petite journée : seulement 9 miles au programme mais avec de la neige partout et 3 rivières à traverser, ça va pas être de tout repos… L’idée est de se rapprocher le plus possible de Forrester Pass, le plus haut col sur tout le PCT à 13 200 pieds. Etant donné les quantités de neige, il est plus prudent de grimper Forrester au petit matin quand la neige est encore dure. Alors aujourd’hui, on se met pas trop la pression.

Les garçons traînent à lever le camp ce matin alors les filles partent devant. Dans la Sierra, on a mis en place le « buddy system » : personne ne marche tout seul, on est par 2 minimum. La neige est traître, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver et c’est toujours plus plaisant de se perdre, se vautrer et galérer avec quelqu’un… Emily et Eike avancent rapidement sur la neige et Lucie et moi prenons notre temps. On suit des traces, on les perd et puis bientôt, y a plus de traces du tout et on essaye tant bien que mal de se repérer avec notre GPS. C’est clairement le plus pénible : faire 10 pas, regarder son téléphone, vérifier qu’on est toujours sur le trail ou au moins dans la bonne direction, faire 10 autres pas, regarder son téléphone, se rendre compte qu’on s’est éloignés, changer de direction, enjamber un arbre, faire encore 10 pas, … épuisant !
On avance doucement et bientôt, on se rend compte que la première rivière est en bas et nous… on est en haut. Beaucoup trop haut. Et la pente est beaucoup trop abrupte. On essaye de contourner le problème mais y a rien à faire, va falloir descendre. Je vois que d’autres personnes sont passées avant nous en glissant sur les fesses alors je décide de faire pareil. Seulement il est encore tôt, la neige est encore gelée et au lieu de glisser élégamment, me voilà rebondir plutôt violemment sur des plaques de verglas. Je me relève dignement mais en faisant la grimace et en frottant mon postérieur gelé et endolori pendant que Lucie rigole. Elle ne rigole pas longtemps : elle aussi gémit en se relevant quelques minutes plus tard et on continue notre progression vers la rivière. 
Seulement on se retrouve à nouveau face à nouvelle pente. Encore plus abrupte et couverte d’arbres cette fois. On essaye de descendre sur nos pieds mais c’est vraiment trop raide et nos crampons n’accrochent pas. Je repère d’autres traces de glissade et je me lance. Je prends de la vitesse, beaucoup trop de vitesse, je ne maîtrise absolument pas ma trajectoire, j’évite un gros arbre de justesse et mon coccyx se fracasse une nouvelle fois sur la glace. J’arrive tout de même à m’arrêter et je me relève péniblement alors que Lucie est déjà en train de glisser. Elle non plus ne maîtrise rien mais elle dévie légèrement et fait un magnifique vol plané et disparaît… la tête la première dans un gros trou sous un arbre. « Ca va? » je demande un peu inquiète. C’est un rire nerveux qui me répond depuis le fond du trou. « Oui, oui… mais je suis coincée… » J’éclate de rire, soulagée qu’elle n’ait rien, et avant de l’aider à sortir de là, je prends une photo. Deux jours plus tôt, le reste du groupe m’avait reproché de ne pas avoir pris de photo lorsqu’elle s’était retrouvé suspendue par un pied la tête à l’envers alors cette fois, je ne laisse pas passer l’occasion ! Lucie se relève, vide sa bouche et ses yeux de la terre et de la neige qui s’y sont engouffrés et on décide d’un commun accord qu’on arrête de glissader. C’est bien trop dangereux. Et ça tombe bien puisqu’on trouve des traces en escalier qui nous permettent de finir de descendre. Et on découvre enfin la rivière…
Elle est large, elle est profonde et elle fait beaucoup de bruit. En fait, c’est plus un torrent qu’une rivière. Le courant est impressionnant. On se regarde… pas moyen de traverser ici, beaucoup trop dangereux. On commence à remonter le courant pour essayer de trouver un passage plus facile et quelques mètres plus loin, la rivière s’élargit et le courant semble moins violent. On ne sait pas où sont les autres mais on pense être bonnes dernières vu le temps qu’on a mis à descendre alors on refléchit pas trop longtemps et on traverse. L’eau est glaciale et le courant nous pousse en aval mais on passe plutôt facilement. Par contre, une fois de l’autre côté, on se dépêche de trouver un endroit sec pour enlever nos chaussures et essorer nos chaussettes. Pendant qu’on essaye de réchauffer nos orteils, j’aperçois Spider de l’autre côté de la rivière. Il est avec le reste du groupe et il cherche un endroit où passer. On lui fait signe et tout le monde nous rejoint rapidement. On est tous passés par des endroits différents pour arriver jusqu’à la rivière et on est contents de voir que tout le monde va bien.
Après une petite pause, on reprend notre progression. On est à une intersection et Josh assène : « This way ! ». Tout le monde le suit sur presque 1 mile avant de se rendre compte que pas du tout, c’était de l’autre côté… grrr !! Une autre grimpette, une autre descente et puis une autre rivière. Qui n’a pas meilleure allure que la première. Y a bien un endroit avec un snow bridge mais le pont ne va pas jusqu’au bout et il faut finir par sauter presque 2 mètres sans être sûr que le pont tiendra sous notre poids… Spider et Josh semblent penser que ça passe mais le reste du groupe n’est pas rassuré et préfère continuer à chercher. Peine perdue, on fait presque 1 mile sans trouver mieux. Spider et Josh sont passés de l’autre côté et nous font signe de revenir au snow bridge. Je passe en premier et leur lance mon sac. Un petit morceau du pont casse sous moi au moment où je saute et Spider me rattrape au vol et me jette sur la berge. Les autres suivent et on arrive tous On a tous les genoux un peu ramollis après ça et on décide que c’est le parfait moment pour faire une pause déjeuner… Les émotions, ça creuse…
En fin d’après-midi, on arrive enfin à la dernière rivière. On a convenu que si elle est trop grosse, on attendra le matin pour la passer. Elle est comme les 2 précédentes voire pire. Là aussi, on trouve un snow bridge qui couvre la plus grosse partie de la rivière et il faut sauter pour atteindre l’autre berge. Sauf que la berge est vraiment pentue et qu’on ne voit pas vraiment jusqu’où la neige couvre la terre ferme et où elle est juste au-dessus de la rivière. Urs passe en premier sans son sac. Il s’installe en face, fermement ancré dans la neige avec ses crampons et tend les bras. Spider lui lance nos sacs les uns après les autres. Au moment de lancer celui de Lucie, le piolet attaché au sac lui fauche la jambe et il glisse à quelques centimètres de l’eau glacée. Tout le monde retient son souffle. Il a une belle entaille dans la jambe mais tout va bien. Une fois tous les sacs de l’autre côté, c’est notre tour. Le saut est impressionnant mais Urs nous rattrape de l’autre côté. Au moment où Emily saute et atterrit de l’autre côté, la glace cède et un gros morceau se détache et part dans la rivière. C’est maintenant un bon 2,5 mètres qu’il faut sauter… Quand c’est mon tour, je ferme les yeux et je tends les bras. J’atterris le mollet dans les crampons de Urs mais peu importe. Je suis passée. 
On est tous épuisés par ces traversées de rivière et on ne va pas beaucoup plus loin pour camper. Ce soir, pas moyen de trouver un endroit sec suffisamment grand pour mettre toutes nos tentes alors on campe sur la neige. On mange en silence. La journée nous a tués. Et puis on ne tarde pas à se mettre au lit : demain, le réveil sonne à 3h30 pour partir à l’attaque de Forrester Pass…

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