Nouvelle année, nouveaux projets

C’est un mardi, il est 15h57.

C’est bientôt la fin de l’après-midi, le jour commence à tomber déjà et les gens marchent sur le trottoir, la tête un peu renfoncée dans les épaules, le regard à quelques mètres devant leurs pieds.

C’est un mardi après-midi de janvier et il fait froid. Il pleut un peu même. Le ciel est gris. Le soleil ne s’est pas montré de la journée. C’est une de ces journées de janvier qui donnent envie de rester sous sa couette avec un chat, une tasse de thé à la bergamote et une saison entière de Game of Thrones à regarder.

Et ça aurait très bien pu être le programme de ma journée. Mais non. Ce matin, j’ai enfilé 2 pulls, fait 2 tours à mon écharpe, mis mes bottes fourrées, enfoncé mon chapeau sur ma tête, enfilé mes gants, remonté le col de mon manteau et je suis sortie. Depuis ce matin, j’ai passé la journée à marcher le nez en l’air. Je suis d’abord allée chercher un sesame bagel with cream cheese chez Absolute Bagels sur Broadway. Je l’ai dévoré en me léchant les doigts et en avalant de grandes gorgées de chai tea latte brûlant et épicé tout en descendant 107th street. Puis j’ai observé les écureuils de Central Park qui se courent après dans les feuilles mouillées. Je me suis perdue, un peu. J’ai fini par retrouver le Reservoir et ses canards. La skyline que j’ai déjà vue si souvent et qui pourtant, continue de m’émerveiller. J’ai découvert un nouveau gratte-ciel que je ne connaissais pas. Il n’est pas fini. De là d’où je suis, des tiges métalliques sortent du sommet et s’élancent encore plus haut. Celui-là, il sera vraiment vachement grand. J’ai continué à naviguer d’une pelouse à l’autre, j’ai fait le tour de la Bethesda Fountain et puis tout doucement, je suis arrivée à Columbus Circle, et j’ai retrouvé les taxis jaunes, le bruit des sirènes et la foule. Au Time Warner Center, je suis passée chez Bouchon. J’ai acheté un chocolate chip cookie presqu’aussi grand qu’un freesbie. Je l’ai fourré dans mon sac et j’ai continué ma route. Toujours le nez en l’air. C’est le seul moyen d’apercevoir le ciel ici. J’ai zigzagué tout en observant les numéros des rues diminuer. J’ai vu se profiler la silhouette du Flatiron. J’y ai attrapé un ginger tea à l’Argotea à son pied  et je me suis retournée pour faire un clin d’œil à l’Empire State. Puis j’ai traversé ce qu’il restait du Farmer’s Market à Union Square. C’est plus festif au mois de juin. Les gobelets en carton recyclé fumaient entre les doigts bleus des vendeurs. J’ai marché encore. Je suis descendue toujours. J’ai longé Gramercy Park. Je n’ai pas résisté à passer devant mon ancienne adresse sur 2nd street. Ma laverie. Mon Whole Foods. Puis Broadway, again. Pas de shopping aujourd’hui, je repasserai demain peut-être. Aujourd’hui, je vais le nez au vent. J’ai fini par atteindre le City Hall. J’ai hésité, hésité puis j’ai tourné à droite. J’avais faim, je me suis attablée chez Shake Shack, un cheese-burger dégoulinant entre les doigts. En ressortant, j’ai souri. J’ai profité du contraste entre mon estomac plein et chaud et le vent froid et piquant sur mon visage qui m’arrachait des larmes. Je n’ai pas traîné, je ne voulais pas louper mon rendez-vous. Je suis descendue encore, j’y étais presque. J’entendais déjà l’océan battre les terrasses bétonnées. Parfois, je l’ai même vu, gris, agité de vaguelettes. J’ai grimpé presqu’en courant les marches du Staten Island Ferry Terminal. Oh… c’est bon. Il me restait 11 minutes avant le départ. Quand les portes se sont ouvertes, les gens se sont rués à l’intérieur. Moi je me suis assise dans la coursive, face à la fenêtre. J’ai attendu un peu que le bateau s’éloigne du quai puis je suis sortie sur la plateforme à l’arrière. Et encore une fois, je l’ai prise en pleine face. Cette vue. Manhattan. Ses 2 ponts à droite, la Freedom Tower, enfin finie, insolente malgré le ciel gris. Encore une fois, mon cœur a battu plus fort. J’ai respiré à plein poumon l’air froid et humide. Ça a fait pleurer mes yeux. J’ai aimé ça, j’ai ri, un peu.

C’est le début d’une nouvelle année et comme chaque début d’année, c’est plein de possibilités. Devant moi, au-delà du spectacle de Manhattan et des mouettes qui tourbillonnent dans le ciel gris, il y a 12 mois. 365 jours. 366 même cette fois. Enfin un tout petit peu moins déjà mais rien n’est encore joué, tout est encore là. Chaque route est juste devant et chaque jour, il faudra choisir.

Le ferry rentre dans le ventre de Manhattan et je rentre dans le ventre du métro. J’ai un peu mal aux pieds. J’en ressors presque là d’où je suis partie ce matin. Il est encore tôt, il est 15h34. Je tourne à droite, je remonte Columbus. Sur le trottoir d’en face, une jolie devanture attire mon regard. C’est un café, il y a des banquettes en cuir, de petites tables, des chaises à barreaux en bois et la lumière y est douce. Ça s’appelle Birch Coffee. Je rentre, je commande un grand cappuccino et je m’installe dans l’angle de la vitrine. J’enlève mon manteau, j’enlève mes gants, j’enlève mon chapeau, je dénoue mon écharpe. Il fait chaud, l’air sent la cannelle, je suis bien, je souris. Je regarde les gens qui marchent sur le trottoir, la tête un peu renfoncée dans les épaules, le regard à quelques mètres devant leurs pieds. Lentement, ils s’effacent et devant mes yeux, s’étalent les nouveaux projets. Tout ce qui va remplir cette nouvelle année. Les volutes de cacao s’emmêlent dans la mousse de lait et je déroule mon calendrier : la nouvelle mission MSF, les envies de voyage, peut-être travailler encore un peu et voilà, ce sera déjà 2017 et LE nouveau projet. Vous voulez que je vous raconte ? Il va falloir être patient. Ça, ce sera une autre histoire…

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Yo-yo

Déjà 2 semaines que je suis rentrée. Oh, on ne peut pas dire que j’ai vraiment eu le temps de m’ennuyer. Rentrer à la maison à 3 jours de Noël ne laisse pas beaucoup de place à l’ennui de façon générale. Y a le papier cadeau à dérouler, le saumon à fumer et le foie gras à tartiner. Y a aussi les pulls tout doux à ré-empiler, les siestes avec le chat tout doux pour oreiller et les litres de chocolat chaud qui embaument la maisonnée. Y a le sapin qui resplendoit, les bougies qui scintilloient et les guirlandes qui chatoient. Le tout ça au son du trop souvent sous-estimé « Mets-tu des guirland-euh … »

Dans cette nouvelle vie que je me suis créée, je mets de moins en moins de temps à m’adapter. Je retrouve mes habitudes ici aussi vite que je m’en étais faites là-bas. Y a ma salle de bain d’ici et ma salle de bain de là-bas (c’est pas tout à fait pareil…), mes vêtements d’ici et mes vêtements de là-bas (pas tout à fait pareils non plus, la faute à la météo, œuf corse…), mon chat d’ici et mon chat de là-bas (devinez lequel est obèse…). Sauf qu’ici, maintenant, je suis en vacances. Je n’ai pas de réveil, je n’ai personne à payer, pas d’avion à booker, pas de doléance à écouter la tête légèrement penchée. Tout ce que j’ai à faire, c’est profiter. De l’eau chaude, de la famille, des amis. Et souvent, tout ça se passe autour d’une table. Pas rase, la table. Encore plus souvent quand on est fin décembre ou début janvier. Y a pas besoin d’être grand sorcier pour deviner ce qui se passe…

En même temps comment veux-tu que je m’en sorte ? D’abord c’est Noël. Le concept même de Noël c’est de passer en moyenne 6 heures par jour à table pendant une semaine non stop (comment ça, j’ai rien compris ?). Et v’là le foie gras, les blinis, le saumon fumé, le tarama, la dinde, la farce de la dinde, la sauce de la dinde, les marrons, la purée de céleri (bah… qu’est-ce qu’elle fout là, celle-là ?) les fromages, le pain pour finir le fromage, le fromage pour finir le pain, les verres de vin qui vont teeeeellement bien avec, la bûche, les 13 desserts et rebelote le lendemain pour finir les restes et dix de der le jour d’après parce qu’en fait, y avait encore des restes. Puis après Noël, on est parti en vacances à la montagne. Alors certes, à la montagne on fait de grandes balades pendant des heures, on respire le grand air et tout ça mais le grand air, ça creuse, alors on se tape aussi des kilos de fromage et de charcuterie qu’on arrose de petits verres de vin (ne soyons pas mesquins, ils n’ont rien de petit ces verres…) puis on gobe un ou deux chocolats parce que c’est les vacances et qu’on est là pour se faire du bien et que la vie, c’est suffisamment difficile comme ça pour pas se priver de chocolat et puis que quand même, c’est drôlement bon.

Alors évidemment, je fais le yo-yo. 6 mois de mission, 6kg de moins. 2 semaines en France, 2kg de plus. Tu comprends pourquoi à ce rythme-là, je suis obligée de repartir rapidement.

Y a pas que sur la balance que je fais le yo-yo. Émotionnellement parlant, c’est un peu spacemountainesque aussi. Y a des jours où rien n’est plus beau que l’instant présent, les gens qui m’entourent, le vent dans les premières feuilles (oui, le temps est fou, c’est déjà le printemps), le soleil qui se couche à 17h et le cliquetis des aiguilles à tricoter le soir dans le canapé. Ma bulle est increvable. Puis y a des jours où même le monde est trop petit et où je compte les jours avant le prochain avion. Ça tombe bien, c’est demain. Mais ça, c’est une autre histoire…