C’est vrai, après tout, pourquoi ?
J’aurais pu faire une demande de visa pour la Chine à Paris, où j’aurais eu accès à une photocopieuse, une imprimante, des fonctionnaires mal lunés mais qui parlent français, et trois fois moins de paperasse à remplir. Mais franchement, est-ce que ça aurait été rigolo ? Non.
Alors que là, j’ai dû entrer en contact avec l’ambassadeur de France en Inde, l’ambassadeur de Chine en Inde, trouver un endroit pour faire photocopier mon passeport sous toutes ses coutures mais en un seul exemplaire (oui, parce que si j’en avais voulu 100, ça aurait été un jeu d’enfant, mais pour une seule photocopie… faut chercher), me faire envoyer des attestations d’assurance en-anglais-s’il-vous-plaît, passer quelques heures sur internet et traverser tout Delhi pas moins de 4 fois. Bien plus amusant, tout ça !
Bon alors, pour commencer, j’avais un gros problème : je ne pouvais pas prouver que j’allais bien sortir de Chine à un moment donné. Mon vol suivant partait de Singapour et le billet de train pour le Vietnam n’était pas réservable depuis l’étranger ni par une tierce personne (merci HC pour avoir tenté le coup !). J’ai donc contacté l’ambassade de Chine en Inde en expliquant mon problème. Ils m’ont répondu en m’envoyant la liste des documents à produire pour la demande de visa et en me disant qu’ils comprenaient bien ma situation, que je devais expliquer tout ça dans la lettre de motivation que je devais rédiger à l’attention de l’ambassade et qu’au final, l’ambassadeur déciderait si oui ou non il m’accorderait le visa. Bref, je n’étais pas plus avancée. Si ce n’est qu’ils ont rajouté une petite ligne : pour les personnes demandant un visa depuis un territoire tiers (autrement dit, depuis un autre pays que leur pays de résidence… et devinez qui est dans ce cas ?), il fallait un courrier de ma propre ambassade expliquant ce qu’on faisait là et pourquoi on faisait la demande depuis un autre pays. Ni une, ni deux, j’ai contacté l’ambassade de France en Inde. Qui a commencé par me répondre qu’ils n’avaient jamais fait de courrier de ce type et qu’ils ne souhaitaient pas créer un précédent et que de toute façon, puisque j’étais résidente en Inde ( ???), je n’avais pas besoin de ce document. Après avoir dissipé le léger malentendu sur le motif de ma présence en Inde (hé ho ! je vis pas ici moi ! je vi-si-te !!), ils ont finalement accepté de me faire ce fameux courrier que je devais passer chercher à l’ambassade (bah ouais, ils filent quand même pas des courriers racontant n’importe quoi à n’importe qui n’importe comment…). Sauf qu’évidemment, s’est posé un petit problème de timing : je comptais déposer ma demande de visa le 1er novembre à mon arrivée à Delhi. Mais mon ami de l’ambassade est un petit rigolo, il a posé des congés et n’est pas là avant lundi prochain. Ce qui faisait que je ne peux récupérer ce f***ing courrier qu’à partir du 5 ! Ce qui aurait potentiellement retardé le dépôt de mon dossier chez les Chinois d’autant et m’aurait obligé donc à rester à Delhi à pester contre l’administration…
Mais heureusement, l’histoire s’est déroulée tout autrement…
Après avoir rempli 2 formulaires (au stylo bic noir et en lettres majuscules s’il vous plaît !), fait des tas de photocopies de tout un tas de trucs différents, fais des tas de réservations d’hôtels que j’ai annulées dans la foulée et rédigé une très jolie lettre de motivation manuscrite, j’ai pris le métro, plein d’optimisme, direction Patel Chowk et le Chinese Visa Application Service Center (on l’appellera le CVASC, c’est son nom officiel, pour la suite de l’histoire). Le CVASC, donc, est censé se trouver au 2ème étage d’un building appelé Le Méridien (c’est un hôtel). En arrivant, je me fais refouler par le vigile concierge à l’entrée qui me dit que oui, oui, c’est bien là mais merci de passer par l’entrée de service parce que là, c’est pour les gens importants avec de belles voitures et pas pour les filles qui se sont pas brossées les cheveux le matin. Bref, je fais le tour de l’immeuble et là, je trouve un autre type qui fait la sécurité (très gentil celui-là) à qui je demande si c’est bien là, le CVASC ! Et il me fait un grand sourire en me sortant un papier qui dit… « Désolé, mais on a déménagé il y a 3 jours ! Notre nouvelle adresse c’est D-2, Satek District. A+ ! »
Je vous expliquerai plus tard comment fonctionnent les adresses à Delhi, ce n’est pas le sujet du jour et pourtant c’est infiniment intéressant… Donc reprenons. Toujours pleine de bonnes résolutions, je lève le bras en gesticulant au milieu de la rue hèle un rickshaw avec distinction et je lui donne la nouvelle adresse : D-2, Satek District. Là, il commence à chouiner négocier en m’expliquant que c’est à 25kms, qu’il va jamais trouver de client pour revenir et que donc, ça va me coûter un bras. Mouais… je commence à connaître la chanson… mais étant donné que je n’ai aucune idée de l’endroit où est Satek District et encore moins D-2… je grimpe dans le rickshaw. Et effectivement, c’est loin… En fait, je retraverse toute la ville dans l’autre sens pour finir par m’apercevoir que Satek District, c’est à 3kms de GK1 et que j’aurais pu y aller directement depuis la maison si j’avais vérifié l’adresse sur le site internet du CVASC !
Sauf que… arrivée là, je m’aperçois que j’ai oublié de coller une photo sur mon formulaire… Heureusement, les Chinois ont pensé à tout et ils me tirent le portrait vite fait bien fait. Résultat : les pires photos d’identité que j’ai jamais faites… Mais bon, tout ce que je veux c’est déposer ma demande donc, je ferme les yeux et je colle une de ces horreurs sur mon formulaire.
Je me présente ensuite au guichet. Un fonctionnaire indien (étrangement, y a aucun Chinois dans ce bureau…) commence à regarder mes papiers… La pression monte… Et là, c’est le drame : un de mes formulaires est en français ! Mais heureusement, il a un exemplaire en anglais sous le coude que je remplis illico presto. Puis il me fait signe qu’il va sortir de son guichet pour venir me parler directement… ooooh non ! qu’est-ce qui ne va pas encore ?
Bon, bah, c’est très bien ma p’tite dame mais la lettre de motivation, il nous la faut tapée à l’ordinateur et pas manuscrite et puis surtout… il vous manque la lettre de votre ambassade… J’essaye de jouer la blonde (Ah bon ? Une lettre de l’ambassade ? Mais pour quoi faire ? Non, ce n’est pas marqué sur votre site internet…) mais ça ne marche pas ! Il me fait un grand sourire et il me dit : « C’est pas grave ! Allez à l’ambassade et revenez demain ! » Aaaaargh ! Si, c’est grave ! Je viens de perdre une journée !
Bon, je me dis que je tente le coup quand même et je fonce à l’ambassade de France (… à l’autre bout de la ville, bien sûr, quoisiment à côté du Méridien…). Bien sûr, il est 14h, et la pause déjeuner dure jusqu’à… 15h !!!! Je poireaute donc, assise dans l’herbe devant la grille en compagnie d’un groupe de moines du Ladakh (Julley !!) qui reviennent de Grenoble (???) et on rigole en comparant nos points de vue sur nos 2 pays (ils en reviennent pas qu’on utilise des machines pour laver la vaisselle…) et Grenoble est si propre et si calme…
Bref, je finis par me retrouver dans la salle d’attente du service consulaire et là, devinez qui vient presque m’enguirlander de pas avoir prévenu que je passais ? Mon ami que j’avais eu par mail et qui était censé être en congé ! Oui parce qu’en fait, aujourd’hui, y a tournois de pétanque inter-services à l’ambassade (l’administration française… ça fait pas rêver ?) et du coup, il est venu quand même et j’ai bien de la chance qu’il soit passé par son bureau et bon, ben, puisque je suis là, il va me le faire ce courrier !!
Et comme en fait, c’est un gars sympa, il m’indique même qu’au fond du hall, bien cachée, y a une boulangerie qui vend des baguettes…
Et je repars donc de l’ambassade toute guillerette avec mon courrier tout bien tamponné et ma baguette sous le bras. Je suis tellement contente que j’en offre même un bout au rickshaw driver qui me ramène jusqu’au métro !
Le lendemain matin, avec mes tout nouveaux courriers et pleine d’assurance, je me repointe donc au CVASC. Et là… le même type qui m’a expliqué la veille que j’ai très bien fait de demander un visa double entrée puisque je compte passer par Hong-Kong (ce qui est considéré par les autorités chinoises comme une sortie du territoire… va comprendre !), m’explique alors que comme j’ai actuellement un statut de touriste en Inde, je ne peux pas postuler pour un visa double entrée mais seulement simple entrée et valable 1 mois… Je souris… Je ne dis rien, je souris… Et intérieurement, je fulmine… Mais extérieurement, je souris… JE L’AVAIS DÉJÀ HIER LE STATUT DE TOURISTE, TÊTE DE *** !!!
Mais mon dossier est déposé, je récupérerai mon passeport dans 5 jours et je vais pouvoir aller m’entraîner chez les moines Shaolin pour botter les fesses des fonctionnaires du monde entier !
Oh, j’oubliais ! Maintenant que je sais que je vais récupérer mon passeport le 7 novembre (qui est définitivement une date qui compte), j’ai voulu réserver mon billet de train pour aller à Varanasi. Bien sûr, tous les trains sont complets. Heureusement, il reste des places en quota touriste (ouais, là aussi, encore une bizarrerie indienne mais c’est vraiment très long à expliquer). Mais devinez quoi ? Bah… pour réserver un billet en quota touriste… FAUT MONTRER SON PASSEPORT AU GUICHET DES RÉSERVATIONS !! Mouahahahahaha…
PS : Désolée pour mes lecteurs fonctionnaires, mais là, trop… c’est trop !