Cette nuit le long du trottoir à Redcliffe a été aussi bonne si ce n’est meilleure que les précédentes. Un petit parfum supplémentaire d’aventure je suppose… Personne n’est venu me réveiller au beau milieu de la nuit pour me dire de dégager, j’entendais les vagues se fracasser régulièrement sur la plage en contrebas et j’ai été réveillée par les piaillements énergiques de drôles d’oiseaux aux becs longs, fins et recourbés (qui sont obligés de se démancher le cou quand ils veulent boire parce que la nature est mal faite, ce ridicule appendice ne fait pas paille).
Comme je n’ai pas l’intention de rester sur mon échec cuisant de la veille avec le réchaud, je décide de me faire un petit déj digne de ce nom et de me faire des œufs au plat avec des toasts. Facile, j’ai un barbecue. Moins facile, comment faire cuire un œuf au plat sur une plaque incurvée avec un trou au milieu ? Mais mon deuxième prénom, c’est Mac Gyver, je suis trop futée, je décide de faire cuire les toasts sur le barbecue puis de casser les œufs dessus (les toasts) pour qu’ils cuisent à travers. Brilliant, isn’t it ? Sauf que. Au bout de 10 minutes, je me retrouve avec des toasts quasi carbonisés et des œufs crus… Comprends pas, c’était pourtant l’idée du siècle. Les lois de la thermodynamique doivent être différentes de ce côté du globe (d’ailleurs, c’est vrai, l’eau tourbillonne dans l’autre sens dans l’évier), ça a tout fait foirer. Du coup, aux grands maux les grands remèdes, je retourne mes oeufs toastés directement sur la plaque du barbecue et je prie pour ne pas me retrouver avec une omelette géante… Et ça marche ! Tadaaaaa !
Je suis trop fière de moi. Mac Gyver est trop fier de moi. Les Castors Juniors sont trop fiers de moi.
Bon. Et en quel honneur ce petit déj de championne ? Et bah parce que aujourd’hui, je gravis le Mont Beerwah. Et ouais ! Rien que ça. En fait non. Pas rien que ça. J’escalade le Mont Ngungun aussi. Exactement. Deux pour le prix d’un. Aujourd’hui, je quitte la côte (enfin… je suis à 50kms, hein, on s’affole pas) et j’explore le Glass House Mountains National Park. Marre des plages, un peu de dénivelé, nom d’un koala ! Elles sont jolies ces montagnes en plus, elles sont là, comme ça, plantées au beau milieu de rien, toutes vertes et elles racontent une légende aborigène d’une cruauté absolue (c’est l’histoire d’un papa montagne qui disloque le cou de son fils parce qu’il n’a pas aidé sa maman montagne enceinte à se sauver lors d’une inondation alors qu’en fait, elle ne va même pas se noyer…), il était donc temps de faire autre chose que lézarder sur la plage.
Alors, on se détend tout de suite, ça a beau s’appeler les Glass House Mountains, le Mont Beerwah culmine à 556m et le Ngungun à 253. Pas de quoi fouetter un chat. Juste de quoi se prendre une bonne suée. Mais la vue à l’arrivée, ça envoie de la bûchette. Ce qui est surtout impressionnant, c’est de constater qu’à 50kms de la côte, y a déjà plus une ville à l’horizon. Les Australiens, qui vivent dans un pays dans lequel on pourrait caser toute l’Europe et y aurait encore de la place, peuplent 1% du territoire. Ils ont d’ailleurs une expression pour ça : ils disent qu’ils habitent « dans la véranda » de l’Australie.
Après cette journée sportive, j’ai fini ma course dans la Diamond Valley (ça ne s’invente pas), un petit village caché au pied des fameuses montagnes. Et pourquoi là je vous prie ? Et bien parce que c’est là qu’habitent Dawn et Grace. Et c’est qui ça, Dawn et Grace ? Souvenez-vous, je les avais rencontrées au Vietnam, à Dalat et elles m’avaient proposé de venir passer quelques jours chez elles, sur la Sunshine Coast. Family time !
Alors, dans la famille il y a Dawn, la maman, Russell, le papa, Grace, la fille, et Stuart, le fils. Ces quatre-là sont les gens les plus accueillants et chaleureux qui existent au monde. Ils se sont pliés en quatre pour me faire découvrir leur région et leur culture. J’ai donc eu droit à un petit survol de la côte en avion (Stuart passe son permis de pilote, ça aide), une balade dans une forêt pluviale primitive (sans la pluie mais avec les sangsues…) et une longue journée riche en émotions dans le Great Sandy National Park. Pour se rendre dans le Great Sandy National Park, il faut un 4×4. Parce qu’il n’y a pas de route. Il y a du sable (comme son nom l’indique). Quand nous sommes arrivés sur la plage, nous avons aperçu au loin un petit monsieur en costume perché sur des rochers. Et quand on s’est approchés, on s’est aperçus qu’avec le petit monsieur en costume, il y en avait un autre avec une caméra. Et ces deux-là se sont littéralement jetés sur nous et ont demandé à Russell ce qu’il pensait de l’état de la plage. Cette pauvre plage, bien connue dans le coin, a été partiellement vidée de son sable lors de récents orages et du coup, y a plein de cailloux. Des coffee rocks pour être précis. C’est beaucoup moins marrant à traverser. Et apparemment, ça intéresse la télé. Russell a donc donné son avis et a précisé qu’il venait aujourd’hui parce qu’il avait une visiteuse française à qui il voulait montrer les dunes. Et voilà comment je suis devenue une star de la télé australienne. Bon, le type doit croire que la France est un pays sous-développé parce qu’il m’a demandé si j’avais déjà vu un hélicoptère… Mais passons, il était rigolo. Après ça, on roule, on roule, on roule sur la plage. Des kilomètres. Vous avez déjà vu ça vous ? Une plage où on peut rouler sur près de 40kms sans rien voir d’autre que des dunes à gauche et l’océan à droite ? Evidemment non. Chez nous, déjà, on n’a pas le droit de rouler sur les plages. Et puis 40kms de littoral sans un bloc de béton, ça serait un sacré manque à gagner. Surtout avec une vue pareille. Ici, c’est juste normal. Quelques familles ont installé des campements le long des dunes, elles vont passer le week-end ici, à pêcher, faire des châteaux de sable et regarder l’océan. Nous, on trace. On va tout au bout, à Rainbow Beach. Rainbow Beach s’appelle Rainbow Beach parce que les dunes qui encerclent la plage sont multicolores. Bon, ça reste dans les jaunes, orangés et ocres mais c’est sacrément joli. Alors on pique-nique là. Et là, c’est l’apothéose. Des dauphins ont décidé de venir jouer dans les vagues, juste sous notre nez. Y en a même un qui surfe sur sa queue et fait des bonds gigantesques. Pour un peu, on l’entendrait rigoler tout seul. Ma-gique…
Sur le chemin du retour, Russell a décidé qu’il était temps de me faire rencontrer les flics australiens. Est-ce que vous pouvez croire qu’ici, il est possible de se faire flasher sur une plage et arrêter par des types qui portent un flingue à la ceinture et un short ? Un short !
Non mais sans rire, comment tu veux prendre au sérieux un type en short qui t’arrête sur une plage et qui te dit « Euh… Bonjour Monsieur. Vous savez à combien vous rouliez là ? ». Bon, cela étant dit, faut pas trop rigoler quand même parce que les excès de vitesse sur plage, ça coûte cher… Mais le plus drôle, c’est que 5kms plus loin, y a une autre brigade de types en short qui eux, te font souffler dans le ballon. Alors, forcément, tu te dis : « Mais pourquoi donc tant de shorts sur cette plage ? ». Et bah parce que demain, c’est Vendredi Saint. Et qu’en Australie, Vendredi Saint, c’est férié et c’est un peu comme un de nos viaducs du mois de mai, tout le monde part en week-end, camper au bord de la plage. Autant dire que les petits gars en short, ils vont avoir du boulot ce week-end !
Enfin bref, ces quelques jours à partager la vie de Dawn, Russell, Grace et Stuart furent un vrai bonheur. Le tout arrosé de bon vin, de bonnes poilades (T’as déjà essayé d’expliquer à des Australiens ce que veut dire « ça casse pas 3 pattes à un canard » ? Ils sont à 2 doigts de t’accuser de torture sur animaux !) et de délicieux repas, ça n’a pas été facile de repartir…
Mais Ben commençait à faire la tronche, ça faisait 3 jours qu’on ne se parlait plus, la batterie du frigo était sur le point de rendre l’âme, fallait faire quelque chose. Alors ce matin, j’ai repris la route. Avec, pour me consoler, un gros œuf en chocolat que m’ont offert mes amis du bout du monde. Joyeuses Pâques !
Photos ici.