PCT Training 2 – la Rota Vicentina

Reprenons cette histoire d’entraînement.

Je venais de passer 15 jours à gambader dans les montagnes. Et à ma plus grande surprise, ça n’avait pas été si horrible que ça. Ça avait même été carrément chouette. Mais pour être honnête, je n’avais aucune idée ni des dénivelés, ni des distances parcourues. Tout ce que je savais c’est que j’en avais encore sous la semelle mais pas non plus de quoi courir un ultratrail.

Alors je me suis dit que ça serait bien de savoir si j’étais capable de marcher 25 kilomètres avec un sac sur le dos. La dernière fois que j’avais marché sur une vraiment longue distance, c’était par une nuit froide de janvier. 39 kilomètres au pas de charge entre Beynes et Mantes-la-Jolie. De nuit. Oui. Non, c’était pas une lubie. C’était un morceau du Paris – Mantes à la marche. Et le lendemain, ou plutôt le surlendemain, avait été catastrophique. C’était plus des jambes que j’avais, c’était des poteaux. Je ne marchais plus, je glissais. Douloureusement. Les escaliers ? Même pas en rêve. Alors certes, on peut dire que l’absence totale d’étirements après l’épreuve était sûrement pour quelque chose dans mon état misérable mais pas que. Marcher 39 kilomètres comme ça, de but en blanc, je peux le faire. Y survivre, c’est moins sûr. Et recommencer le lendemain, ça, c’est carrément à exclure. Or dans l’idée de finir le PCT avant que la neige ne recouvre les montagnes du nord-ouest américain, il va falloir enchaîner les marches de plus de 25 kilomètres. Et non pas une ou deux fois comme ça en passant mais tous les jours. Plusieurs semaines durant. Mais soyons réalistes, si je commence dès le premier jour avec 35 kilomètres, je vais jamais tenir la distance. Je compte donc me la jouer diesel. Tranquille au début pour me chauffer puis augmenter le mileage (bah oui, puisqu’on compte en miles là-bas, on dit mileage, pas kilométrage) doucement mais sûrement.

Mais même comme ça, dès le départ, va pas falloir se laisser aller. C’est pas exactement une promenade du dimanche non plus… Et clairement, si je parcours moins de 25 kilomètres (15 miles) par jour, je vais prendre du retard. J’avais donc besoin de savoir si je pouvais marcher 25 kilomètres par jour, plusieurs jours d’affilée. Et bien mesdames et messieurs, la réponse est… OUI !!! Mais laissez-moi vous raconter comment je sais ça.

Il y a un petit moment déjà, je m’étais dit que j’irais bien voir à quoi ressemble le Portugal. C’est vrai, le Portugal, c’est pas très grand, c’est juste à côté et on en entend jamais parler. Et puis j’avais lu le récit de voyage d’Adeline et elle parlait de Rota Vicentina, de petits sentiers, de falaises, de soleil qui se couche dans la mer… ça avait l’air vraiment sympa. Alors ni une ni deux, j’ai googlé « Rota Vicentina », lancé une recherche pour un vol Paris – Lisbonne et une demi-heure plus tard, j’avais un billet d’avion et un itinéraire parfait pour 15 jours de marche le long de la côte portugaise.

N’ayant jamais mis les pieds au Portugal, j’ai tout de même pris le temps de visiter Lisbonne. J’avais toujours entendu dire que c’était hyper sympa, mais c’était bien plus que ça. C’était carrément… wow… Les vieilles ruelles tellement jolies, le tram tellement grinçant et brinquebalant, la lumière tellement douce et chaude, la mer tellement scintillante qui surgit entre 2 rangées d’immeubles tellement colorés… c’était tellement chouette !! La gastronomie portugaise n’a rien gâché à la fête non plus : pasteis de nata, morue sous toutes ses formes, petit verre de vin cuit en terrasse… j’en venais presque à regretter de devoir quitter Lisbonne pour aller gambader dans la campagne.

Mais je n’étais pas là juste pour flâner le nez en l’air et me perdre dans les ruelles de l’Alfama au son du fado même si tout ça avait un charme indéniable. J’avais un programme sportif de haut niveau. Alors par une belle fin d’après-midi, j’ai grimpé dans un bus direction Porto Covo. Je suis arrivée à la nuit tombée. Le vent s’était levé. J’ai mis mon sac sur mon dos et j’ai avancé dans une jolie rue pavée façon station balnéaire avec ses boutiques pas très hautes et ses restos aux murs blanchis à la chaux. Y avait pas grand monde dehors, c’était la fin de soirée, les stores étaient déjà baissés. J’ai rapidement trouvé le Ahoy Porto Covo Hostel et Nicolas, son propriétaire. Nicolas est ultra gentil et une vraie mine d’info sur la Rota Vincentina. Il m’a briefé pendant près d’une heure devant la carte du parcours de mes 10 prochains jours : les plages où il faut absolument aller piquer une tête, les restos où il faut aller manger les meilleurs fruits de mer de la planète, les spots à pique-nique parfaits… bref, il était déjà 23h, je tombais de sommeil et je me suis donc écroulée sur mon matelas après avoir soigneusement préparé mes affaires afin de quitter mon dortoir au petit jour sans réveiller toute la maison.

Le lendemain matin, le vent était tombé et j’ai refermé doucement la porte de la maison au moment où les premiers rayons du soleil réchauffaient le chat de la voisine perché sur le muret. Un petit gratouillis sous le menton mais pas le temps de s’attarder. C’est qu’il y a 20kms à faire jusqu’à Vila Nova de Milfontes  et que je ne sais pas si ça va me prendre 5 heures ou 6 jours. J’ai des provisions dans mon sac pour les 4 jours qui viennent, ça devrait jouer. J’ai ajusté mes guêtres sur mes baskets, j’ai posé mes lunettes de soleil sur mon nez et en avant Guingamp ! Le sentier suivait la côte en grimpant sur la falaise sur en redescendant sur la plage. Rapidement, je me suis mise à marcher dans le sable. Parfait pour tester les guêtres. Le ciel était bleu, l’océan était bleu, le sable était presque blanc, il y avait des petites vaguelettes et le vent soufflait doucement juste comme il fallait et je déroulais les kilomètres. Je n’ai croisé quasiment personne jusqu’à arriver à l’entrée de Vila Nova. J’avais mis 5 heures. J’étais tellement fière de moi que j’avais envie de dire à tout le monde : « Hey ! Vous savez quoi ? Je viens de faire 20kms en 5 heures avec mon gros sac sur le dos et j’ai même pas mal aux pieds !! ». Y avait que des mouettes. Pour fêter ça je me suis assise sur un banc face à l’océan. Je me suis coupée de belles tranches de pain entre lesquelles j’ai plié de belles tranches de jambon fumé et de fromage au poivre. J’étais heureuse. Sale, mal peignée, avec des coulées de crème solaire dans le cou mais heureuse. J’ai un peu erré en ville avant de trouver le Hike & Surf Lodge où je devais passer la nuit puis j’ai passé l’après-midi à la plage. A Vila Nova de Milfontes, la plage se situe juste à l’embouchure de la rivière. L’eau est donc calme et paisible sur la plage et les surfeurs jouent avec les vagues un peu plus loin. Là encore, le vent rendait la chaleur parfaitement supportable et j’ai conclu cette belle première journée par un petit verre de porto en terrasse.

Le deuxième jour a commencé par la traversée de la rivière dans un petit bateau. Certes, j’aurais pu faire le tour et marcher quelques kilomètres de plus, mais franchement, c’était pas les kilomètres qui allaient manquer au cours de la semaine, j’ai donc estimé que traverser en bateau n’était pas tricher. La destination du jour c’était Almograve à quelques 15 kilomètres de là. 15 kilomètres ? Du gâteau après la journée de la veille !! Même genre de paysages, du sable, des dunes, du sable, des dunes… oh ! une petite échelle en bois pourri pour descendre une falaise de 12 mètres de haut… des vues de dingue depuis le haut de la falaise d’en face, du sable, des dunes, du sable, des dunes et puis Almograve. Il était à peine 11h quand je suis arrivée. Tellement tôt que la petite dame de la Pousada de Juventude voulait même pas me laisser accéder à mon dortoir… J’ai donc patienté, sagement assise dans le hall jusqu’à ce qu’il soit midi pétantes et j’ai enfin pu aller poser mon sac et prendre une douche. Je me suis ensuite fait à manger et je suis allée faire un petit tour dans le village. Pas grand-chose à voir à part quelques chats qui se chauffaient la couenne au soleil. A la Pousada de Juventude, y avait personne.  J’ai passé le reste de l’après-midi à l’ombre de la terrasse à lire et à sentir le vent sur mon visage. Le soir, je me suis cuisiné des pâtes sauce tomate dignes d’une cantine scolaire des années 80. J’avais hâte d’être au lendemain.

Au troisième matin, j’ai quitté Almograve dans la purée de pois. Ça donnait un petit côté mystique à la balade. Le soleil essayait bien de percer l’épaisse couche de nuages mais j’ai rarement pu apercevoir mon ombre. J’ai enfoncé un écouteur dans mon oreille gauche et j’ai écouté d’une oreille mon audiobook. Je marchais sur les falaises portugaises tout en pourchassant les criminels dans le Massachussetts. J’ai profité d’une mini éclaircie, pour pique-niquer assise au bord de la falaise, observant les nids de cormorans en contrebas. Mais j’ai pas vu passer les 22 kilomètres de la journée absorbée que j’étais dans mon livre. Je suis arrivée de bonne heure à Zambujeira do Mar. Je me suis assise sur un banc sur la petite place pavée qui surplombait la falaise et j’ai regardé les gens vaquer à leurs occupations. Un peu plus tard, je me suis installée à l’hostel Hakuna Matata. Y avait eu un orage la veille et l’eau était coupée. C’était bien dommage vu le besoin urgent que mes cheveux avaient de voir une douche. En fin d’après-midi, l’eau est revenue. Et j’ai repris forme humaine. Je suis ensuite allée faire quelques courses dans le village et j’ai passé la soirée à regarder des vidéos sur mon téléphone. L’hostel était quasi vide, pas un ronfleur à l’horizon, j’ai pu laver mes fringues et les étaler sur tous les lits du dortoir pour les faire sécher. Le lendemain, je me suis offert un jour off. Bah c’est vrai quoi. J’étais là pour marcher mais j’étais aussi un peu là pour profiter. Alors je suis allée à la plage où je me suis presqu’endormie en écoutant mon audiobook. J’ai préparé mon sac de bouffe pour les prochains jours, mangé une gigantesque salade et vidé mes chaussures de tout le sable accumulé dans les doublures. J’étais prête à repartir.

C’est tout juste si j’ai eu besoin de mettre le réveil le lendemain. J’ai remis mon sac sur mon dos, bouclé ma ceinture, ajusté mes guêtres et je suis repartie. A la fraiche. L’étape du jour me menait à Odeceixe à « seulement » 18kms de là. Alors j’ai pas forcé. J’ai pris mon temps. J’ai fait des pauses, j’ai admiré le paysage assise au bord de la falaise à ne penser à rien. Malgré tout, je suis arrivée de bonne heure à Odeceixe. Y avait personne à l’hostel. En fouinant un peu, j’ai trouvé une clé. Je suis donc entrée, j’ai posé mes affaires, pris une douche, fait un peu de lessive. Un peu plus tard, d’autres gens sont arrivés. Eux aussi, ils se baladaient le long de la Rota Vicentina. Ils se sont installés dans l’autre chambre, me laissant étaler toutes mes affaires tranquillement et brancher mes chargeurs sur toutes les prises. Un peu plus tard, je suis allée faire un petit tour dans le village. Très joli avec ses ruelles pavées en pente et ses maisons blanchies à la chaux. Y avait tout un tas de chats qui se doraient au soleil et qui ouvraient à peine à œil quand je tendais la main pour les caresser. Tout en haut du village, il y avait un ancien moulin à vent. Impossible de rentrer dedans mais la vue de là-haut était imprenable.

L’étape du sixième jour m’a amené à Aljezur, 18kms plus loin. Pour changer du sable et des dunes, le chemin suivait cette fois le canal d’irrigation de la Mira, la rivière du coin. La balade était facile, à plat, à peine besoin de repérer les petites marques rouges et blanches qui jalonnaient le sentier. Au bout d’un moment, j’ai même rejoint une forêt d’eucalyptus dont le parfum m’a ramenée plusieurs années en arrière sur la côte corse. Et puis j’ai fini par retrouver les dunes, le sable et la falaise. Et perché sur la falaise, Aljezur. Aljezur-le-vieux sur la falaise et Aljezur-la-nouvelle avec sa nationale et son supermarché en contrebas. L’Amazigh Design Hostel où j’ai posé mon sac était vraiment sympa. Creusé dans la paroi rocheuse avec une vue imprenable sur la vallée depuis le toit-terrasse. Encore une fois, j’étais seule dans ma chambre. Septembre dans ce petit coin de Portugal semblait être déjà hors saison.

Le lendemain c’était presqu’une journée de vacances : 12kms jusqu’à Arrifana. Le long de la falaise avec quelques passages par les plages. Du coup, j’en ai profité. J’ai traîîîîîîné. Je me suis baigné, j’ai fait une sieste. Et je suis arrivée à Arrifana en milieu d’après-midi. Probablement ma plus longue journée malgré le peu de kilomètres parcourus. Arrifana est très connu pour sa plage complètement encastrée entre 2 falaises ce qui en fait apparemment un spot de surf réputé. Je suis donc allée y faire un tour, regarder les enfants jouer au cerf-volant et compter tous les petits points noirs dans les vagues qui essayaient de se mettre debout sur leurs planches. Le Arrifana Destination Hostel est une usine à surfers. J’ai essayé de me fondre dans la masse mais avec mon bronzage de randonneuse et mes baskets de trail, j’ai eu le droit à quelques questions. L’occasion de rencontrer (enfin !) quelques Portugais en vacances. Bizarrement, peu de gens connaissaient la Rota Vicentina. Et l’idée de faire ça toute seule… totalement délirant apparemment…

Le lendemain, j’ai quitté Arrifana de bonne heure. C’était LA grosse étape de la semaine : direction Carrapateira à 24kms de là. J’avais eu des journées plutôt faciles les jours précédents, j’ai donc pris mon temps et je suis arrivée tranquillement à Carrapateira dans l’après-midi. Je me suis installée à la Pensao das Dunas. J’y suis restée 3 jours. Et comme l’avait si bien raconté Adeline, c’est vraiment un petit coin de paradis. Les propriétaires de la Pensao das Dunas sont uuuuultra gentils (et ils font un petit déj de dingue ce qui ne gâche rien), la plage est maaaaagnifique, y a des petits oiseaux qui chantent et j’ai même croisé un tout petit serpent qui m’a filé entre les doigts de pieds (que j’ai fort joli par ailleurs…). Bref, j’ai bien failli m’installer pour de bon à Carrapateira. Mais je n’étais pas encore arrivée au bout du bout du chemin. Il restait 2 étapes.

D’abord, il y a eu Vila do Bispo. Encore 22kms sous le soleil et le ciel bleu, à gambader joyeusement entre les champs en essayant d’approcher la faune locale. Pas d’océan pour une fois. Au GoodFeeling Hostel de Vila do Bispo, j’ai rencontré G., une Allemande. Elle voulait aller se balader. On s’est mis d’accord pour décoller à 7h le lendemain.

En ce dernier jour, on est donc parties de bon matin et très vite, on s’est retrouvé au bord des falaises à contempler l’océan 100 mètres plus bas. Cette dernière étape, malgré ses « petits » 14kms, c’était un peu l’apothéose de la balade. De la falaise encore plus découpée que d’habitude, des petits oiseaux partout, de la bruyère qui sent bon… A un moment, pendant qu’on papotait, on a voulu prendre un petit raccourci. Je me suis retrouvée suspendue par le bout des doigts à un morceau de caillou bien friable qui menaçait de dégringoler 50 mètres plus bas. Je suis remontée en rampant sur la falaise. Adieu raccourci. Mourir si près du but, ça aurait bien ballot. J’en ai été quitte pour une belle frayeur et une belle balafre sur le tibia gauche. On a donc sagement suivi le chemin et puis on a fini par arriver au Cabo de San Vicente. Tout au bout du bout du sud du Portugal. Et après presque 2 semaines à me croire seule au monde au paradis, j’ai retrouvé les cars de touristes et les stands de saucisses-frites qui vont avec. Drôle de sensation. J’ai quitté là G. qui est rentrée à Vila do Bispo et moi j’ai continué ma route en bus jusqu’à Sagres où j’ai ensuite sauté dans un train pour Faro.

Je n’ai passé qu’une petite journée à Faro où je prenais l’avion le soir même pour rentrer à Paris. C’est pas très grand, Faro, on peut l’explorer à pieds sans problème. J’ai eu le temps d’y manger une glace en regardant les petits poissons dans les eaux vertes du port et de traîner dans les vieilles ruelles pavées à la recherche d’un peu de fraîcheur. Et en fin d’après-midi, j’ai remis mon sac sur mon dos et j’ai pris la direction de l’aéroport. Les vacances étaient finies.

S’il n’y a qu’une chose à retenir de ce joli voyage au Portugal, c’est que cette partie de la côte portugaise est splendide. Tellement que je compte bien y revenir. Et aussi que Carrapateira est une excellente destination pour des vacances au calme, dans un paysage de carte postale. Et qu’en plus, c’est vraiment pas très cher. Surtout au mois de septembre. Bref, il n’y a pas qu’une seule chose à retenir de ce joli voyage au Portugal. Mais la plus importante c’est que j’arrive parfaitement à marcher plus de 20kms avec un sac sur le dos plusieurs jours d’affilée. Et je suis un peu rassurée.

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PCT Training 1 – de Allos à Menton

Parfois, je me lance des défis à la noix. Souvent, les gens me disent que je suis folle. Des fois, je crois qu’ils ont raison… Prenons un exemple.

Moi : « Hey ! Et si j’allais faire une rando de plus de 4000 kilomètres en 5 ou 6 mois, soit une moyenne de presque 30 bornes par jour ? »

Les gens : « Mais ma pauv’fille ! T’es complètement folle ! Pis comment tu vas faire pour t’entraîner ? »

Moi : « Ah ? Faut s’entraîner… ? »

Bref, je me suis dit que bien que la réussite d’un projet dépend à 90% du fait que tu y crois, il ne fallait peut-être pas complètement négliger le côté physique de l’affaire. Evidemment, je trouverai toujours des gens qui ont réussi le PCT sans avoir fait aucun entraînement particulier mais les experts sont tout de même relativement d’accord pour dire que s’entraîner un peu ne fait pas de mal…

Alors je me suis laissée convaincre. Bon. Sauf que pour s’entraîner à courir un marathon, on ne sort pas direct, courir un marathon. On fait de plus petites distances, on fait du fractionné (beurk !), on alterne les sorties courtes, les sorties longues, bref, on fait ça rationnellement, intelligemment, selon un planning bien établi. OK, mais concrètement, c’est quoi le plan pour s’entraîner pour le PCT ? Comment on fait pour s’entraîner à marcher 35 bornes par jour avec plus de 1000 mètres de dénivelé, en particulier quand on n’habite pas à la montagne et qu’avec un peu de chance, on n’a même pas le droit de mettre un pied à l’extérieur ? Bah voilà. En fait, on peut pas vraiment s’entraîner pour ça. Mais j’ai quand même essayé. D’abord parce que mon cerveau m’a dit que rester vautrée dans mon canapé, c’était quand même pas la meilleure idée et ensuite parce que je voulais tester mon matériel. Ou tout du moins une partie de mon matériel.

Cet été donc, comme tous les étés, je suis partie en rando avec les copains. Mais d’habitude, même si on fait pas de la rando de papis, on n’est jamais en autonomie complète à porter les tentes, les sacs de couchage, les réchauds et nos 3 repas par jour. D’habitude, on dort en refuge et on y prend nos dîners et petit-déjs. Ouais, peut-être qu’on fait un peu de la rando de papi en fait. Donc dans nos sacs, d’habitude, il n’y a que quelques fringues, des barres de céréales et les pique-niques de la semaine (et oui, on mange les melons en premier, on n’est pas complètement teubé). Et d’habitude, j’ai déjà parfois tendance à trouver mon sac lourd. Autant dire qu’à l’idée de porter ma tente et tout le reste pour jouer au parfait petit homme perdu dans la montagne, je me demandais si j’avais pas eu les yeux un peu plus gros que le ventre… Il a donc fallu élever le niveau.

D’abord, on a fait une boucle tous ensemble dans le Mercantour au départ d’Allos. On a fini la semaine en apothéose avec une nuit en bivouac au lac de Lignin à 2270m. D’abord, on a monté la tente. 5 minutes chrono ; un vrai succès. Ensuite on a fait chauffé de l’eau pour les nouilles chinoises. Le réchaud a fonctionné à merveille. Pas aussi rapide qu’un réchaud à gaz mais le pare-vent intégré est juste génial. Et puis la nuit a été bien froide mais roulée en boule dans mon Panyam 450, j’étais juste toasted comme on dit. Au petit matin, on a mis un peu de temps à faire sécher le double toit de la tente qui était tout mouillé à cause de la condensation. Mais malgré ça, l’expérience a été plus que réussie.

Du coup, une fois qu’on est redescendu de cette montagne-ci et qu’on a abandonné une partie des copains, on a pris un petit train, fait un peu de stop (toi aussi, fais du stop à 3 avec des gros sacs de rando…) et on est remonté sur cette montagne-là. Cette montagne-là, c’était Isola 2000 et le plan c’était d’aller mettre les pieds dans la Méditerrannée, sur la plage de Menton 8 jours plus tard. Sauf que cette fois, plus question de repas pantagruéliques et de la chaleur des dortoirs de refuge. Cette fois, c’était 8 jours tout seuls dans la montagne loin de la civilisation ou presque. Et ouais, sur le papier, ça me foutait les jetons…

On avait un peu préparé notre coup. J’avais été faire un tour à Auchan où j’avais rempli un caddie de sachets de semoule, de boîtes de thon, de soupes déshydratées, de muesli, de lait en poudre, de pâtes de fruits et de pom’potes. Vous auriez dû voir la tête de la caissière quand j’ai aligné tout ça sur son tapis. Elle a levé un sourcil et m’a jeté un regard perplexe genre : « mais tu vas nourrir un camp de vacances de gamins de moins de 5 ans ou quoi ? ». Ensuite, j’ai jeté tous les cartons, j’ai tout mis dans des sacs congélation (ah le sac congélation… le meilleur ami du randonneur… tu y mets ta bouffe, tes chaussettes sales, ton téléphone… pas tout dans le même sac, hein, évidemment…) et j’ai laissé ça mûrir une semaine dans un coffre de voiture pendant qu’on se promenait dans le Mercantour.

Quand on a quitté Isola 2000 après avoir fait un petit tour par le supermarché pour ajouter quelques produits frais (saucisson, jambon, pâté) à nos menus des prochains jours, j’avais un peu plus de 20kg sur le dos. C’était lourd. Tellement lourd que j’arrivais pas à soulever mon sac toute seule pour me le jeter sur le dos. Là, on était plus sur le papier et ça me foutait toujours les jetons. Mais c’était plus le moment de se poser trop de questions. Et la rando, c’est pas compliqué : tu mets ton pied droit devant ton pied gauche, puis ton pied gauche devant ton pied droit et tu recommences jusqu’à ce que mort s’ensuive… Alors lentement, j’ai soulevé mon pied droit, péniblement j’ai ensuite soulevé le pied gauche et puis j’ai recommencé. Et je suis pas morte. Je peux même dire que cette petite semaine, je l’ai grave kiffée.

Alors oui, on a vite réalisé qu’on aurait pu trouver une meilleure idée que la boîte de thon qui une fois vide prend autant de place que pleine ; oui, la pom’pote c’est lourd, super lourd ; oui, on a pris qu’une douche en 8 jours ; oui, y a un sac de muesli qui a explosé dans un sac et oui, récupérer du flocon de muesli dans un sac, c’est chiant ; oui, on a eu une chance de malade question météo puisqu’on a réussi à squatter un refuge la seule nuit où il y a eu de l’orage et oui, quand on est arrivé sur la plage de Menton, y a une petite fille qui s’est enfui en courant en criant : « Mais Mamaaannnnn, ils puent des pieds les gens !!! »

Et la morale de l’histoire c’est que je ne crois pas du tout que ces deux jolies semaines ont ressemblé de près ou de loin à ce qui m’attend sur le PCT. Mais je sais maintenant comment choisir un spot pour monter la tente, doser l’alcool à mettre dans le réchaud, vivre avec 2 t-shirts et 3 paires de chaussettes et surtout, j’ai plus les jetons. Je sais que je m’adapterai, que je trouverai ma routine et que je vais adorer ça. Et maintenant, j’ai hâte…