La tranquille Suzhou

J’ai donc repris mon train-train quotidien. Enfin juste le train. 30 minutes. Et me voici à Suzhou (prononcer Soudjo avec le « d » très léger), dans le Jiangsu.

Fondée il y a quelques 2500 ans, Suzhou, peuplée de marchands et d’artisans, prospéra comme centre de transport fluvial et de stockage des céréales après l’achèvement de la construction du Grand Canal dans les années 600 (qui était vraiment le plus long du monde puisqu’il serpentait sur près de 1800kms entre Beijing et Hangzhou et reliait le Fleuve Jaune et le Yangzi. Maintenant, il est pour partie ensablé et n’est quasiment plus navigable). Au XIVème siècle, Suzhou était devenue la première ville productrice de soie du pays. Riches marchands, aristocrates, hédonistes, érudits, acteurs et peintres célèbres vinrent s’y installer, faisant construire villas et jardins. D’ailleurs, ces jardins constituent aujourd’hui le principal attrait de Suzhou. Sur la centaine qu’elle comptait autrefois, il n’en reste qu’une poignée, dont certains remontent à plus d’un millénaire. Ils sont disséminés dans la vieille ville, entre les canaux qui ont donné à Suzhou sa réputation de « Venise de l’Orient ».

Et puis après les 19 millions de Shanghaiotes, ici, on frôle à peine les 10 millions d’habitants, c’est donc une certaine douceur de vivre que je suis venue respirer. Et puis c’est l’étape luxe de la Chine. Ici, j’ai droit à un vrai hôtel, avec ma chambre et ma salle de bain rien qu’à moi et avec une baignoire en prime. Bon, faut bien que je râle un peu, mon histoire d’amour avec mon 5 étoiles a mal démarré : ils m’ont arnaqué sur le prix de la chambre (c’est nouveau, les taxes de séjour c’est 33% du prix de la chambre maintenant… à rajouter en supplément bien sûr…), la chasse d’eau fuyait, la connexion internet ne fonctionnait pas, y avait pas de chauffage la première nuit et c’est le palais des courants d’air (puis il fait que 0°C dehors, de quoi je me plains ?) mais sinon, au bout de 24 heures, on a réussi à s’entendre (sauf sur le prix de la chambre) et maintenant, le personnel est aux petits soins… (je te raconte pas ce qu’ils doivent se raconter en chinois derrière mon dos…)

Et puis tout le chemin est balisé puisque ma mère et mon frère sont venus ici il y a 2 ans et que la liste des choses que je dois ab-so-lu-ment faire est 3 fois longue comme mon bras. Mais en Chine, 2 ans c’est 2 décennies à Paris. Pendant ce temps, ils ont construit le métro, détruit puis reconstruit le quart de la ville et c’est même pas la peine espérer retrouver un petit resto sympa au fond d’une ruelle, il a déjà été remplacé 3 fois par une boutique de fringues, une boutique de mobilier et à nouveau un resto. En Chine, on n’est pas là pour enfiler des perles…

Le truc à visiter donc à Suzhou, ce sont donc les jardins. Et flâner le long des canaux. Et ça, je commence à savoir faire. Et puis comme il fait beau à nouveau, c’est plutôt agréable de se chauffer au soleil d’hiver en regardant passer les bateaux et en comptant les carpes. Il y a donc : le jardin de l’Humble Administrateur (vu la taille du jardin, on me dira ce qu’il avait de « humble » cet administrateur… ça avait plutôt l’air d’être le « corrompu » administrateur…), le jardin du Bocage du Lion (je n’invente rien, la Vendée n’a qu’à bien se tenir !), le jardin où s’attarder (une ancienne maison de repos pour personnes convalescentes), le jardin du Couple (où t’es pas obligé de venir en couple), le jardin du Maître des Filets (parce que le fonctionnaire qui avait créé le jardin est devenu pêcheur après avoir pris sa retraite… sacré fonctionnaire !), bref, tout ça, c’est très joli mais on finit un peu par tous les confondre !

Alors pour changer un peu, j’ai pris le bus (un jeu d’enfant pour moi maintenant !) et je suis allée à Tongli. Tongli, une petite ville de canaux avec des jardins… MAIS… à Tongli, il y a aussi le Musée de la Culture Sexuelle Chinoise… (je sais, ça fait rêver…) Bah quoi ! Un peu de culture, diantre ! Bon. On s’emballe pas, c’est rigolo mais c’est pas non plus si osé que ça. Et puis, depuis quand une pagode est-elle devenue un symbole phallique ?

Puis sinon, à Suzhou j’ai vu un rocher en forme d’hippopotame qui fait une arabesque (bah oui, pourquoi ?), Chang Di Caprio qui vend des pattes de poulet (le vendeur chantait la chanson de Titanic à plein poumons par-dessus Céline Dion… je m’étonne qu’une catastrophe naturelle ne nous soit pas tombée dessus), et j’ai eu envie de hurler au moins 50 fois « C’est pas la tête qui plonge dans l’assiette, c’est la fourchette qui monte !! ». Mais ça… c’est peine perdue…

Le seul bémol dans le coin, justement, c’est la bouffe (bah quoi ? j’en avais pas parlé jusque là !). Beaucoup moins sympa, obligée parfois de faire plusieurs restaurants pour manger un truc comestible. Pas beaucoup de street food et si tu veux dîner après 19h, c’est la mission. Mais j’ai quand même réussi à manger dans un resto où y avait pas de carte en anglais et pas de photos pour m’aider… (je ne savais pas ce que j’allais manger jusqu’à ce que le serveur pose mon bol sur la table… tiens ! du poisson dans mes nouilles !) et je me suis fait une copine dans un resto où tu dois choisir tous les ingrédients que tu mets dans ton wok (évidemment, la liste est en chinois, c’est bien plus marrant).

Et puis, je vais vous écourter mes tergiversations mais finalement, je ne vais pas aller à Hong-Kong et j’ai donc passé un peu de temps à réorganiser les 2 prochaines semaines. Bah quoi ? Faut bien que j’en laisse un peu pour la prochaine fois !

Enfin voilà, le Jiangsu, c’est fini ! Demain, direction Hangzhou, un poil plus au sud dans le Zhejiang. Et le retour à la vraie vie, avec les chaussettes de ton voisin de dortoir qui traînent au pied de ton lit…

PS : Pour ceux qui ont l’œil qui frise depuis que j’ai évoqué le Musée de Tongli… je vous ai mis 1 ou 2 photos ici… Petits galopins, va !

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Nanjing

Me voici à Nanjing, dans la province du Jiangsu. Mais pourquoi donc Nanjing ? Bordant la côte orientale de la mer de Chine et surnommé depuis l’Antiquité « le pays du poisson et du riz », le Jiangsu s’est d’abord développé grâce aux voies navigables du Yangzi et du Grand Canal. La soie et le sel, extrait du littoral marécageux, participèrent également à sa prospérité. Nanjing, la capitale de la province qui borde le cours inférieur du Yangzi, est presqu’entièrement entourée d’un rempart datant de la dynastie Ming. Riche d’une longue histoire, Nanjing fut à 3 reprises la capitale du pays, au début de la dynastie Ming, de 1368 à 1420, avant que la capitale ne soit une première fois transférée à Beijing, puis dans les premières années du XXème siècle, de  1928 à 1937, sous la République de Chine, où elle fut le théâtre des pires atrocités commises pendant la guerre sino-japonaise, et enfin de 1945 à 1949 avant que les communistes ne s’emparent du pouvoir.

Moi, je croyais que Beijing était la capitale depuis super longtemps mais non, les Chinois, ils arrêtent pas de changer d’avis, ils transfèrent leur capitale n’importe où n’importe quand.

Bref, je suis donc allée voir à quoi ça ressemble une ancienne capitale. Et bien, y a de jolis temples, on peut faire des balades en bateau-mouche sur les canaux, y a des ruines de vieux palais Ming, un très joli parc avec un lac au milieu et bien sûr, le « poignant » mémorial du massacre de Nanjing.

Moi qui portais très haut dans mon cœur les Japonais pour leurs excellentes manières et leur art de vivre délicat… j’ai déchanté ! En 1937, c’était la guerre entre la Chine et le Japon. L’armée chinoise n’était pas au meilleur de sa forme et l’invasion de Nanjing semblait imminente alors l’armée a dit au peuple : « Tous ceux qui ont du sang dans les veines et assez de souffle pour respirer doivent savoir que mieux vaut être brisé comme du jade que rester entier comme une tuile. » (Je me suis toujours demandée pourquoi les chinois et les japonais, fallait toujours qu’ils parlent comme Yoda… Comme pour donner un sens profond à la moindre petite phrase ridicule.) Et pour être sûre que personne n’allait fuir, l’armée a fermé les portes de la ville, piégeant plus d’un demi-million d’habitants. Bien sûr, ça n’a pas tardé, les Japonais ont déboulé et pendant 6 semaines, ils ont massacré 200 à 300 000 personnes avec tous les cruels raffinements qu’ils connaissaient. On estime que pendant les 4 premières semaines, 20 000 femmes entre 11 et 76 ans ont été violées… Pas chouette, les Japonais, pas chouette… Oh ! les Chinois sont pas faciles à abattre, ceux qui ne sont pas morts se sont battus et ont réussi à résister aux Japonais.

Du coup, l’Histoire a baptisé cet épisode le « Massacre de Nanjing » ou plus prosaïquement, le « Viol de Nanjing ». Y a même une Chinoise qui a assisté à ces horreurs qui a écrit un bouquin (Le Viol de Nankin d’Iris Chang) et qui s’est suicidée après… Bref, ce douloureux passé a marqué les Chinois pour un moment.

Alors, j’avais trouvé le musée d’Hiroshima lourd (j’avais versé une larme… mais c’était à cause de la poussière…), mais là… on peut vite se mettre à détester les Japonais ! Des squelettes tout entassés, des photos (mais… quand est-ce que les soldats comprendront que prendre des photos souvenirs des types qu’ils ont flingués, c’est d’un goût franchement douteux ?), des témoignages vidéos larmoyants, bref… la panoplie complète du tire-larmes. Mais, du coup, je comprends un peu mieux pourquoi faut surtout pas confondre un Chinois et un Japonais… (enfin au premier coup d’œil, c’est quand même pas évident…) Cela étant dit, le musée est plein de panneaux du genre « N’oublions pas que notre pays a été envahi et qu’on n’a pas aimé ça, dont acte » et ils ont construit une immeeeeeeense statue représentant la Paix… Mouais, les Chinois, grands défenseurs de la Paix dans le monde… faudrait voir à pas oublier ce qui se passe au Tibet et qu’ils sont en train d’envahir une île qui appartient au Vietnam, mais à part ça, tout va bien !

Et puis sinon, à Nanjing, y a de très jolis arbres qui bordent les avenues, des quartiers piétons bien kitschouilles, de la street food partout, de délicieux restaurants… Bref, c’est vraiment une petite ville sympa.

Et j’adore ma youth hostel parce que les toilettes sont bouchés, y a des cheveux plein la douche, y a pas de fenêtre dans le dortoir, je me suis engueulée avec un type qui fumait dans la chambre y a 2 chats qui ronronnent dans les canapés et qui se laissent gratouiller le menton. Bah oui, c’est comme ça.

Photos ici.

PS : Vous devez vous dire que je passe mon temps à m’empiffrer ici mais faut vraiment que je vous fasse un post complet sur la bouffe… c’est crazy dingo !

Correction : on me dit qu’Iris Chang n’a pas assisté au Massacre de Nanjing (elle est née bien après) et qu’en plus, elle était américaine… J’ai donc rien compris au blabla qui était sous son portrait dans le musée… va falloir réviser mes bases de mandarin…