du Mile 114 au Mile 131
Ce matin, c’est départ à 7h pour rattraper le temps perdu hier. Enfin perdu… le temps n’est jamais perdu. C’est juste que j’ai fait autre chose que mettre un pied devant l’autre. J’ai juste profité du moment. Du soleil, de l’ombre, des amis. Y a plein de temps pour marcher. Et ce matin, c’est justement le moment pour marcher.
On a tous campé un peu éparpillés le long du trail, y avait pas beaucoup de places. Dans ces cas là, quand tu trouves un spot, t’y montes ta tente vite fait. Tu traînes pas. Tu sais pas si le prochain spot disponible est dans 3 mètres ou 3 miles… Bon, il se trouve que le prochain spot était vraiment pas loin. Et qu’il y a tout un groupe de retraités qui s’est intallé là. Ils ont même un canapé gonflable… on boxe pas dans la même catégorie…
La journée est rude. J’ai hyyyyyper mal aux pieds. A droite, c’est ma voûte plantaire qui commence à renacler et à gauche, c’est une ampoule au talon faite par mes nouvelles super semelles que j’ai donc balancées… J’ai donc bien fait de commencer tôt parce que je vais à la vitesse d’un escargot.
Heureusement, au bout de 12 miles, y a Mike’s place. Chez Mike, quoi. Mike, c’est un trail angel qui habite sur un bout de terrain au beau milieu du désert, qui laisse les hikers camper chez lui et leur prépare 3 repas par jour. La réputation de Mike c’est d’être plutôt une party place. Mike n’a quasiment aucune règle, tu peux fumer, boire, rester 12 jours si ça te fait plaisir, aucun problème. Moi, j’avoue que c’est pas exactement le genre d’endroit que j’adore mais faire une halte de quelques heures pour laisser passer la vague de chaleur du milieu de la journée… c’est plus que tentant. En plus, je suis crevée.
Quand j’arrive à Mike’s place, il est à peine plus de 11h et y a une fille avec les cheveux rouges qui doit déjà en être à sa 52ème bière. Elle se comporte un peu comme si elle habitait là alors tout le monde pense qu’elle fait partie des volontaires qui aident Mike à faire tourner la boutique. Elle parle fort, souffle sa fumée de cigarettes au visage de tout le monde. Elle me fait pas adorer l’endroit… Mike, lui, il est plutôt gentil. Il offre des shots de rhum (mais que aux filles) et il regarde tout ce petit monde filtrer son eau et essayer de se trouver un petit carré d’ombre. Vers midi, il demande des volotaires pour l’aider à préparer le déjeuner. Je fais un effort, je me lève et je vais découper des pommes de terre qu’on fera cuire avec tout un tas d’autres trucs sur un énorme grill installé dans un coin du terrain. Pendant que je découpe mes pommes de terre, je réalise l’état de mes mains : elles sont noires. De terre, de poussière, de crasse, de crème solaire pour bien coller le tout… dégueu…
Vers 16h, c’est le moment de repartir. J’ai pas tellement accrochée avec l’endroit alors j’ai pas besoin de me forcer beaucoup. Il fait encore chaud mais la montée qui vient est régulière et je fais encore 4 miles avant de me trouver un petit spot pour la nuit. Là encore, y a beaucoup de monde alors avec Spider, Josh et Urs, on décide de cowboy camper (aka dormir à la belle étoile) les uns contre les autres. Emmitouflés dans nos sacs de couchage, on dirait de gros vers multicolores. Ou des burritos. Ils ont décidé de m’appeler Mom. Spider c’est Dad. Et Urs et Josh sont les 2 ados attardés qu’on aurait eu. On raconte n’importe quoi, on rit beaucoup. Le terrain est un peu en pente et Urs arrête pas de glisser. Ca nous fait hurler de rire. Soudain il dit : « Mom is so big ! ». Faut dire que enroulée dans mon sac de couchage et sur mon super matelas gonflable, je dépasse effectivement nettement les autres. « Mom is not big ! Mom is fluffy… » je réponds. Et on s’écroule de rire encore une fois.