La nuit a été fraîche au Last Chance Meadow Campground : l’eau sue j’avais laissé dehors a gelé et ma tente est couverte de givre. Pas grave, le soleil est là et on fait sécher nos affaires avant de se diriger vers la route. Aujourd’hui, on a rien à faire : on va en ville !
Sauf que. Le camping est au bout d’une route de 20 miles de long que les gens n’empruntent que pour venir là. Autant dire qu’un vendredi matin à 8h30, c’est pas très fréquenté… On a lu quelque part que si on avance un tout petit peu sur la route, on peut capter le réseau téléphonique donc la mort dans l’âme, on se résoud à marcher. Bah oui, c’est justement parce qu’on passe tout notre temps à marcher qu’on essaye d’en faire le moins possible les jours où c’est pas nécessaire… Au bout de quelques minutes, miracle de la technologie, nos téléphones captent quelque chose. On appelle l’hostel de Lone Pine pour savoir s’ils ont par hasard un shuttle qui viendrait déposer des hikers mais à la place ils nous donnent le numéro d’un service ee taxi qui nous coûterait la bagatelle de 150USD minimum… pas question !! On se dit qu’on va attendre, il est encore tôt, la chance va peut-être tourner de notre côté. Urs et Spider décident de faire un concours de pompes avec leurs sacs sur le dos. Celui de Urs pèse bien 2 fois celui de Spider et pourtant, il s’en sort bien mieux. Alors qu’ils sont encore allongés sur la route, on entend le ronronnement merveilleux d’une voiture qui arrive. A notre hauteur, la voiture s’arrête et la conductrice nous demande où on va. « Lone Pine !! » on s’écrit tous en choeur. Elle ne dit pas un mot, hoche la tête et redémarre en direction du camping. On reste un peu perplexes mais 5 minutes plus tard, là voilà qui réapparaît et s’arrête à nouveau. Elle descend de sa voiture, ouvre le coffre et dit : « I can drive as many as you can fit in there !! » Ni une ni deux, on joue à Tetris avec nos sacs et on arrive à faire rentrer les 7 sacs et nous 7 dans la voiture. Et nous voilà partis pour 40 minutes de route, plutôt inconfortable faut avouer mais on ne pouvait pas laisser passer une occasion pareille.
On se retrouve donc en ville où on se prend des chambres au Dow Villa Motel et là, subitement, ça me revient : je suis déjà venue ici !! Exactement ici !! J’ai déjà dormi dans ce motel !! En 2008 ou en 2009 peut-être ! C’est complètement dingue…
On ressort aussitôt pour le traditionnel petit dej et à peine on est assis que chacun se jette sur son téléphone et profite du wifi. On entendrait les mouches voler. Idem quand nos assiettes arrivent. Faut pas déranger un thruhiker qui mange…
A Lone Pine, y a un saloon. On peut pas laisser passer l’occasion alors on va y boire une bière et on se prendrait presque pour John Wayne… Puis comme d’hab, c’est le ballet laverie/gear shop/grocery shop/glandouillage devant la télé. On prévoit de repartir pour 5 à 6 jours. Probablement un des plus longs stretches qu’on ait jamais fait. On a du mal à faire rentrer toute la bouffe dans les bear canisters. On se fait livrer des pizzas pour le dîner et… on décide de rester une journée supplémentaire histoire de finir nos préparatifs et aussi surtout parce qu’on est légèrement feignasses et pas vraiment pressés de repartir : y a toujours des tonnes de neige partout.
On finit la soirée dans le jacuzzi de l’hôtel avec vue sur le Mont Whitney, the tallest mountain in the lower 48, le sommet des USA si on exclut l’Alaska et Hawaï. Si tout va bien, on devrait y être au sommet dans 3 jours.
Le lendemain matin, again, c’est breakfast obligé. Une fois l’estomac plein de bacon et de pancakes, on commence un marathon télé d’épisodes de Law & Order. Toute. La. Journée. Alors oui certes, on sort pour acheter 1 ou 2 trucs qui manquait et je fais remplacer les pointes de mes bâtons de marche qui ont plus de 15 ans et sont plus que fatigués, mais sinon, on ne fait rien. Sauf qu’au bout d’un moment, ça devient déprimant tous ces gens qui se font tuer, violer, torturer… On sort donc pour… manger. Emily, Eike et Urs sont repartis au Last Chance Meadow Campground où ils vont nous attendre jusqu’au lendemain. Un bon samaritain rencontré dans le lobby du motel leur a payé un ride jusqu’au Campground. Il reste donc Lucie, Josh, Spider et moi et on essaye de s’organiser un ride assez tôt le lendemain matin. La route ne menant qu’au Campground, on ne veut pas prendre le risque d’attendre des heures à faire du stop donc on trouve quelqu’un prêt à nous emmener pour 50USD. Pas donné mais vu les quantités de neige, on sait qu’on ne pourra probablement pas beaucoup avancer dans l’après-midi, quand la neige ramollit et qu’on s’y enfonce parfois jusqu’à la taille…
Puis on refait nos sacs et Spider, Josh et moi retournons au saloon boire quelques verres et jouer au billard et au ping-pong. Je perds à tous les coups mais peu importe : c’est exactement pour ces moments-là que je suis là.