Après avoir passé la nuit au Golden Turtles Resort, nous avons rendez-vous le lendemain matin à la gare routière de Trivandrum (encore ??? ça fait déjà 3 fois que j’y passe dans celle-là !) avec M. pour le petit déjeuner. Un petit déjeuner keralais s’il vous plaît ! Au menu : chappattis et une espèce de purée de fèves ou de haricots… bref, pas trop mal mais un peu épicé et on est déjà à 2 doigts de la nostalgie d’un bon café-croissant-jus d’orange… Une fois tout ça englouti, on saute littéralemnt dans un bus pour aller passer la journée dans le village de M., quelque part au nord de Kottaraka (si, si, si, ça existe, je vous assure…). Entre 2 averses torrentielles (ah oui… dans le Kerala, la mousson n’est visiblement pas tout à fait finie…), on visite la région (forêt de tecks, plantations d’hévéas) et on déjeune chez M. … toujours keralais ! Alors là, la femme de M. nous a préparé un festival de plats locaux qui nous arrachent tous la gueule plus les uns que les autres mais comme on est polis, on sourit, la larme au coin de l’œil et on finit nos assiettes…
Comme je suis une petite chanceuse, tout le monde le sait…, il nous faut repartir de chez M. avant la fin de la journée car le lendemain, c’est grève nationale dans le Kerala.
Arrêtons-nous 2 minutes… vous y croyez, vous, qu’il peut y avoir une grève nationale en Inde ?? Je veux dire, dans tout le Kerala, pas un bus, pas un tuk-tuk, pas un resto, rien du tout qui fonctionne pendant 24 heures ? Non… vous n’y croyez pas… Et bien si !! Ça existe !! Et heureusement, il y a votre serviteuse pour se retrouver coincée dans tout ça !! Pour info, tout ce joli petit monde proteste contre les taxes sur le diesel, bien trop chères à leur goût. Tiens, tiens… aurait-on plus de points communs avec les Indiens que ce qu’on pense ?
Reprenons… donc ! une fois de plus nous revoilà dans le bus (je vous passe les détails des correspondances improbables au fin fond de nulle part sans aucun panneau déchiffrable par nos soins…) et nous arrivons à Allepey en fin de journée.
Allepey… une petite bourgade (283 000 habitants à la louche donc un village quoi !) qui se targue d’être rien de moins que « la Venise indienne » car située aux portes des Backwaters, un réseau de canaux, lacs, lagunes et rivières qui suivent le littoral occidental et sinuent à l’intérieur des terres. Bien avant l’apparition des routes, ces cours d’eau servaient de voies de circulation et pour beaucoup de villageois, la barque reste encore le principal moyen de transport. L’activité principale d’Allepey est la visite desBackwaters en house-boat ou en canot.
C’est d’ailleurs bien pour ça qu’on se retrouve là. Nous espérons trouver un house-boat qui nous amènera jusqu’à Kochi, à une 50aine de kilomètres au nord d’Allepey, en 1 jour et 1 nuit. Bien évidemment, rien ne se déroulera comme prévu…
Tout d’abord, on se fait accoster en descendant du bus par un certain Antony (oui, oui, sans « h »), genre qui-a-raté-sa-carrière-à-Bollywood, cheveux en arrière, lunettes de soleil sur le crâne alors qu’il fait nuit, qui nous propose de venir dormir dans son home-stay, « very clean, hot and cold shower, 5 minutes walk, blablabla… » Comme on a rien réservé et qu’on n’a pas d’option plus alléchante, on accepte d’aller voir de quoi il s’agit. Au premier abord, la maison est sans charme mais plutôt propre, la roof-top terrasse bien sympathique et les chambres plutôt grandes. Il est tard, on a faim et on n’a pas que ça à faire, on dit BANCO !
Antony y va lui aussi de son petit couplet sur la grève du lendemain… on ne trouvera rien à manger, rien à faire, surtout pas de bateaux maiiiiiiiiiis… heureusement, il est là, il peut nous proposer de faire un tour en canot (ça ne consomme pas de diesel…) ou en kayak et en plus, son capitaine de bateau peut nous emmener déjeuner chez lui, et en plus il nous fournit des bouteilles d’eau et en plus… y a un show de strip-teaseurs pendant la sieste il nous fait un prix vraiment pas cher parce qu’il nous trouve sympas !! Si ce n’est l’impression qu’on se fait légèrement forcer la main, on préfère aller voir par nous-mêmes si il n’y a vraiment pas moyen de maintenir notre programme et on décline poliment la proposition.
Tout ça c’est bien gentil mais on se retrouve à 22H sans avoir mangé et tous les restos sont déjà fermés… Ce sera donc festin de cashews et de Kingfisher sur la terrasse en écoutant un des Gustaves d’Antony chanter à tue-tête Lemon Tree jusqu’à pas d’heure… (and all that I can see…)
Le lendemain matin, on laisse F. (qui croit que quelqu’un a allumé un feu de joie dans son estomac) à la guest-house et on part avec P. en quête de nourriture et d’activité pour la journée. Malheureusement, il semble que ce kéké d’Antony n’a pas menti : la ville est morte, tous les rideaux de fer sont baissés et je suis à 2 doigts de réussir un véritable défi : une photo d’une rue déserte en Inde…
On en profite pour faire le tour de la ville à la recherche d’un autre endroit où dormir où l’eau qui sortirait de la douche ne serait pas jaune et ne sentirait pas la vase… (oui, oui, oui, il est mignon le Antony, mais son eau sent la vase…). Après 2 bonnes heures de marche sous un cagnard d’enfer et avoir perdu pas loin de 3 litres de sueur chacun, on rentre bredouilles.
Mais nous sommes des winners, on ne s’avoue pas vaincus ! On cède à la pression et on décide d’aller faire un tour en canot avec Antony dans les Backwaters. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous voilà entassés à l’arrière de 2 motos qui filent à 50km/h à travers les ruelles défoncées pour rejoindre un tout petit embarcadère où le capitaine-rameur-en-chef vient nous chercher à bord d’un tout petit canotkromeugnon et en avant Guingamp !!
Alors OK, la balade dans les Backwaters, c’est le « promène-couillons » par excellence mais qu’est-ce que c’est joli… Et finalement, on se dit qu’on n’aurait pas pu choisir un meilleur jour parce que comme tous les gros bateaux à moteur sont restés à quai, on est seuls au monde, c’est hyper calme et même quand on se prend 2 ou 3 averses sur la tronche, on trouve ça romantique… (à moins que ce soit quand je me suis mise à chanter Laisse les gondoles à Venise… N’oublions pas que F. et P. sont en lune de miel et qu’on n’est pas là pour cueillir des marguerites !!)
Bref, on rentre à la guest-house en fin de journée et on décide d’aller dîner dans un petit resto au bord de la plage où la cuisine est multi-culturelle (entendez par là qu’ils ont des spaghettis bolognese à la carte), ce qui convient aux estomacs délicats que sont les nôtres…
Du coup, après cette journée un peu au ralenti, on redémarre ce matin avec une patate d’enfer… on se lève à 10H et on décolle d’Allepey (si, si, quand le bus quitte la gare routière, on peut croire qu’il « décolle ») vers 12H, direction Kochi.
Kochi, 1,36 millions d’habitants, 600 ans d’Histoire et des vestiges portugais, hollandais, français et britanniques à n’en plus finir… Après l’arrivée à la gare routière d’Ernakulam, on décide d’aller se trouver un endroit où dormir dans le quartier historique de Fort-Cochin. Et pour compenser nos 2 dernières nuits qui sentent encore la vase, on ne fait pas dans la demi-mesure : on choisit une vieille demeure hollandaise, Bernard Bungalows, ayant autrefois hébergé un diplomate du même nom, avec 2 très grandes chambres hyper jolies et avec des salles de bain gigantesques et de l’eau toujours non potable (faut pas rêver hein !!) mais transparente et inodore…
En plus, la propriétaire est hyper gentille et aux petits soins. Comme on compte rester 2 nuits, elle nous organise tout le séjour : spectacle de kathakali (théâtre traditionnel), cinéma, massage ayurvédique… bref, on se demanderait presque pourquoi on n’est pas venus plus tôt !!
Avant d’entamer ce programme chargé, et comme il est 17H et qu’on meurt de faim, on va grignoter une pizza au basilic dans le jardin d’une galerie d’art… Ben oui, l’Inde, la saleté, les épices qui t’arrachent la gueule, c’est bien joli mais un peu de douceur dans ce monde de brutes, c’est pas mal non plus… On file ensuite au Kerala Kathakali Centre pour assister au maquillage des comédiens avant le spectacle. Rien de bien transcendant mais plutôt amusant et surtout, on est très impressionnés par les mouvements d’yeux des comédiens.
En ressortant, on passe devant une église dans laquelle se déroule visiblement le concours de qualif’ pour la StarAc locale : une salle pleine à craquer, des chanteurs qui se déhanchent et s’égosillent dans le micro et un jury très concentré… On ne comprend pas toutes les blagues mais ça a l’air d’être complètement du goût du public ! Mais… qu’est ce qui a bien pu se passer pour que les Indiens aiment tellement le kitsch : cols pelle-à-tarte, cheveux longs gominés, … ? Incompréhensible…
Photos ici.