Inde – le bilan

12 071kms parcourus et 13 heures d’avion, 58 heures de train, 71 heures de bus, 14 heures à dos de chameau et 6 heures à cheval… Non, je n’ai pas fait le compte des tuk-tuks, faut pas charrier !
Prix d’une chambre correcte (avec salle de bain) : 450 roupies (soit un peu moins de 7 euros)

Prix d’un repas : 150 roupies pour du veg, 250 roupies pour du non veg (soit en moyenne 3 euros)

Prix d’un McDo : 149 roupies (soit 2,25 euros)

Prix d’une bouteille d’eau : 15 à 20 roupies (soit à peu près 0,25 euros)

Ce qui va me manquer : le petit dodelinement de la tête qui ne veut rien ou tout dire (bien plus pratiqué dans le Sud que dans le Nord de l’Inde), le chicken tikka, les sourires des Indiennes dans les bus, la plage à Goa, les vaches dans les gares, le type qui passe 50 fois dans le train en disant « Coffee, coffee, chai, chai, chai, coffee, coffee, chai ! », les soirées à fabriquer des mo-mos à la bougie, le rickshaw driver qui rigole quand je lui dis que c’est crazy qu’il utilise son compteur, les banana lassis, le chai, les petites échoppes où tu trouves tout à toute heure du jour ou de la nuit, les couleurs des sarees, les marchands de fleurs, le Taj Mahal, les singes qui dégringolent des lampadaires.

Ce que je ne vais pas regretter : les cafards (je les retrouverai plus tard, va !), certains regards un peu trop… carnivores, les odeurs d’urine impromptues, les matelas tellement durs que tu te réveilles avec les hanches bleues, les délicats raclements de gorge et les jets de salive rouges de bétel qui passent à 2cms de tes orteils (enfin ça, c’est pas fini), les types qui essayent de me gruger dans les files d’attente, le dhal (ah non, trop c’est trop), les klaxons trompettes, les bouses sacrées qui se débrouillent toujours pour finir sous ma tong.

La phrase qu’il fallait retenir : तुम नहीं जानती कि मेरी गाय को क्या हुआ? मैं मेरे tuk-tuk आज सुबह बगल में खड़ी थी. (Tu sais pas où est passée ma vache ? Je l’avais garée à côté de mon tuk-tuk ce matin.)

Alors oui, c’est vrai, l’Inde c’est sale, ça pue, c’est bruyant, les routes sont défoncées et les vaches se baladent tranquillement sur les autoroutes mais c’est aussi tellement plein d’autres choses qu’on ne peut pas la résumer aux bidonvilles de Mumbai ou aux plages de Goa.

Oui, on peut ne pas supporter le harcèlement dont sont victimes les touristes, les regards très trop appuyés, la totale incapacité à faire la queue « en file indienne » (mais d’où vient cette expression bon sang ?), être choqué par leur façon de jeter leurs déchets partout dans la rue, par les fenêtres des trains et de tout cramer n’importe comment, être choqué par les conditions de vie des millions de gens qu’on voit le long des routes et qui n’ont pour maison qu’une bâche en plastique bleue, par ces enfants de 2 ou 3 ans les cheveux en bataille qui viennent vous tirer la manche pour 2 roupies, par ces femmes de tous âges toutes maigrichonnes qui portent des sacs énormes sur leurs têtes pendant que leurs maris ont les mains dans les poches et par encore tant d’autres choses.

Mais on peut aussi admirer la capacité des Indiens à faire fonctionner une démocratie (un peu corrompue, certes, mais quand même) de plus d’1 milliard de personnes, à faire cohabiter de façon globalement pacifique plus de 12 religions et quelques milliers de dieux. On peut être impressionné par leur fierté d’ « être Indien » du Nord au Sud et avec des cultures et des traditions tellement différentes, par le fait qu’ils arrivent à faire de leur pays une puissance émergente alors qu’ils ne vont travailler que lorsqu’ils ont faim et que le mot capharnaüm a été inventé pour décrire leur quotidien.

Des fois, il ne faut pas essayer de comprendre l’Inde, faut juste être là et regarder. L’Inde change. Vite. Les jeunes générations veulent ressembler aux Occidentaux, porter les mêmes vêtements, écouter la même musique, se balader en amoureux et s’embrasser sur les bancs publics. La différence entre les mégalopoles comme Delhi et Mumbai et les régions plus rurales est encore énorme. Des millions d’Indiens vivent encore de l’agriculture qu’ils pratiquent comme il y a 100 ans et dans certains quartiers de Delhi, on ne sait plus où garer les Porsches. On construit des gratte-ciels à Mumbai et on transporte des chargements à dos de chameaux à Jaisalmer. Les rickshaws vont progressivement tous passer au GPL et dans certaines régions on a fermé les usines de sacs plastique mais il n’y a quasiment aucune poubelle dans les lieux publics. Il est extrêmement mal vu d’être homosexuel mais les hijras (travestis) animent traditionnellement les mariages.

Finalement, l’Inde c’est pas « on adore ou on déteste ». Mais on t’en parle tellement avant de partir que tu ne sais pas à quoi t’attendre en arrivant. Tout le monde a un avis (surtout ceux qui n’y sont jamais allés).

L’Inde, c’est fascinant. C’est comme une grosse vague contre laquelle faut pas lutter sous peine d’en être dégouté. C’est parfois de surprenantes et chouettes rencontres comme Guonzan, ma guide au Ladakh, Amar, mon tuk-tuk driver de Jaipur, ou Keshan, à qui j’ai appris à nager à Goa. C’est pas toujours agréable, c’est pas reposant mais pour savoir quoi penser de l’Inde, faut venir et faut plonger dedans. Moi, en tout cas, ça se pourrait que je revienne.

Alors, juste pour 4 petites minutes de plaisir, la mini-synthèse de ce foutu bazar qu’est l’Inde (et encore, c’est dommage qu’on puisse pas enregistrer les odeurs…) :

 
 

Incredible India !!
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Ouh, ça sent la fin…

Ca y est. Retour à Delhi.

J’ai pris mes dernières photos du Taj Mahal, mon dernier bus indien, mon dernier train indien. Après 69 jours dans ce pays complètement crazy, je refais mon sac mais cette fois, les tongs sont au fond et la polaire au-dessus.

Plus que 2 petits jours à Delhi histoire de renvoyer à la maison le superflu (adieu les guides de l’Inde, adieu les pantalons à fleurs, adieu les coquillages, bracelets et autres breloques), de faire réparer mon sac à dos violet dont la fermeture éclair menace de m’abandonner, de me remplir les bronches une dernière fois de ces odeurs délicates qui font de l’Inde… l’Inde !

Un dernier dîner qui fait transpirer, une dernière balade entre les crachats rouges de betel, et voilà, l’Inde, c’est fini ! Dommage… je crois que je commençais à m’y faire…

Les dernières photos indiennes, c’est par .

Famous Taj Mahal…

J’ai donc quitté Varanasi dans l’après-midi pour prendre le bus pour Allahabad, bus dans lequel un singe, après lequel courraient des gamins, est monté avant de se rendre compte que les banquettes en cuir, ça collait les poils… C’est marrant, ça ne me surprend même plus ce genre de trucs ! Ouais, hier un singe est monté dans mon bus… normal !

Au début, j’avais prévu de passer 1 ou 2 jours à Allahabad mais le visa chinois en a décidé autrement. Et qu’est-ce qu’il y avait à voir à Allahabad ? Ben, c’est une autre ville sacrée au confluent de 2 rivières sacrées et dans la mythologie hindoue, ce serait l’endroit où Brahma, le dieu de la création, serait arrivé sur Terre. Tous les 6 ans a lieu un bain rituel (et une fois sur 2 c’est encore plus énorme que la fois précédente) qui est le plus grand rassemblement humain jamais enregistré (70 millions de dévots en 2007). Bon, là, c’était pas l’époque du bain mais la vraie raison c’est que Allahabad est la capitale régionale des pâtisseries. Et ça, ça valait le coup.

Mais bon, à Allahabad, je n’ai fait que dormir comme une loque sur un banc de la gare en attendant mon train de nuit pour Agra (je m’indianise totalement).

Diwali oblige (je vais vous expliquer ce que c’est que Diwali), le train était vide ! Sauf… une petite famille (15 personnes au bas mot) qui se croyait probablement seule au monde dans le wagon et à qui on n’avait pas expliqué que le train de nuit, faut dormir dedans…

Alors, Diwali. Pendant le mois lunaire de Kartika, les hindous célèbrent Diwali cinq jours durant. A cette occasion, ils échangent des cadeaux et font brûler des feux de Bengale et des lampes à huile pour illuminer le chemin de Rama revenant d’exil (Rama, c’est un roi mythologique dont la femme avait été enlevée par le roi-démon du Sri Lanka et qui est allé la récupérer mais ça, c’est l’occasion d’une autre fiesta). Et cette année, ça commence le 13 novembre. Alors c’est super joli, toutes les maisons sont décorées avec des guirlandes électriques du meilleur goût, les rues sont éclairées par des bougies, les magasins mettent plein de bougies partout, même à la gare, y avait plein de bougies. Pendant Diwali, les enfants allument des pétards et des feux d’artifice ceux-là même qui seraient complètement interdits en France vu comment ils sont énormes. Et le grand débat du moment c’est : « Ne faudrait-il pas fêter Diwali silencieusement pour ne pas augmenter la pollution sonore et la pollution tout court vu que les feux d’artifice, ça fait plein de fumée et c’est un peu toxique quand même ? ». Alors évidemment, comme l’idée c’est d’aider Rama à trouver son chemin, si y a plus de feux d’artifice, c’est un peu compliqué… Et puis les jeunes qui aiment s’éclater les tympans, ils disent « Ouais, ceux qui veulent nous empêcher de tirer des feux d’artifice, ce sont ceux qui s’en sont donné à cœur joie alors y a pas de raison qu’on ne puisse pas faire la même chose. » Bon, je vous la fais courte mais y a de la polémique de haut niveau. Mais revenons à ce qui me concerne. Comme y a quelques jours fériés, les gens en profitent pour rentrer dans leurs familles, du coup, les trains sont archi-pleins pendant la semaine précédant Diwali mais le soir même de la fête, y a plus que les touristes qui voyagent et qui loupent les feux d’artifice mais bon, faut-savoir-ce-que-tu-veux-dans-la-vie.

Bref, j’arrive donc de bon matin à Agra. C’est plutôt déroutant parce que c’est hyper calme (Diwali…), y a personne dans les rues et y a même plus de chiens que de tuk-tuks.

J’ai choisi un hôtel dans le quartier de Taj Ganj, c’est-à-dire à moins de 200 mètres du famous Taj Mahal. Oui, parce que, au cas où vous vous demanderiez ce que je suis venue faire à Agra, je lève le suspens immédiatement : LE TAJ MAHAL, LES ENFANTS ! MA PREMIERE DES HUIT MERVEILLES DU MONDE !! Bon, je verrai peut-être pas les huit, mais celle-là, je pouvais pas la louper. Et je l’ai gardée pour la fin de mon étape indienne, un genre de feu d’artifice perso en quelque sorte.

Un peu de culture pour commencer : le Taj Mahal est un des monuments les plus connus et les plus visités au monde (oui, la Tour Eiffel garde la première place et j’adore la Tour Eiffel mais franchement, le Taj Mahal, ça vaut le déplacement). Chaque année, 3 millions de personnes viennent admirer son marbre blanc incrusté de pierres semi-précieuses et soupirer avec un soupçon d’envie devant une telle déclaration d’amour. En effet, le Taj a été édifié par Shah Jahan pour recevoir le corps de sa troisième épouse, Mumtaz Mahal, morte en mettant au monde leur 14ème enfant en 1631 (oui, 14, c’est trop, je l’ai toujours dit). Son trépas brisa le cœur de l’empereur, dont les cheveux seraient devenus gris en une nuit. La construction du Taj, débutée l’année suivante, ne s’acheva qu’en 1653. En 1658, Shah Jahan fut renversé par son fils Aurangzeb et emprisonné au fort d’Agra (sympa le fiston, non ?), d’où il ne put qu’apercevoir sa création à travers une fenêtre le restant de sa vie. A sa mort, en 1666, il fut inhumé aux côtés de sa femme dans le Taj (bon, pas si méchant le fils quand même), foutant en l’air toute la symétrie de l’édifice mais quand même, c’est vraiment trop romantique cette histoire…

Bref, j’arrive donc à Agra. Mais le meilleur moment pour aller voir le Taj, c’est au lever du soleil. Et là, c’est foutu, ça fait déjà une bonne heure qu’il est levé. Et vu le prix du billet, t’as pas vraiment envie d’y aller 2 jours de suite. Oui, parce que c’est joli toussa-toussa, mais c’est 750 roupies l’entrée quand même ! Pour les étrangers. Parce que pour les Indiens, c’est 20 roupies. Dis-cri-mination ! Dis-cri-mination ! Bon d’un autre côté, ce serait vraiment scandaleux si les Indiens devaient payer 750 roupies quand on sait ce que ça représente par rapport au salaire moyen (qui est aux alentours de 8000 roupies par mois). Mais ça fait grincer les dents des touristes pleins aux as que nous sommes… Et j’ai déjà rencontré des gens qui disaient qu’ils n’allaient pas aller voir le Taj parce que c’était trop cher. Franchement, tu te vois aller jusqu’en Inde, te cramer le palais 3 fois par jour, t’habituer aux cafards, devenir une pro de la négociation de rickshaw et pas aller faire ta petite photo souvenir devant le Taj Mahal ? Faut pas charrier quand même. OK, tu mangeras pas de poulet pendant 1 semaine mais ça serait comme aller au Pérou et pas aller voir le Macchu Picchu : inconcevable ! (à bon entendeur…)

Donc, je procrastine la visite du Taj. En attendant, ce sera le fort d’Agra, un des plus beaux forts moghols du pays (je me suis toujours demandée quelle était la différence entre « moghol » et « mongol »…). Plutôt dorée la prison du Shah, en réalité ! En fait, le Shah avait fait agrandir le fort construit par son grand-père en utilisant du marbre blanc, son matériau de prédilection, et l’avait progressivement transformé en palais. Et c’est vrai qu’il est chouette son fort.

En fin de journée, après avoir rongé mon frein toute la journée, je finis par découvrir le Taj depuis le roof-top d’une des nombreuses guest houses de Taj Ganj. Et ce sera probablement le coucher de soleil indien le plus pourri de ces 2 derniers mois… Mais bon, on peut pas tout avoir visiblement !

Le lendemain matin, je me lève au taquet pour la visite tant attendue. Et bah franchement, rien à dire, le Taj, ça déchire. Bon, comme d’hab, le brouillard vient un peu gâcher la fête mais à l’aube, on n’est pas trop nombreux, les jardins sont immenses donc chacun peut trouver son point de vue préféré et enfin… il apparaît.

Et je ne dis pas ça par pur conformisme mais… il est trop beau… J’ai fait 1 milliard et demi de photos : moi devant, moi à côté, moi de l’autre côté, bref, je vous en prie, partagez mon enthousiasme, c’est par là !

Mais quelle mouche l’a piquée ?

C’est ce que vous avez dû vous demander en lisant mon dernier post.

Je l’avoue, j’étais un peu remontée. Comme une pendulette.

Et puis, on le sait tous, réagir à chaud, ça n’aide pas à faire dans la nuance… (et c’est étrange parce que d’habitude… ah non ? bon…)

Alors, c’est officiel, j’ai légèrement forcé le trait. Je veux dire, j’ai rien inventé. Mais peut-être qu’en se donnant un peu de temps et en essayant de rester open-minded, on peut voir le côté gris clair du tableau.

Bon, je suis pas tombée amoureuse de Varanasi non plus, hein ! Mais je reconnais que l’ambiance de cette ville est particulière et que c’est un des rares endroits en Inde où on peut s’assoir et juste observer les gens sans créer un embouteillage au milieu du trottoir. Et qu’en plus, ils sont intéressants ces gens.

Je pense surtout que je me suis laissée emporter par une espèce de nervosité liée à tous les trucs angoissants qu’on m’avait raconté sur cette ville. Cette ville où la mort est une entreprise qui fait vivre des centaines de familles mais qui sont considérées par le reste de la communauté comme pire que des Intouchables (les morts sont transportés par les doms, des Indiens hors caste, qui gèrent toutes les crémations). Cette ville où ça ne choque personne de voir passer un cadavre sous ton nez pendant que tu mords dans ta pizza. Cette ville où les gens se lavent dans une rivière où tu vois passer une vache noyée. Cette ville où les plus pauvres des mourants s’entassent dans des bâtiments en ruines sans eau ni électricité juste au-dessus du ghat des crémations et attendent la fin. En fait, mon problème, c’est toute cette mort qu’il y a partout et que je suis si habituée à voir cachée. Et de constater que les touristes (moi y compris) viennent finalement observer tout ça avec une pointe de curiosité malsaine. C’est vrai quoi ? Est-ce que vous allez vous balader le dimanche après-midi au crématorium municipal histoire de « voir » comment ça se passe ? Non ! Et bah là, vous faites des milliers de kilomètres pour voir des gens se réduire en cendres. C’est un peu étrange, non ?

Mais en fait. Y a pas que ça à Varanasi. C’est pas non plus le mouroir de l’Inde.

La spécialité du coin, c’est plutôt les soieries. Rien à voir.

Et les gens qui viennent se baigner dans le Gange, ils sont pas tous sur le point de faire leur dernier voyage. Y a des bébés, des mamans, des papas, des ribambelles d’ados qui font des concours de sauts périlleux, bref, c’est plutôt joyeux tout ça.

Et dans la vieille ville, OK, c’est crado. Mais y a des tas de gens qui vendent les mêmes trucs que partout ailleurs, c’est-à-dire un immense bric-à-brac de trucs que tu te demandes bien à quoi ça sert. Et eux non plus, rien à voir avec la Grande Faucheuse.

Non, finalement, le problème, c’était plutôt moi qui me faisais une montagne de tout ça parce qu’en fait, j’avais jamais vu un mort en vrai, avant. Ce qui est plutôt normal vu que chez nous, on cache les morts. Je ne dis pas que l’un est mieux que l’autre, je dis simplement que du coup, j’avais les chocottes. Et en fait, un mort, bah c’est comme un vivant qui dort mais en plus raide. Et on voit bien que bah, à l’intérieur, y a plus personne. Alors du coup, la réincarnation, le paradis-tout-ça, t’y crois, t’y crois pas, tu fais comme tu veux, si ça peut t’aider à te dire que ton mort est mieux là où il est, pourquoi pas.

En attendant, Varanasi, c’est une ville magnifique (la rive du Gange est splendide) où tu sens bien qu’il se passe quelque chose de pas-comme-ailleurs pour les hindous. Et surtout, ça reste indien : un joyeux bordel organisé où le réparateur de lunettes travaille à côté du vendeur de samossas qui lui-même a posé son tréteau contre la porte du temple devant lequel des dizaines de gens font la queue pour poser une offrande en contournant soigneusement une vache qui cherche quelque chose à se mettre sous la dent dans un tas d’ordures… Indian style, quoi !

Bon y a vraiment beaucoup de touristes et pas que ceux que j’aime mais bref, Varanasi et moi, on est réconciliées.

Photos ici.

Pas content ! Pas content !

Va falloir remettre les choses à leur place.

Maintenant que je n’ai plus peur de rien, je suis allée me frotter à la « fameuse » ferveur spirituelle de Varanasi.

Tous les soirs à 18h a lieu une cérémonie (le Ganga aarti) sur le ghat principal de la ville avec des chants et des brahmanes qui exécutent des sortes de danses avec de l’encens, des bougies, des plumes de paon et des pétales de fleurs. C’est une sorte de rituel de glorification du Gange. Les gens qui assistent à la cérémonie tapent dans leurs mains et à la fin, ils vont déposer dans le Gange des petites bougies dans des coupelles de fleurs qui se mettent alors à dériver par centaines sur la rivière comme-c’est-romantique.

SAUF QUE.

Effectivement, la majorité des gens qui sont présents de bout en bout sont bien des hindous et sont visiblement très absorbés par le déroulement de la cérémonie. Mais il y a autant voir plus de touristes qui se prennent pour des grands reporters et qui se baladent au milieu des gens en leur collant leurs téléobjectifs à 15cms du visage, histoire de faire de la « photo de voyage », la vraie, celle où tu t’es vraiment immergé dans la population locale et où tu as capté des instants rares… La cérémonie ? Ouais, vite fait, on n’est pas là pour observer, on est là pour rapporter du cliché qu’on pourra fièrement exhiber devant ses collègues de bureau en disant : « Varanasi, c’est in-cro-ya-ble… J’peux te dire, tant que t’y es pas allé, tu peux pas vraiment comprendre… »

Blurp ! (Pardon, j’ai failli vomir…)

Et ça, c’était avant que je ne fasse le must have : la balade en barque sur le Gange au lever du soleil. Déjà, les types te harcèlent toute la journée pour t’emmener sur leur bateau. Quand tu finis par convenir d’un prix et d’une heure de rendez-vous avec l’un, tu commences à rêver d’être tout seul sur la rivière, pas un bruit à part les rames qui tombent dans l’eau, le soleil qui se met à rougeoyer au-dessus de l’horizon et les façades de la ville qui prennent subitement des couleurs pendant que les pèlerins et les sadhus descendent les ghats et s’immergent dans l’eau sacrée… Tu t’emballes quoi ! Alors quand le réveil sonne à 5h15, tu sautes de ton lit comme une fleur et hop hop hop ! tu descends jusqu’à la berge, les batteries de ton appareil photo chargées à bloc.

Et là, tu redescends sur terre.

1/ A 5h30, les ghats sont déjà pleins des mêmes types que la veille qui pensent que t’es tombée de ton lit et que peut-être t’as pas encore de bateau donc qui te sautent dessus en te criant : « Boat man ! Boat man ! » Raté pour le « seul au monde » et le silence…

2/ T’aurais peut-être pu t’en douter en voyant la veille le nombre de barques amarrées le long des ghats mais t’es pas tout seul… Mais alors vraiment pas. Genre y a une bonne centaine de barques contenant entre 1 et 20 personnes qui sont en train de quitter le quai.

3/ Y a effectivement des hindous venus faire leurs ablutions matinales, prier et boire une gorgée d’eau sacrée mais ils sont une centaine sur les ghats et on est 600 en face à les mitrailler sous toutes les coutures.

4/ Et non seulement on est comme une armée de paparazzis agglutinés les uns aux autres si près que nos barques ne forment qu’un seul et immense cortège mais y en a encore qui sont carrément sur les ghats, les pieds dans l’eau, pour être sûrs de capter sous le meilleur angle, l’aisselle ou le pied des gens venus se laver de leurs péchés. Pas du tout intrusif. Non, non.

Alors oui, le soleil se lève et c’est magnifique. Oui, les pèlerins se baignent à côté des bûchers de la nuit précédente dont les braises finissent de rouler dans la rivière et ça nous laisse médusés. Oui la lumière sur la ville est extraordinaire et le brouillard rajoute encore à l’ambiance un peu mystique qui se dégage du lieu. Et oui, ça pourrait être un spectacle fantastique. Et ça a dû l’être. Y a 20 ans. Quand les gens qui venaient ici ne se prenaient pas pour des chasseurs d’image et respectaient la signification et l’importance de cet endroit pour les hindous.

Honnêtement, je me suis sentie mal pendant cette balade. Dans le genre voyeur, c’était plutôt haut niveau. Certains boat mans vont jusqu’à refiler une petite bougie à tous leurs passagers et à la fin de la balade, tout le monde allume sa bougie en même temps, on ferme les yeux, on se tient par les mains, on fait une minute de silence puis tout le monde pose sa bougie dans l’eau… Alors oui, l’image de ces petites bougies vacillantes sur l’eau est très jolie mais les 3/4 d’entre elles sont déposées par les touristes !!

Est-ce que c’est ça que les gens viennent voir ?

Je suis convaincue de l’authenticité de la démarche des hindous qui viennent à Varanasi en pèlerinage ou pour mourir. Je suis convaincue que tous les touristes qui viennent ici ne sont pas là que pour rapporter des photos qu’ils exhiberont comme des trophées de chasse. Je suis convaincue que cette ville a effectivement un charme particulier et qu’elle est particulièrement belle le matin au lever du soleil.

Mais ce matin, j’étais pas contente d’avoir été menée en bateau.

Bon, j’ai quand même fait des photos… Elles sont ici.

Varanasi, la ville où les gens viennent pour mourir…

Alors oui, dit comme ça, ça donne pas spécialement envie d’aller y faire un tour…

MAIS ! Les hindous (ceux qui pratiquent l’hindouisme), ils sont ravis de mourir à Varanasi ! Parce que ça leur assure de filer droit au paradis et de pas se taper une énième réincarnation. Et ça, ça rend pas triste.

Varanasi est donc une ville sacrée, au confluent de 2 fleuves sacrés : la Yamuna River (celle qui passe à Delhi) et le très célèbre Gange… Sur les bords du fleuve, il y a donc tout plein de ghats. Les ghats, ce sont des escaliers sacrés qui descendent dans le fleuve et sur lesquels les pèlerins se lavent, prient, font des ablutions diverses et variées et bien sûr, se font brûler (une fois qu’ils sont morts, hein, bien entendu…).

Comme tous les hindous ont très envie d’aller au paradis, dès qu’ils sentent que la fin approche, ils se rendent (ou au moins ils essayent) à Varanasi. Du coup, la ville est pleine de mourants. Sauf que, petit détail qui a son importance, tu dois payer toi-même (ou ta famille) le bois de ton bûcher. Que dans l’idéal, faudrait du bois de santal (c’est sacré). Et que ça coûte la peau des fesses. Donc, la ville est pleine de mourants qui font la manche pour acheter du bois de santal. Et même du bois tout court.

Je ne sais pas si vous avez lu Le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. Et bien, Phileas Fogg et son pote passent par Varanasi, je crois. Et ils sauvent une charmante veuve du bûcher. Oui, parce que la tradition, c’est que quand ton mari meurt, tu te jettes sur son bûcher de crémation (et ça, même si il n’a pas la présence d’esprit de mourir à Varanasi). Sympa, non ? J’ai entendu l’histoire d’un maharaja, dont les 22 épouses ont eu la chance de se jeter dans les flammes lors d’une très chouette cérémonie qui s’appelle la Sati. Tu mets ta robe de mariée, tes plus beaux bijoux et tes plus jolies chaussures et hop ! tu sautes sur le bûcher ! Et une, deux, trois, … quatorze, … vingt-deux ! Bon, aujourd’hui, ça ne se fait plus, hein ?

Mais bref, je ne suis pas là pour raconter des histoires morbides mais plutôt pour vous faire rire avec mes mésaventures dans cette ville un peu étrange…

Après avoir passé 14 heures dans le train le plus ponctuel de l’Inde (et c’est pas une blague), je suis donc arrivée à Varanasi de bon matin. Comme d’habitude, c’est la cohue à la sortie de la gare entre les rickshaws, les taxis, les gens qui s’enjambent les uns les autres et quelques bonnes grosses vaches avec 2 de tension (oui, elles sont revenues !). Je veux aller dans la vieille ville, à 4 ou 5kms de la gare. Je chope donc un rickshaw driver qui ne veut pas baisser son prix en dessous de 100 roupies… je suis fatiguée, j’ai envie de me coucher, j’accepte. Je sais pourtant que le rickshaw ne pourra pas m’emmener jusque devant la guest house parce que les rues sont beaucoup trop étroites et tortueuses et que je devrai donc marcher un peu. Et ben voilà, je me suis pas trop faite arnaquer jusqu’à maintenant mais là, c’est du grand art !! Le type me dépose à un angle de rue en me disant : « Bah voilà, là c’est à gauche et au bout de la rue, y a la guest house ». Sauf qu’en fait, pas du tout ! Je marche depuis 5 minutes quand je repère un type qui me suit (ça arrive tout le temps, jusque là, rien d’anormal). Il commence à me parler et quand je lui dis le nom de la guest house, il répond : « Ah bah oui, bien sûr ! Pas de problème, suis moi ! » Je devais vraiment être dans le cirage… je le suis. On se met à slalomer dans un dédale de ruelles parsemées de bouses de vaches et de tas d’ordures… Au bout d’un moment, je me dis que je n’arriverai jamais à revenir en arrière s’il m’emmène juste visiter son shop (parce que comme par hasard, il a un shop, il vend des écharpes, very cheap price for you my friend !). Mais non ! On arrive bien à la guest house ! Bon, là, il veut que je pose mon sac et que je vienne voir son shop mais bon… je m’en fous, je suis arrivée !

En attendant que ma chambre à 600 roupies (ce qui est plutôt cher pour le coin) soit prête, on me propose une autre chambre toute petite et sans fenêtre. M’en fous, je me jette sur le lit (enfin pas trop fort parce que le matelas est tellement fin que je risque d’exploser la porte qui sert de sommier) et je dors jusqu’à midi. Là, on me donne royalement les clés de ma soi-disant fantastique chambre (et encore, ils m’en donnent une encore meilleure que celle qui était prévue au départ, je sais pas pourquoi). En arrivant dans la chambre, le type m’ouvre les volets d’un geste théâtral en disant : « The balcony… » … ??? … Mouahahahaha !! Ça ? Un balcon ? En vérité, les volets touchent le mur de la maison d’en face quand tu les ouvres et si tu te démontes le cou, tu peux apercevoir un rayon de soleil et les poubelles du voisin (parce que je peux pas croire que ce soit son toit…). Je retourne donc expliquer au patron que je suis flattée qu’il me donne une de ses meilleurs chambres mais que je préfère payer 400 roupies et pas avoir de fenêtre plutôt que de payer 600 roupies pour voir (et sentir) les ordures du voisin. Il comprend pas, de toute façon pour 600 roupies je pouvais pas espérer avoir la vue sur le Gange, blablabla… Bref, je lui rends ses clés et je retourne dans ma petite chambre sans fenêtre… et sans eau ! Car au moment où je me dis qu’après tout ça, je vais pouvoir enfin me débarrasser de la poussière de Delhi, je découvre en même temps que ma voisine de palier qu’il n’y a plus d’eau ! Mais elle, c’est pire parce qu’elle a une chambre à 250 roupies et qu’elle partage donc la salle de bain avec le personnel de l’hôtel… Enfin la salle de bain… une pièce de 2 m² avec un trou dans le sol qui sert de toilettes et un autre d’évacuation pour la douche. Oh ! Et les toilettes sont bouchées… Ce qui me permet de relativiser mes propres petits soucis…

Bref, ils finissent par nous remettre un peau d’eau (froide, cela s’entend), un peu de lumière (mais faut tripoter l’ampoule parce que y a un faux contact…) et une fois que j’ai l’air à peu près présentable (en fait, j’en sais rien, j’ai pas de miroir), je sors dans la rue à la recherche d’une autre chambre…

Et j’avoue que c’est plutôt impressionnant. Les ruelles sont si étroites que si une vache a décidé de passer, faut t’aplatir sur les murs (non, faut pas regarder les murs, faut déjà essayer de sauver tes pieds). Impossible de marcher le nez en l’air : 1/ faut soigneusement choisir l’endroit où tu poses tes pieds (bouses, crachats, restes de bouffe, chiens endormis, gens endormis pour la sieste ou peut-être de façon indéterminée, y en a pour tous les goûts…) 2/ dès que tu regardes un panneau, 12 types te tombent dessus en te proposant un resto, un tour en bateau, la visite d’un temple, de visiter leur shop, et on enchaîne avec le classique d’où-tu-viens-t’es-mariée-t’as-quel-âge ? Je fais donc juste un petit tour, juste assez pour trouver un autre endroit où dormir les 2 nuits suivantes et ne pas encore trop me perdre.

En revenant à la guest house, je me file un coup de pied aux fesses : « Non mais oh ! t’es pas une mauviette ? on va pas se laisser impressionner par une tripotée d’Indiens même si certains sont particulièrement sales et édentés et ça va quand même pas t’empêcher d’aller assister aux cérémonies qui se déroulent sur les ghats ? Allez ! Hop hop hop ! On se ressaisit ! » Parce que je suis sûre que cette ville vaut le coup. Et que rien de plus terrible que marcher sur un mort ne peut m’arriver. Et franchement, s’il est vraiment mort, il sentira rien.

Photos ici.

A Delhi…

… la vie coule lentement… Y a pas non plus 500 millions de trucs à visiter alors j’y vais tranquille-tranquille.

Je suis donc allée visiter le National Museum (oui, une petite dose de culture de temps en temps, ça ne fait pas de mal). Bof… y avait plein de choses sûrement très intéressantes mais pas mal de galeries étaient fermées pour rénovation et d’autres juste à clef. Pour des raisons d’économies d’énergies (what else ?), la lumière n’était pas allumée partout donc les collections de pièces de monnaie étaient un peu difficiles à apprécier… Et certaines très chouettes statues n’avaient tout simplement pas d’étiquette donc je ne saurai jamais ce que c’était… Indian style quoi !

Le musée étant le long du Rajpath, j’en ai profité pour me balader sur l’avenue ces Champs Elysées locaux. L’avenue est immense et bordée par des grandes pelouses où les gens viennent pique-niquer ou jouer au cricket. Alors peut-être parce que c’était dimanche ou peut-être parce que j’ai glissé dans une dimension parallèle sans m’en apercevoir, les rues étaient dé-ser-tes. A Delhi ! Complètement dingue ! Quelques personnes étaient rassemblées autour de l’India Gate (l’arc de triomphe du coin) avec un tas de vendeurs de glaces et de ballons mais la ville était plutôt étrangement calme. Et le brouillard omniprésent rajoutait encore à l’atmosphère un peu étrange du jour.

Mais heureusement, en fin de journée, on a eu droit à un concert de musique traditionnelle rajasthanie avec danseurs, organisé sur le toit de la guest house. Encore l’occasion de rencontrer plein de gens et de finir la soirée très tard…

Je suis aussi allée au zoo (oui, c’est ma spécialité, je n’y vais jamais en France, c’est surfait, je n’y vais que dans les capitales étrangères…). Bon alors là, encore une vaste blague indienne : ils te donnent un petit plan à l’entrée… mais, ensuite ils ont changé tous les animaux de place et à toi de retrouver qui est où ! C’est tellement plus fun ! Et puis sinon, 1 cage sur 2 est vide. C’est donc un zoo avec 1 lion, 1 tigre, 1 crocodile, 2 girafes, 1 très gros rhinocéros et des dizaines de poules… C’est original…

Je suis aussi allée visiter le Qutb Minar (celui qui arrive à prononcer ça sans postillonner a gagné). Ce sont les ruines d’une ancienne mosquée et plusieurs tombeaux qui datent d’il y a quelques siècles et qui avaient été construits avec les pierres des temples hindous que les musulmans avaient détruits en arrivant dans le quartier. Oui, ici, on recycle, c’est important…

C’est très joli ! Si ce n’est toujours le brouillard qui perturbe un peu la photogénie des vieilles pierres…

Bon, je vous rassure, je n’ai pas fait que me culturer à Delhi. J’ai fait du shopping. Bien obligée, mon jean a eu la bonne idée de créer de nouvelles aérations placées de façon assez inopportune…  Du coup, j’ai découvert LE bon plan indien : les jeans sont à 30 euros chez Levi’s. Pas la peine de me demander de vous en rapporter, j’ai pas la place, mais n’hésitez pas à vous acheter un aller-retour Paris-Delhi pour venir faire vos courses de Noël, le Christmas shopping à New York, c’est dépassé…

Photos ici.

Delhi ByCycle

Bon, ça va faire 3 jours que je suis à Delhi et à part régler mes petits tracas administratifs, qu’ai-je donc fait pour mériter ça ? (là, si quelqu’un voit l’allusion, je lui tire mon chapeau) pour occuper mes journées ?

Ben tout d’abord, j’ai fait connaissance avec mes colocs. J’ai notamment dîné avec G., un français en tour du monde (original me direz-vous…) après 8 ans d’expatriation à Dallas (la classe…) et avec qui on s’est rué chez Pizza Hut (parce qu’on n’arrive plus à faire la différence entre le masala et le butter masala).

Je suis allée visiter le tombeau de Humayun, « le site le plus merveilleux de Delhi » dixit nos Lonely amis. Bizarrement, ça m’a fait penser à un autre truc… Enfin, vous me direz ce que vous en pensez.

J’ai observé la faune locale… et découvert que les perroquets, ça ne vit pas qu’au zoo.

Et puis ce matin, je me suis dit qu’il fallait prendre son courage à 2 mains et plonger dedans pour de vrai. Et me voilà partie pour un tour de la ville à vélo. Rendez-vous donné à 6h30 (Hein ? Quoi ? 6h30 ? Du matin ? Vous rigolez ? Non ? Ah bon…) parce qu’après « la circulation est trop dense et ça devient compliqué d’apprécier la balade » (sans blague…). Première surprise : quand tu mets les pieds dans la rue à 6h du matin, 1/ y a personne donc y a pas de bruit et c’est suffisamment rare pour être signalé, 2/ il fait froid… genre vrai froid (comme qui dirait)… genre il fait 15°C (bah si, pour la région, c’est froid).

Bref, c’est un peu la galère pour trouver un rickshaw mais je finis par en trouver un encore tout endormi et tout emmitouflé dans une grande couverture en laine qui se trompe de 100 roupies dans le prix de la course parce qu’il est encore trop tôt donc je saute dedans !

Le point de ralliement des malades du vélo est au fond d’un parking tout noir et plein de chiens qui aboient… Bizarre… Mais les vélos sont bien là, les guides avec leurs K-way oranges aussi et à 6h45, tout le monde est en selle et c’est parti mon kiki ! Non, sans rire, Delhi ByCycle est un super tour operator et puis ça permet de voir la ville autrement qu’à travers le pare-brise d’un tuk-tuk et ça, ça change ! On traverse donc Old Delhi à l’heure où les camions déversent des montagnes de quartiers de chèvre et de pieds de buffle bien sanguinolents, où les gens se lavent et se brossent les dents en groupe devant les pompes à eau,  où les plus pauvres font la queue devant les temples pour avoir un petit-déjeuner et où les enfants partent à l’école, entassés à 15 dans un rickshaw qui, pour la peine, est fermé par des grilles pour ne pas perdre son chargement. On fait également un petit tour en barque sur la Yamuna River qui traverse Delhi… Alors quand je disais que j’avais pas envie de me baigner dans la Seine… je vais peut-être changer d’avis ! L’eau de la Yamuna est si noire qu’on ne voit même pas le bout des rames ! La rivière est sacrée et le plus grand crématorium de Delhi se situe au Nord de la ville. Dans le temps, les gens se faisaient incinérer avec du bois de santal (sacré, lui aussi) mais aujourd’hui, les gens n’ayant pas les moyens de s’offrir un joli bûcher en bois de santal, on ne met qu’une seule buchette en santal et le gaz fait le reste du boulot. Par ailleurs, les femmes ne sont pas admises dans le crématorium : leurs pleurs et leurs lamentations pourraient troubler les âmes au moment du grand départ… Bref, les cendres sont toutes balancées dans la Yamuna dans laquelle se déverse aussi les égouts de la ville et on comprend vite pourquoi, après Delhi, la rivière n’est plus qu’un immense ruban de détritus noirâtre… Depuis quelques années, le gouvernement dépense des fortunes pour tenter des actions de dépollution mais visiblement, y a encore du boulot !

Bref, après avoir pédalé pendant plus de 3 heures, en évitant les vaches, les chiens, les enfants, les tas d’ordures, les charrettes qui viennent à contre-sens et les fils électriques qui sont suspendus à 1m50 du sol, on finit par aller prendre le petit déj dans un très fameux restaurant de Old Delhi, le Karim’s. Le restaurant est tout petit, existe depuis presqu’une centaine d’années  et sert des naans tout frais et tout chauds. Au menu, chèvre marinée et bouillie pendant 7 heures, curry de légumes et bien sûr, un peu de dhal. Dé-li-cieux !

Après tout ce sport et cette culture, il était temps de se ramollir un peu le cerveau et j’ai donc fait la même chose qu’une bonne majorité d’Indiens à Delhi le samedi après-midi, je suis allée au mall faire du lèche-vitrine. Très drôle de voir toutes ces marques connues, ces cosmétiques de luxe et ces boutiques de chaussures quand on sait que la majorité des Indiens sont en tongs, achètent leurs vêtements dans la rue et ne mettent pas crème anti-rides. Pourtant, il y a un monde fou, les gens ont les bras chargés de sacs et le food court est plein à craquer. J’envisage une très sérieuse épidémie d’obésité en Inde dans les 20 prochaines années. Les franchises américaines pullulent (KFC, McDo, Pizza Hut, …) et les gens mangent à longueur de journée des trucs archi sucrés, frits et bien gras. Cela étant dit, ça ne concerne que ceux qui sont capables de s’offrir un repas à plus de 300 roupies et rapporté au 1,2 milliards de gens vivant dans ce pays, c’est peut-être finalement pas énorme.

Pour finir ce samedi en beauté, j’ai été invitée à une soirée très sympa sur un roof-top avec plein d’expats qui vivent et qui travaillent à Delhi. Tout le monde demande à tout le monde « Et toi ? tu fais quoi ici ? » et c’était plutôt drôle de répondre : « Moi ? Rien ! Je tourisme professionnellement… ». Tout ça en grignotant des brochettes de bœuf (sacrilège !!) et en sirotant des vodka-cranberry… Un petit morceau d’ancienne vie en quelque sorte !

Photos ici.