Phnom Penh

Phnom Penh, capitale du Cambodge, 2 millions d’habitants. Bon, à priori, c’est une petite ville. Du coup, le trafic ne doit pas être trop intense. ERREUR !! Justement, parce qu’il n’y a pas grand-monde et que les rues sont plutôt larges, les gens roulent vraiment n’importe comment. C’est-à-dire que le contre-sens n’a pas d’importance. Pas même sur les ronds-points. Passé l’effet de surprise, tu comprends qu’il faut traverser la rue lentement, en regardant tes pieds comme ça les autres usagers de la route vont se dire que tu n’essayes pas de les éviter et donc vont le faire pour toi (tactique dite « de la tête dans l’sable »…).

Je viens donc de passer 2 jours et demi à Phnom Penh. Et bah, c’est sympathique comme tout, cette ville ! J’ai arpenté la ville en long en large et en travers et c’est assez différent des grandes villes asiatiques que j’ai traversées jusqu’à maintenant. Le plan de la ville est un immense damier et les noms de rues sont des numéros (une petite influence américaine peut-être ?) donc tu te repères hyper facilement. Y a des vrais trottoirs (bon, tu peux pas marcher dessus parce qu’ils toujours envahis par les motos et les tuk-tuks mais au moins, ils existent), plein de voitures (et pas des Tata, hein, non, non, des gros 4×4 noirs aux vitres fumées), des tuk-tus d’un genre que je ne connaissais pas (d’ailleurs le ministre des Transports veut qu’on appelle ça des « remorques », en français dans le texte parce que c’est un mot qui est apparu pendant la colonisation française) et des cafés et des boulangeries françaises à chaque coin de rue. C’est propre, pas en chantier, bref, j’aime bien.

Qu’y a-t-il donc à faire à Phnom Penh ? D’abord, j’ai testé la Angkor Beer. Oui, il fait 35°C toute la journée, t’as besoin de te réhydrater, la bière est moins chère que le Coca donc… Plutôt légère et bien blonde pour ceux que ça intéresse mais la bouteille est jolie avec le temple d’Angkor Wat dessus. Et puis, comme il fallait éponger un peu, je suis allée dîner avec de nouvelles copines de dortoir dans un resto thaï (parce qu’en fait, la cuisine khmer a assez peu de spécialités propres, c’est un vaste mélange de cuisine vietnamienne, thaïe et indienne). Et ce qui devait arriver arriva… j’ai été malade… Pfff !  Chu dégoûtée : pas même un soupçon d’intoxication alimentaire en Inde et au premier pad thaï, paf ! c’est la cata… Mais je vous rassure, rien de grave ! Un petit Spasfon, une petite journée off food (là pour le coup, j’ai avalé un bon litre de Coca) et ça repart ! Ca ne m’a pas empêchée d’aller me traîner (oui parce que sous 37°C, tu ne marches plus, tu te traînes) de temples en musées toute la journée.

D’ailleurs à propos de musée, si vous allez à Phnom Penh et que vous êtes un peu déprimés, je vous déconseille très sérieusement le musée du génocide de Tuol Sleng… Rien qu’au nom, on sent qu’on va pas rigoler. C’est quoi Tuol Sleng ? Au début, c’était un lycée. 4 bâtiments de 3 étages chacun autour d’un cour de récré avec des pelouses et des trucs pour faire du sport comme des cordes à nœuds (ça aura son importance un peu plus tard). Le 17 avril 1975 (rappelez vous, c’est l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges), le lycée est fermé et les étudiants envoyés avec la quasi-totalité des habitants de Phnom Penh dans les campagnes pour y travailler comme des esclaves. La ville devient une ville fantôme et le lycée est transformé en prison. Pour ça, il subit quelques aménagements : les murs des salles de classe sont percés de portes et les Khmers rouges y construisent de petites cellules en briquettes ou en bois de 1 mètre de large sur 2 mètres de long en moyenne. Certaines salles sont conservées telles qu’elles pour servir de salles de torture et les plus grandes deviennent des salles de détention collective (les prisonniers étaient littéralement allongés les uns à côté des autres tête bêche pour ne pas perdre de place). D’immenses grillages barbelés sont installés sur toute la hauteur pour empêcher les prisonniers de se suicider. Ainsi naquit la fameuse prison S-21. On a connu plus gai comme faire-part… Après la libération, cet endroit a été conservé intact (difficile d’imaginer y remettre des enfants qui jouent aux billes et à la corde à sauter) et c’est aujourd’hui un musée.

Et que s’est-il passé à S-21 ? Ben, maintenant que vous savez que les Khmers rouges sont des gens fort délicats, vous imaginez bien que ça n’a pas été joli-joli. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a assez peu de panneaux explicatifs mais des photos. Beaucoup de photos. Parce que les Khmers rouges conservaient précieusement les portraits de tous les « traîtres à la révolution ». Et comme toujours en temps de guerre (et pourtant ils n’avaient pas Facebook), les soldats se sont pris en photo en train de torturer leurs prisonniers ou juste leurs prisonniers, morts, après une séance un peu trop musclée. Honnêtement, après tous les musées du genre que j’ai visités (Hiroshima, Saigon, Nanjing), là, j’avais la gorge serrée. J’étais même si mal à l’aise que j’ai eu du mal à prendre l’escalier un peu sombre qui montait dans les étages des bâtiments. Pour un peu, j’entendais des fantômes… flipant ! Parfois, la connerie n’a pas de limite et c’est effrayant. Se dire que des milliers (oui, parce que ce sont des milliers) de gens ont été torturés, affamés, exécutés juste là, sous mes pieds… on ne peut pas comprendre. Mais que se passait-il dans la tête des bourreaux ? Impossible de savoir.

Pour boucler la boucle, le lendemain, je suis allée au champ d’exécution de Choeung Ek, plus connu sous le nom de Killing Fields (et non, ça n’est pas le titre d’une chanson). Bon bah là, on touche le fond de l’horreur. Après avoir passé quelque temps à S-21, les prisonniers qui n’étaient pas encore tout à fait morts étaient exécutés. Sauf que. Pour ne pas risquer des épidémies dans Phnom Penh, les Khmers rouges ont trouvé un petit coin sympa à 15kms de la ville pour enterrer tout ce petit monde (plus de 20 000 personnes… ça commence à faire du bon cimetière, hein ?). Donc, ils ont d’abord construit une grande clôture pour que les paysans qui travaillaient dans les champs à côté ne sachent pas ce qu’il se passait ici puis, ils ont creusé des trous. Des grands trous. Plus de 160. D’environ 5 mètres de profondeur, 10 de long et 5 de large. Puis, ils ont fait venir les prisonniers par camion et ils les ont massacrés un par un jusqu’à 20 000… Ils ne pouvaient pas les tuer proprement, non, non. Les balles coutaient trop cher, on les gardait pour les combats. Alors ici, on avait des pelles, des pioches, des couteaux, des marteaux… Et ils avaient vraiment pensé à tout, ces cinglés. Ils recouvraient les corps de DDT, un insecticide utilisé par les paysans du coin, pour masquer l’odeur des corps en décomposition (comme ça, personne ne soupçonnait rien) et ils diffusaient des chants révolutionnaires à fond les ballons pour couvrir les cris… Raffinés, je vous dit. Je pense que le meilleur c’était le moment où on t’explique que pour tuer les bébés (oui, ils faisaient pas de détails) ils les attrapaient par les jambes et leur fracassaient le crâne contre un arbre dont on a retrouvé le tronc couvert de sang, de cheveux et de morceaux de cervelle… Ayé ? Vous n’avez plus faim ? Moi non plus… Aujourd’hui, le fameux arbre est couvert de bracelets et autres breloques multicolores.

Comment comprendre ? Les derniers responsables Khmers rouges encore en vie ont plus de 80 ans et ne répondent pas aux accusations. Ils nient toute atrocité commise sous leur régime. Comment est-ce possible ?

Bon, pour finir sur une note plus légère (parce que là, je vous sens tous déprimés et en plus, pour vous, il fait froid et gris, ça aide pas), je suis allée visiter le palais royal. Bon, en fait il était à moitié fermé parce que l’ex-roi (si, on en a parlé rappelez-vous, Sihanouk) est mort en octobre dernier et que son corps a été exposé pendant 3 mois pour que le peuple puisse venir se recueillir et hier, c’était le jour où on le rangeait. Donc palais fermé. Bon, c’était pas vraiment plus gai mais lui au moins, il est mort à 89 ans, tout malade et tout vieux.

Alors voilà. Phnom Penh, son passé lourd à porter, ses petits déj croissant/baguette et ses salons de thé, c’est fini. C’était plutôt une bonne surprise et les gens étaient vraiment sympas et souriants. Aujourd’hui, je prends le bus pour Sihanoukville, sur la côte du golfe de Thaïlande, 230kms au sud. Au programme, bungalow sur la plage, eau de coco et maillot de bain. Et bah voilà, là, c’est moins déprimant !

Photos ici (âmes sensibles s’abstenir…)

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