Me voici donc à Chicago. La ville d’Al Capone, des Bulls et de la meilleure comédie musicale qui existe au monde (… d’un point de vue tout à fait personnel, certes).
Le temps de repérer un endroit où passer la nuit tout au bout d’une ligne de métro (les trottoirs autour de Jefferson Park sont tout à fait accueillants et en plus, y a le wifi au McDo juste à côté) et il fait déjà nuit. C’est qu’il fait nuit de plus en plus tôt. Et mes journées ont la fâcheuse tendance à ne faire que 23 heures. C’est que Flipper traverse les fuseaux horaires sans même prendre le temps de ralentir ces derniers temps…
Alors, un petit coup d’œil à la carte pour ne pas se perdre et quelques stations plus loin, je débarque en plein loop. C’est comme ça qu’ils appellent le centre de la ville ici. Et y a des trucs rigolos dans le centre de cette ville. Des trucs que tu peux aller voir même quand il fait nuit, c’est pas grave. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais un certain nombre d’artistes ont décidé d’y ériger des statues. Enfin, des statues. Des sculptures, on dira plutôt. Parce que j’irai pas jusqu’à dire que j’ai compris ce que ça représente. L’art moderne et moi…
Comme on est samedi soir, je me faufile dans un bar. (Non, je ne passe pas mes samedis soirs dans les bars, c’est juste une façon de parler.) Et il se trouve que ce bar n’est pas juste un bar mais un club de blues. Et plutôt réputé si j’en crois le type à l’entrée qui me promet que je ne vais pas regretter d’être passée dans le coin. Moi, le blues, j’y connais rien. Mais les gars sur scène ont l’air de bien s’amuser. Et la vérité, c’est plutôt chouette.
C’est plutôt chouette jusqu’à ce qu’un type accoudé au comptoir se mette en tête de m’offrir à boire et de faire la causette. Papoter au milieu d’un bar où un type fait hurler sa guitare et où le barman te parle la langue des signes, c’est pas pratique. Ça t’oblige à hurler dans l’oreille de ton voisin. Et moi, j’aime pas trop quand des inconnus me postillonnent dans l’oreille. Non, vraiment, sans façon. J’ai beau jouer la carte de la fille qui n’entend rien voire qui parle pas 3 mot d’anglais, ça ne décourage pas mon nouvel ami qui se met en tête de me raconter sa vie et de me dresser la liste de tous les endroits où il faut absooooolument que je m’arrête en repartant d’ici. Alors au bout d’un moment, le blues c’est sympa mais je craque et je retourne retrouver Flipper qui lui, ne me postillonne jamais dessus…
Le lendemain matin, il fait grand soleil et en reprenant le métro, j’apprends qu’aujourd’hui n’est pas un dimanche ordinaire. Non, non, non. Aujourd’hui, y a le marathon de Chicago. Apparemment, ça ne perturbe pas tant que ça le train-train quotidien. Les rues sont juste pleines de gens avec des panneaux et des t-shirts couverts d’inscriptions venus soutenir les coureurs. Coureurs qui courent visiblement trop vite, je n’en croise pas un. Par contre, je croise bien la boulangerie française aux vitrines pleines de viennoiseries dorées et la boutique de cupcakes à la façade alice-au-pays-des-merveillesque…
Histoire de prendre un peu de hauteur, je grimpe en haut du John Hancock Center, un des plus hauts buildings de Chicago. De là, la vue sur la ville et le lac est impressionnante…
Et puis je redescends dans le rue admirer tous ces buildings d’en bas. C’est que c’est une des particularités de Chicago : ses buildings. C’est ici qu’ont été construits les premiers gratte-ciels au monde et il y en a de toutes les tailles, de toutes les formes, pour tous les goûts.
Et c’est à ce moment que se produit LA catastrophe.
Alors que je marche le nez en l’air et l’œil collé au viseur de mon appareil photo, j’entends un petit « bip-bip » insistant. Et je réalise rapidement que ça vient justement de mon appareil photo. « Erreur objectif. Arrêt automatique de l’appareil » ça dit. Sauf que si l’écran s’éteint, l’objectif ne se rétracte pas. Alors je retourne la machine dans tous les sens, j’allume, j’éteins, je rallume, je ré-éteins… Rien. Ça a l’air coincé. Je finis par forcer (doucement, hein, pas comme une brutasse) et par rentrer l’objectif. Me voici donc, dépitée, sur le bord du trottoir, à me demander ce que je vais bien pouvoir faire avec cette saleté d’appareil qui vient de me lâcher…
C’est là que je repense à mon deuxième appareil photo. Celui que j’avais emporté « au cas où »… Celui que j’avais décidé de renvoyer en France parce que, décidément, ça servait vraiment à rien de se traîner un truc pareil vu que je ne m’en servais pas du tout mais que quelqu’un m’a volé au Chili. Je maudis donc pour la cent millième fois l’inconnu mal intentionné. Ce qui ne change rien. J’ai plus d’appareil photo.
De nos jours, tout le monde a un smart phone et passe son temps à prendre des photos débiles qu’il poste ensuite sur Facebook. Easy donc. Easy sauf que je dois être une des dernières personnes sur Terre à ne pas avoir de smart phone. Je réfléchis donc 4 secondes et je décide de trouver un vendeur d’appareil photo et de lui montrer mon malade. On ne sait jamais.
Avant ça, je file avaler une part de pizza. Enfin, plutôt une pizza toute entière. Une petite, évidemment. C’est une spécialité de Chicago. Ça ressemble plus à une quiche qu’à une pizza : la pâte est super épaisse et y a presque 3 centimètres de sauce tomate recouverte d’une bonne couche de fromage qui fait des fils pas possibles quand t’essayes de mordre dedans. Ça s’appelle une pizza deep-dish. J’ai beau tester ça dans LE restaurant qui a inventé le concept, honnêtement, ça casse pas 3 pattes à un canard. Et ça vaut surtout pas les 45 minutes d’attente… Bon, peut-être que l’histoire de l’appareil photo me fout un peu de mauvaise humeur aussi… Peut-être…
Je finis par trouver mon magasin d’appareil photo. Le vendeur fort aimable tente de réanimer le mourant mais c’est trop tard… heure du décès, 12h18. Il tente de me remonter le moral en me disant que peut-être, avec la garantie, je pourrai le faire réparer… Super, sauf que la garantie est à Paris et que d’ici-là, bah… faut trouver une solution. Quelques minutes plus tard, me voilà l’heureuse propriétaire d’un nouvel appareil, tout petit et pas au top mais c’est toujours mieux que rien.
Je repars donc au hasard des rues (après un petit stop chez Starbucks pour charger la batterie de mon nouveau compagnon) à tenter d’apprivoiser la bête… Il fait beau, la ville est vraiment belle, y a des sculptures étonnantes à chaque coin de rue ou presque, je mitraille à qui mieux mieux, mon moral remonte en flèche. Je finis même par atterrir au Art Institute of Chicago. A propos, si t’arrives une heure avant la fermeture, tu ne payes l’entrée que 10 dollars au lieu de 22. Le musée est immense, recèle des centaines d’œuvres du monde entier mais moi, je ne viens que pour une seule toile. Une toile que j’ai contemplée un nombre incalculable d’heures sur mon radiateur. Celle-là.
Un dimanche après-midi à la Grande Jatte de Georges Seurat
Pour ceux qui n’auraient pas révisé leur histoire de l’art ces dernières 24 heures, Georges Seurat est un peintre de la fin du XIXème siècle qui fait partie du courant impressionniste. Et plus précisément des pointillistes. La toile est couverte d’une infinité de petits points colorés qui, quand on s’en éloigne un peu, devient un tableau. La première fois que j’ai vu ce tableau, je devais avoir 10 ans. J’ai trouvé ça extraordinaire et j’ai fait acheter à ma mère une photo format A4 qui a donc trônée sur le radiateur de ma chambre les 20 dernières années (à vrai dire, je crois bien qu’elle y est à l’heure où on parle). Alors le revoir en vrai, c’était quelque chose…
Quand les vigiles du musée m’ont foutu dehors, je suis allée m’amuser avec les autres touristes du dimanche sous la Cloud Gate. Encore une sculpture rigolote au beau milieu des gratte-ciels. Ça ressemble à ça et c’est comme un grand miroir déformant.
Et puis, comme j’avais mal aux pieds et qu’il commençait à faire froid, je suis rentrée et je me suis attelée à transférer mes photos sur internet pour vous montrer comment je passe mes journées. Et là, ça a été la deuxième catastrophe de la journée. Une suite de manipulations malencontreuses et pof ! toutes les photos de mon nouveau joujou envolées… Arrachage de cheveux, force jurons, rien n’y fait. Tout a disparu…
Bon, certes, je ne vais pas effacer de ma mémoire de sitôt l’impression que ça fait d’être, en vrai, devant le chef-d’œuvre de Seurat ou les rayons de soleil qui se reflètent sur les façades vitrées des buildings de Chicago mais quand même… ça agace.
Alors c’est en traînant les pieds que je suis allée me coucher et en jurant de ne plus jamais appuyer sur la touche « Delete » de ce maudit ordinateur…
Photos ici (pas beaucoup, hein, évidemment…)