Faux départ…

Ayé ! Mon sac est prêt !

Ou plutôt… mes sacs sont prêts. Quoi ? Quand tu pars 6 mois au fond de la brousse, faut emporter plus qu’un tube de dentifrice et un couteau ! J’ai donc un carton plein de shampoings et autres crèmes de mocheté, mon kit de tricot pour pouvoir habiller la totalité des enfants à naître des 6 prochaines années, 14kg de chocolat, mon bien aimé hamac, la moitié de ma bibliothèque et 4 culottes. Faut savoir où sont ses priorités.

Il est minuit, le parquet de ma chambre est presque visible (ce qui n’était pas gagné il y a quelques heures encore…) et je crois que je n’ai rien oublié.

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Non… c’était pas gagné…

Quelques heures plus tard (5, à peu près), le réveil sonne. Ouh ! C’est dur… Je profite une dernière fois de la douche chaude, je range ma brosse à dents dans mon sac, je cadenasse tout. Allez ! C’est parti.

Dans la voiture, je mets le chauffage à fond. On est fin janvier et je n’ai sur le dos qu’une petite polaire. Je vais pas apporter un anorak en Centrafrique, ça serait légèrement exagéré. Alors je vais grelotter 10 minutes sur le quai du RER, ça va pas me tuer. De toute façon, avec mes 25kg sur le dos et les 10 autres au bout du bras, je prends une suée rien qu’à monter les marches de la gare.

Comme à chaque fois, je regarde défiler les gares par la fenêtre : Arcueil – Maison des Examens, Cité Universitaire, Denfert Rochereau, Gare du Nord, Sevran Beaudottes… A 6h du matin, y a pas grand-monde, les gens finissent leur nuit la joue contre la fenêtre.

Arrivée à Roissy, je jette mon barda sur un chariot à bagages et je me mets à arpenter les couloirs à grandes enjambées. Il est 6h30, l’avion est à 8h10, je suis large. Comme par hasard l’enregistrement de mon vol est au dernier comptoir du dernier hall du dernier terminal. En route, je m’arrête à une borne pour éditer ma carte d’embarquement. Comme par hasard, ça ne marche pas. De toute façon, ça marche jamais ces trucs-là. Tout au fond, je repère le comptoir 13. Y a un tas de gens devant, avec des chariots surchargés de bagages toutes enveloppées dans du plastique rouge. Juste derrière moi, y a un mec qui avance aussi avec un sac sur le dos et la dégaine typique de celui qui part en mission. De toute façon, si t’es européen et que tu vas à Bangui, c’est soit que t’es militaire, soit que t’es humanitaire. T’y vas pas pour faire du tourisme. Obviously.

J’attrape mon billet dans mon sac et je me présente la bouche en cœur à la petite dame qui est devant le comptoir… « Ah, désolée Madame, l’enregistrement est fermé maintenant… »

HEIN ???!!! QUOI ???!!!

Non mais comment ça c’est fermé ? La petite dame m’explique. « Oui, pour Bangui, l’enregistrement ferme 1h30 avant le décollage. C’est marqué sur votre billet… »

QUOI ??? Non mais depuis quand l’enregistrement ferme 1h30 avant le décollage ? Et là, il est 6h43. C’est une blague  ou quoi ?

Non. Pas du tout. Et la petite dame de continuer : « Vous comprenez, on est obligés d’être très stricts sur les horaires pour Bangui parce qu’on ne peut pas atterrir après 17h. Après, c’est la nuit et la nuit, le bidonville envahit la piste… »

Non mais DE QUOI ELLE PARLE ??? On doit atterrir à 15h45. Il va pas faire nuit à 15h45 ??!!

Le gars derrière moi tente un : « Mais je pars en mission humanitaire… Vous pouvez pas me laisser passer ? ». La petite dame est inflexible. Non. C’est pas possible. C’est trop tard. On avait qu’à lire les petites lignes en bas du contrat.

MERDE… MERDE, MERDE, MERDE et re-MERDE !!! Le prochain vol est dans 3 jours. MSF va pas me laisser poireauter 3 jours à l’aéroport !

La petite dame ferme définitivement le guide-fil devant elle. « Si quelqu’un peut récupérer vos bagages, vous pouvez toujours aller passer la sécurité, prendre le vol ce matin et vous faire envoyer vos bagages après, vous savez… »

Ouais. Bien sûr. T’as cru qu’à 5h du mat, j’avais une cohorte de volontaires prêts à m’accompagner jusqu’à Roissy pour agiter leurs mouchoirs ? Laisse tomber…

Bon. C’est la merde. Alors faisons les choses dans l’ordre. D’abord, appeler MSF pour les prévenir. Evidemment, personne ne répond, il est même pas 7h… Bien. Bien, bien, bien, bien, bien… Bon. Alors, aller au guichet Air France. Expliquer mon problème à la très gentille dame derrière le comptoir (en plus, c’est vrai, elle est très gentille). « Oh ! Vous avez la même montre que moi » elle me dit. Et bah super… ça va m’aider à monter dans l’avion, ça ? Non, hein… je m’en doutais… « Non mais vous avez quand même de la chance, comme vous avez un tarif humanitaire, je peux décaler votre réservation sur le prochain vol comme ça, vous ne perdez pas le billet ». Ah bah oui, c’est sûr, j’ai quand même de la chance… Bon, ben… décalons la réservation, on verra bien !

Donc voilà. Il est 7h20. J’ai loupé mon vol. Sur les 10 dernières années, j’ai bien dû prendre une soixantaine d’avions facile. Plusieurs fois, je suis arrivée ricrac. Comme la fois où j’avais ce vol pour New York et où je suis arrivée en courant à l’enregistrement 20 minutes avant le décollage. Où la fois en Equateur où j’avais confondu les heures de départ et d’arrivée et où je suis arrivée à l’aéroport 30 minutes avant le décollage. Je n’ai jamais loupé d’avion. Ja-mais. Jusqu’à aujourd’hui.

Bon. Je fais quoi maintenant ? Les bureaux de MSF n’ouvrent qu’à 9h. Rester à l’aéroport en attendant ne sert à rien. Je suis bonne pour rentrer à la maison. Retour à la case départ.

Plus tard dans la matinée, j’arrive à joindre MSF. Je dis à S. du Bureau des Départs que j’ai raté l’avion, que j’ai quand même décalé ma réservation, que je suis vraiment désolée mais qu’est-ce que je dois faire maintenant ? « T’inquiète » elle me dit, « t’as bien fait de reporter ton billet, comme ça, il est pas perdu, on le donnera à quelqu’un d’autre. Je vais te prendre un autre vol ce soir. Avec Royal Air Maroc. T’arriveras demain matin. Je te rappelle pour confirmer. »

Ça, c’est la double punition. Après être allée jusqu’à Roissy (et revenue) ce matin, va falloir que maintenant j’aille à Orly. Toujours en traînant mes kilos de bagages. La ligne de RER B en entier. Si ça c’est pas du tourisme… Puis la RAM… Je passe d’un Paris – Bangui direct à Paris – Casablanca – Douala – Bangui avec nuit dans l’avion… Arrrrgh ! Remarque, c’est le karma. La prochaine fois, je ferai gaffe.

Bon. Du coup, l’avion est à 20h. Même en prenant une marge de malade (quoique la RAM, elle, elle s’en fout d’être en retard, l’atterrissage est prévu à 7h du matin…), j’ai au moins 7 heures à tuer. Alors de frustration, j’avale une tablette de chocolat (oui, en entier) et à la limite du coma hyper glycémique, je décide de faire la sieste dans le canapé devant la télé. Ça commence bien, cette mission…

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Good Bye Congo…

 

Ça y est. Le Congo, c’est fini.

J’ai quitté le ciel bleu et blanc et la poussière rouge des rues de Lubumbashi. J’ai mené une dernière bataille contre l’armée de gens trop bien intentionnés qui voulaient porter ma valise pour moi, l’enregistrer pour moi, faire tamponner mon passeport pour moi. J’ai senti une dernière fois la sueur couler dans mon dos pendant que les pales du ventilateur s’agitaient mollement plusieurs mètres au-dessus. Puis je me suis docilement soumise aux dernières fouilles de sacs et à la longue file d’attente sur le tarmac. Une fois dans l’avion, je me suis enfin pelotonnée sur mon siège, j’ai enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles et j’ai collé mon nez sur le hublot. C’est encore un vrai ballet dehors. Il y a un nombre pas croyable de gens qui vont et viennent autour de l’appareil. Y en a qui sont assis, qui regardent. Puis bientôt, ils disparaissent les uns après les autres, les moteurs s’allument et on se met à rouler jusqu’au bout de la piste. Je le sens vibrer une dernière fois sous moi, ce Congo qui m’aura tant appris, tant exaspérée, tant fait rire. C’est drôle, malgré tout, y a un truc qui se sert au fond de moi au moment où l’on s’arrache du sol. C’est peut-être juste la force centrifuge.

Les heures et les nuages défilent. Addis Abeba. La première fois que j’ai mis les pieds dans cet aéroport, tout était si exotique, si nouveau. Aujourd’hui, je peste contre les touristes qui déambulent le nez en l’air à la recherche d’indications sur les écrans. Y en a pas, ils ne fonctionnent pas. Ils ne sont pas branchés. La nuit tombe pendant que j’avale une grande crêpe éthiopienne trempée dans des sauces épicées. C’est pas mauvais ça ! Peut-être que la prochaine fois je devrais demander une mission en Ethiopie…

Une autre file d’attente, une autre fouille, un autre avion. Une nuit torticolis. Puis le choc des roues sur le sol. « Bienvenue à Roissy Charles de Gaulle… ». Des couloirs, les yeux encore rouges et gonflés de sommeil des passagers qui se regardent comme s’ils ne savaient pas vraiment où ils sont. Le « Bonjour ! » sonore des policiers qui contrôlent les passeports. Le tapis à bagages qui tourne de longues minutes vide. Les premières valises qui sortent toute enturbannées de plastique vert. Ma valise. Tous ces rituels, tous ces rites de passage, tout ça pour me retrouver dans les couloirs gris et froids de Châtelet-les-Halles, traînant mes 30kg sur roulettes derrière moi en soufflant.

Quand je sors enfin du métro, il est 7h. Premier choc : il fait nuit noire. Ah oui. Ici, le soleil ne se lève pas à 5h. Et puis il fait froid ! Enfin, il fait 10°C. Ce qui, je vous l’accorde, pour un 21 décembre à 7h du matin, est inhabituellement doux. Mais avec juste ma petite polaire sur le dos (bah oui, quand je suis partie le 16 septembre, y avait pas vraiment besoin de plus) je grelotte comme une pauvrette. Et puis, inutile de vous dire que les bureaux de MSF ne sont pas exactement ouverts à cette heure-ci. Me voici donc sur le trottoir avec armes et bagages, enfin surtout bagages. Il est 7h et Paris s’éveille (oui, on est en heure d’hiver). Dans la rue, le camion poubelle passe lentement au rythme de son gyrophare orange, un SDF est emmitouflé dans un sac de couchage sous une porte, le Starbucks reçoit ses livraisons. Sur le trottoir d’en face, la boulangère aligne soigneusement les croissants dans sa vitrine. C’est donc chez elle que je décide de me réfugier. Et tandis que, perchée sur un tabouret, les volutes du tout petit café chatouillant mes narines, le beurre du croissant faisant briller mes lèvres et mes doigts, j’observe les gens emmitouflés dans de grosses écharpes se presser pour disparaître dans la bouche du métro, je réalise : le Congo, c’est fini. Retour à cette autre vie.

Les brioches du mardi matin

C’est mardi matin. Il est 5h, Paris s’éveille à quelques milliers de kilomètres de là et moi aussi. Le réveil chantonne doucement sur l’oreiller à côté de moi et je frotte mes petits yeux encore plein de sommeil. Première pensée : « J’ai pas envie d’y aller. »

Mais d’aller où, me direz-vous, à c’t’heure ? Ben… au bureau.

A 5h ??!! Ben… oui…

Aujourd’hui, c’est mardi. Et comme tous les mardis, il faut que je m’assure que tous les passagers du vol MSF sont bien là, à l’heure, et avec tous les papiers qu’il faut. Et comme l’avion décolle à 7h, il faut quitter la base à 5h30 dernier carat. Après quoi, le flightco décline toute responsabilité quant au fait que les passagers monteraient effectivement dans le coucou et arriveraient effectivement à destination. Et comme je ne veux pas que les gens nous traînent dans les pattes pendant les 3 jours suivants ratent leur avion, je bats donc le rappel des troupes dès 5h15.

Je suis donc bien obligée de sortir de mon lit, de me passer un peu d’eau sur le visage, de me brosser les dents et d’enfiler autre chose que mon pyjama pour être vaguement présentable. Bon. Sauf la fois où j’ai loupé mon réveil, que j’ai bondi de mon lit à 5h27, que j’ai couru dans la rue en pyjama justement et que c’est avec la trace de l’oreiller fermement imprimée sur la joue droite que j’ai compté mes petits poussins avant de les jeter dans la voiture pendant qu’ils rigolaient doucement… Mais sinon, j’essaye d’être un peu présentable.

Donc, le mardi matin, je me lève à 5h, je suis au bureau à 5h15 et à 5h30, j’agite mon bras pour dire au-revoir-bon-voyage-à-bientôt à la fournée du jour.

Pis voilà. Il est 5h32, je referme le bureau et je rentre à la maison. Et je pourrais me recoucher aussi sec et redormir une bonne heure. Sauf que non. Maintenant, je suis bien réveillée. Alors faut que je trouve quelque chose à faire pour m’occuper. Mais silencieusement parce que les autres dorment encore. Enfin tous les autres sauf le chat. Qui croit que puisque je suis debout, c’est que c’est l’heure de manger. Et qui traîne donc dans mes pattes en miaulant. Et comme j’ai un cœur de pierre…

Une fois que j’ai donné à manger au chat, il est 5h40. Faut toujours que je trouve un truc à faire. Alors je m’enferme dans la cuisine et je fais ce que je fais toujours quand je m’ennuie un peu : je fais des gâteaux.

Mais faire des gâteaux au Congo c’est bien différent de ce que je peux faire à la maison. Déjà, la moitié des ingrédients est introuvable. La moindre plaquette de beurre coûte 10 dollars, la farine de blé est en rupture de stock 3 semaines sur 4 et y a pas moyen de trouver une tablette de chocolat digne de ce nom à moins de vendre un rein. C’est compliqué.

Ce qui n’est pas compliqué en revanche, c’est de trouver des poudres à gâteaux toutes prêtes. Bizarrement, ça, y en a presque tout le temps au supermarché. Et à des prix presque abordables en plus. Alors je les teste. Une par une. Mais ma préférée, c’est celle pour faire des brioches aux pépites de chocolat. En plus, si je me débrouille bien, elles sont juste cuites à 7h. Et quand je pose sur la table du petit dej une plaque entière de brioches au chocolat toutes chaudes, dans les petits yeux encore tout collés de mes colocs, c’est comme si j’étais la déesse du mardi matin. Ça vaudrait presque le coup de se lever à 5h les autres jours. Enfin… faut pas pousser, hein, non plus…

La fois où je me suis prise pour Bono, Mick Jagger et les Beatles réunis

Ça fait 3 semaines que je tourne en rond à Lubumbashi. 3 semaines. Ça n’a l’air de rien comme ça et en plus on pourrait se dire : « Non mais elle est rigolote celle-là, elle est payée à rien faire et elle se plaint en plus ! » Et bah ouais. Je suis rigolote et je vous suggère d’essayer de passer 3 semaines à rien faire de vos journées quand tout le monde autour de vous bosse de 8h à 20h. Vous allez vous retrouver à faire des gâteaux tous les matins et lire le seul livre de la bibliothèque tous les après-midis. On verra bien si vous trouvez pas le temps long…

Tout ça pour dire qu’après 3 semaines, ça y est, l’heure du départ a sonné. Aujourd’hui, je remonte dans l’avion direction Malemba. Et là, cher lecteur, tu te dis : « Malemba ? Mais pourquoi faire ? Je croyais que tout était plié à Malemba ! » Et je réponds : « Félicitations ! Tu as bien suivi ! Mais figure-toi qu’il n’y a pas d’aéroport à Lwamba ! » Bon. Certes, qualifier la piste de Malemba d’aéroport, c’est légèrement complètement exagéré mais ne compliquons pas l’histoire dès maintenant. Toujours est-il que pour aller à Lwamba, il faut donc passer par Malemba. Et de Malemba, il faudra encore une demi-journée de voiture. Bah quoi, c’est au moins à 100kms !

J’ai donc refait mon sac avec allégresse et ce matin, je trépigne d’impatience. Mais on ne décolle pas avant midi. Je trépigne donc en silence pour pas énerver tout le monde. Des fois qu’il en reste que je n’ai pas déjà énervés au cours des 21 jours précédents. Je trépigne d’autant plus que je vais rester quelques jours à Malemba. Parce qu’en fait, on a gardé un petit bout de base qui sert de stock et d’hébergement aux gens qui sont en transit entre Malemba, Lwamba et Mukanga. Et que ce petit bout de base est géré par mes copains chauffeurs et que ça me fait bien plaisir de les retrouver.

On finit par y aller. Je remonte d’abord dans le gros coucou qui vole jusqu’à Manono puis dans le tout petit coucou qui me ramène chez moi. Quoi ? Malemba c’est un peu chez moi. D’ailleurs, les gens présents à l’aéroport ce joli jeudi de juillet ne s’y trompent pas. Quand je m’extirpe de l’avion, la foule en délire se met à hurler mon nom. « Anne Li-seuh ! Anne Lis-euh ! » J’te jure… Lennon et Mc Cartney en descendant de leur jet à Paris en 1964, ils ont pas eu le quart de la moitié de mon succès. Les enfants se jettent sur moi, les adultes viennent me serrer la main, Papa P., le responsable de l’aéroport, m’embrasse comme du bon pain…

Là, vous vous dîtes : « Ca y est, on l’a perdue, elle se prend pour Bono, elle va commencer à mettre des lunettes jaunes et se raser le crâne… » Mais je vous rassure. Si la foule m’acclame, c’est pas pour mon talent. C’est parce que tout le monde sait que c’est moi qui ait la clé du coffre. Alors faut raison et cheveux garder et relativiser un peu.

On a beau me promettre que mon élection à la députation est gagnée d’avance, je crains que mes éventuels électeurs n’aient des cœurs d’artichauts. Et que la prochaine Muzungu qui paiera les salaires en dollars sonnants et trébuchants aura, elle aussi, toutes ses chances…

Tant pis pour les lunettes jaunes ! Je suis pourtant sûre que ça m’irait super bien…

Caribu sana !!!

Aujourd’hui, ça y est ! C’est enfin le départ pour Malemba ! Depuis bientôt un mois que j’ai arrêté de travailler, c’est précisément le jour que j’attendais. Après la formation et toute cette tartine de théorie, c’est enfin le moment de passer à l’action !

Et l’action commence à l’aéroport de Lubumbashi. Le vol UNHAS (United Nation for Humanitarian Air Service) qui doit nous emmener à destination ne nous autorise que 20kg de bagages tout compris. Evidemment, à Paris, on m’a dit que j’avais droit à 23kg de bagages en soute plus un bagage cabine. Et même si mon sac n’était pas plein, j’ai déjà pas loin de 25kg à moi toute seule. En plus, bien sûr, on me demande d’apporter 2 ou 3 trucs pour l’équipe à Malemba : 2 ordinateurs, des câbles divers et variés… bref, je dépasse allègrement les 20kg autorisés… Heureusement, Papa J. avec qui je voyage et qui sera mon assistant, n’a qu’un tout petit sac. Petit mais rempli. A nous 2, on a 15kg d’excédent. Et visiblement, les types qui contrôlent l’embarquement ne sont pas décidés à fermer les yeux. Bon. Aux grands maux les grands remèdes. Me voilà à déballer tout mon sac sur la grande balance et à essayer de juger de quoi je vais pouvoir me passer pendant les prochains jours… Je retire d’abord toute ma réserve de shampoings, dentifrices et savons des 3 prochains mois. Hop ! Moins 4kg ! Je confie ma précieuse cargaison au chauffeur qui nous a accompagnés. Il mettra mon petit colis dans une des voitures qui doit partir demain et qui atteindra Malemba d’ici une semaine. Je devrais pouvoir survivre d’ici là… Je continue à chercher ce que je pourrais bien retirer de mon sac mais soyons honnêtes, il n’est pas question de retirer le kilo de bonbons Haribo ni le kilo de tablettes de Côte d’Or (déjà fondu d’ailleurs) qui sont censés me garantir l’amitié éternelle de mes nouveaux copains de brousse ! Au bout de plusieurs minutes et devant mon désarroi évident, les contrôleurs décident que finalement, 10kg d’excédent, c’est pas si grave et je remballe mon sac en 8 secondes (faudrait pas qu’ils changent d’avis, hein !).

On patiente ensuite dans la salle d’attente… enfin, sous une tente sinistre sans fenêtre où il fait facilement 40°C et où les chats entrent et sortent comme s’ils pensaient trouver ici quelque chose de plus intéressant que sur le tarmac. Je suis toujours déconcertée par le nombre de gens (et de chats donc) qui se promènent librement n’importe où dans cet aéroport… Par contre, nos sacs ont été passés scrupuleusement aux rayons X. Va comprendre… Une chaîne d’infos tourne en boucle sur un écran dans un coin. Je repense aux dernières instructions que F. m’a données ce matin. Le projet rougeole à Malemba a maintenant démarré depuis 15 jours. L’équipe sur place est venue des 4 coins du Congo et n’est pas encore au complet. Jusqu’à présent, personne n’a pris en charge la partie administrative. Il y a donc vraisemblablement tout un tas de factures qui m’attendent là-bas. Tout le monde a l’air de penser que je vais être sous l’eau mais j’ai encore du mal à voir pourquoi. Clairement, toute la théorie qui est entrée dans mon oreille droite au début du mois est déjà ressortie par l’oreille gauche. Moi, ce qui m’inquiète, c’est la gestion de la caisse et faire en sorte que tous les chiffres concordent.

On embarque enfin. Dans un petit coucou. 20 places, pas de séparation entre le cockpit et les passagers. La copilote, une petite blondinette qui ne parle qu’anglais, nous demande d’attacher nos ceintures et nous informe que nous avons à peu près 1 heure de vol jusqu’à Manono. Là, nous devrons changer d’avion pour atteindre Malemba. C’est que ça se mérite d’aller se paumer dans la brousse ! Depuis les airs, je ne vois qu’une immense étendue verte, quelques collines et une ou deux grosses flaques d’eau de temps en temps. L’aéroport de Manono, enfin… l’aéroport… l’aérodrome, enfin… l’aérodrome… la piste n’est qu’un ruban de graviers perdu au milieu de nulle part. Je n’ai même pas vu la ville qui est censée être derrière. A peine le temps de descendre de l’avion, de récupérer nous-même nos sacs dans le ventre de l’avion, de les jeter dans les bras d’un autre pilote et de se glisser sous l’aile de l’avion suivant et nous revoilà dans les airs. Cette fois, ce n’est plus un coucou, c’est une libellule… 8 places, le plafond à 12cm de nos têtes et une altitude maximale de 250m (tout du moins c’est l’impression qu’on a). A peine 25 minutes plus tard, l’avion se pose sur une piste que je n’ai même pas aperçu avant d’avoir le nez dessus. Je reconsidère aussitôt mon jugement sur l’aérodrome de Manono : là, je me demande si un lion ne va pas surgir des hautes herbes… Du coup, je pousse Papa J. devant moi : si quelqu’un doit se faire bouffer dans les 4 premières minutes, je préfère ne pas être volontaire !

A peine le nez dehors, j’ai l’impression d’être dans un four. Il  est  presque  15h  et  il  fait facilement 7 000°C. Au bord de la piste, il y a un genre de hangar : une dizaine de pylônes en brique sur lesquels sont posées quelques tôles dont certaines menacent de tomber ou l’ont déjà fait. A l’ombre de cet abri de fortune, une bonne vingtaine d’adultes et une cinquantaine d’enfants. Et une jeep. Et devant la jeep, JG. JG, c’est le chef de mission MSF. C’est lui qui chapeaute normalement toutes les missions en RDC. Exceptionnellement, il est à Malemba le temps qu’on trouve la personne qui sera RT. Responsable Terrain. Et comment je l’ai reconnu ? Facile, c’est le seul blanc et il est adossé à la jeep MSF. Il me présente les autres membres de l’équipe venus nous chercher. En fait, ils ne sont que 3. Les autres personnes présentes ne sont venues que pour voir l’avion et éventuellement ses passagers. Et en effet, les enfants commencent à s’agglutiner autour de nous. Silencieux mais ouvrant de grands yeux et courant se cacher dès que je les regarde de trop près. On décharge nos sacs qui sont aussitôt transportés dans la jeep, JG et le pilote échangent quelques mots, l’avion redécolle et on part jeter un œil à la piste. « On » nous a demandé d’entretenir la piste c’est-à-dire de la débroussailler. La piste fait 6m de large sur 1200m de long. Ça fait un paquet d’herbes à couper au ciseau… Je ne comprends pas très bien pourquoi c’est à nous de faire ça mais tout le monde regarde la piste d’un air entendu… Moi, je sue à grosses gouttes et je me demande bien qui a allumé le chauffage…

JG propose de nous ramener à la base pour manger un morceau avant de nous faire visiter les lieux. Oui, on dit pas « la maison », on dit « la base ». Tout le monde grimpe dans la jeep et en route ! Enfin en route… y a pas de route, y a que des sentiers de terre battue parfois couverts de sable. On passe un croisement et JG annonce « Ça, c’est le rond-point du centre-ville ! » Ah… Le long du chemin, il y a des maisons en terre, en briques, des poules qui traversent suivies d’une armée de poussins, quelques chèvres qui essayent de brouter 3 brins d’herbe, des femmes qui portent des tas de trucs sur leurs têtes, des hommes qui discutent en petits groupes, des enfants qui jouent dans le sable… Je suis en pleine carte postale.

La base, c’est officiellement un hôtel. Alors un hôtel ici, ça veut dire que c’est une quinzaine de chambres (4 murs en brique, un faux plafond en bambou recouvert de tôles, un lit, une moustiquaire… that’s it !) autour d’une grande cour avec une paillotte au milieu, sous laquelle se trouve une table avec une dizaine de chaises autour. Dans un coin de la cour, le bloc sanitaire : les toilettes (2 trous dans le sol et une bassine d’eau avec un pichet) et les douches (3 petites cabines en brique avec d’improbables bacs à douche dont les évacuations partent dieu sait où). Ici, pas d’électricité et pas d’eau courante. Seulement un générateur qui fonctionne de 18 à 22h et 3 grandes citernes remplies d’eau qu’on va chercher à la pompe. L’eau doit être filtrée pour être potable. Elle est tiède. Et je découvre alors ce qui va constituer mes repas des prochaines semaines : riz, poisson grillé, sombe (feuilles de manioc pilées et bouillies) et bucari, une espèce de boule blanche de farine de maïs bouillie sans sel. Le décor est planté, me voici à la maison.

Après ce premier festin, direction le bureau. On remonte dans la jeep et on repart. Les mêmes sentiers de terre défoncés et quelques kilomètres plus loin, le « bureau ». Hum hum… Alors… bon… bah… c’est un bâtiment dans un état de délabrement avancé mais clairement moins avancé que les autres trucs autour, avec plusieurs pièces dont certaines bizarrement imbriquées les unes dans les autres, avec des trous béants dans le plafond qui laissent apercevoir des chauves-souris accrochées à la charpente et en guise de bureau, 2 tables, 2 chaises et… c’est tout ! Wow… rappelez-moi de ne plus jamais me plaindre de l’aménagement de mon bureau ! Bon, en fait, comme personne ne bossait vraiment dans un bureau jusqu’à maintenant, ils n’ont prévu d’aménager la partie « administration » que demain. Il y a d’autres bâtiments autour du premier. Une partie de l’équipe dort ici, tout le monde ne tient pas à la base, on est trop nombreux. C’est aussi ici qu’est installée la chaîne de froid (une dizaine de congélateurs posés sur des palettes en bois) nécessaire à la conservation des vaccins qui devraient arriver dans quelques jours. Ici aussi, l’électricité ne provient que du générateur et il n’y a pas d’eau courante. En fait, je réalise que c’est la ville entière qui n’a ni électricité ni eau courante.

On repart ensuite pour l’hôpital. La jeep slalome entre des ruines. J’apprends que ce ne sont pas des ruines. C’est l’hôpital. Et derrière ces fenêtres sans vitres et ces murs croulants, il y a de vrais malades. Et de vraies femmes qui accouchent. Et mes yeux s’écarquillent malgré moi d’incrédulité et, aussi, un peu d’horreur… Bon, ce n’est pas là que travaillent les équipes MSF. Nous, on travaille au CTR. Centre de Traitement de la Rougeole. Le CTR est isolé du reste de l’hôpital à cause de la contagiosité de la maladie. Derrière une clôture en bambou se dressent donc les 2 bâtiments dans lesquels nous travaillons : les soins intensifs et l’hospitalisation. JG est très fier de me montrer le bâtiment qui a été retapé par nos soins et dans lequel viennent tout juste de s’installer les soins intensifs. Là, c’est comme à la télé… sous le toit en chaume, 4 murs percés de fenêtres couvertes de moustiquaires, 20 lits en fer sur lesquels flottent de minces matelas, parfois 2 enfants par lit, tous plus mal en point les uns que les autres, leurs parents assis près d’eux. L’un des enfants, minuscule, a un masque à oxygène et on voit ses petites côtes se soulever à un rythme effréné. L’odeur qui flotte ici est un mélange d’éther, d’urine et de crotte de chauve-souris. Au milieu de tout ça, j’aperçois E., stéthoscope vissé sur les oreilles. Clairement, les médecins et infirmiers ont du boulot par-dessus la tête. On se fait un petit geste de la main et elle retourne à ses patients. Tout le monde me dévisage, les regards des parents sont terribles : incompréhension, peur, défiance, souffrance, je ne sais pas trop. Dehors, les lavandières nettoient les couvertures et les moustiquaires. Toujours sans eau courante. De grandes citernes à l’entrée du bâtiment servent de lave-mains. Hallucinant…

On passe ensuite au service d’hospitalisation. C’est là que les enfants se requinquent en sortant des soins intensifs. Le côté positif de la Force. Ici, devant le bâtiment, les mamans font la cuisine sur de petits braseros sous lesquels rougeoient des braises, les enfants jouent en prenant leur bain dans des bassines et leurs petits bras maigrichons ne sont plus criblés de perfusion. Ici aussi, le taux d’occupation des lits est supérieur à 100%. Mais comment faire autrement ? La rougeole, associée au paludisme ou à la malnutrition sévère qui sévissent aussi furieusement dans les parages, est visiblement extrêmement virulente. Et on ne peut clairement pas entasser plus de lits qu’il n’y en a déjà.

Depuis 15 jours, le CTR a accueilli près de 350 patients. Et pour l’instant, on compte entre 8 et 12 décès par semaine. Plusieurs raisons : le manque de personnel, le manque de médicaments, les complications créées par le palu et la malnutrition extrêmement difficiles à traiter mais surtout, l’arrivée trop tardive des petits patients. Aussi incroyable que ça puisse paraître, certains pasteurs, prédicateurs ou marabouts interdisent aux familles d’amener leurs enfants malades à l’hôpital et les confinent dans des salles de prière. Certains meurent donc là-bas. Ou s’ils nous arrivent, il est parfois impossible de faire quoi que ce soit.

Le tableau n’est pas réjouissant. Et lancer la campagne de vaccination est donc plus qu’urgent. Une fois la campagne terminée, on devrait voir tomber d’un coup le nombre d’admissions à l’hôpital dans les 2 semaines suivantes. La motivation de toute l’équipe ne fait aucun doute. Restent à régler quelques soucis administratifs pour que les vaccins arrivent à Malemba. Des histoires de numéros de lot, une validation à obtenir à Kinshasa,… on espère en venir à bout très vite.

En attendant, pour cette première soirée, je retrouve toute l’équipe autour du bucari et du sombe, le tout arrosé d’une petite bière en provenance directe de Lubumbashi. C’est qu’on ne m’a pas confié que des cartons de matériels… et il est tout aussi important de s’occuper du moral des troupes !!! Et tout le monde nous souhaite donc CARIBU SANA !!! Bienvenue en RDC et surtout, BIENVENUE A MALEMBA !!!

This is the End…

Hold your breath and count to ten

Feel the earth move and then

Hear my heart burst again…

So.

This is it comme on dit.

Aujourd’hui c’est le dernier jour. Le dernier jour de ce truc un peu dingue que j’ai commencé il y a 15 mois. Ce soir, je monterai dans l’avion une dernière fois, je sortirai mon passeport une dernière fois et je regarderai s’éteindre dans les nuages les lumières de cette aventure qui m’a transportée depuis le premier jour.

Comme tous les derniers jours, celui-là apporte son lot de dernières fois.

La dernière fois que je me réveille in the city.

La dernière fois que je fais mon sac.

La dernière fois que je plante mes dents dans mon everything bagel.

La dernière fois que je me rince les oreilles à coup de sirènes, de klaxons, d’annonces incompréhensibles dans le métro, d’aboiements furieux de chihuahuas et d’éclats de rire le long de la 5th Avenue.

La dernière fois que je fixe à m’en brûler les yeux la skyline comme si je pouvais me la graver sur la rétine, pour de bon.

La dernière fois que je traverse le Brooklyn Bridge. Sous la neige aujourd’hui.

La dernière fois que je me colle des pépites de chocolat jusqu’au milieu des joues en dévorant un cookie de chez Bouchon Bakery.

La dernière fois que je joue à cache-cache avec les écureuils dans Central Park.

Alors ce soir, quand je claque la porte derrière moi et descend les quelques marches du perron, j’ai mal au ventre. Il neige. Les voitures roulent au ralenti et les trottoirs sont déjà tout blancs. Mes sacs me scient les épaules. C’est à contre-cœur que je valide une dernière fois ma Metrocard et quelques minutes plus tard, j’ai déjà quitté Manhattan. Le charme de l’aéroport opère tout de même un peu. J’adooore les aéroports. Ces avions qui emmènent des gens vers des destinations inconnues, qui en ramènent « à la maison », toutes ces émotions mélangées, je pourrais me droguer à ça. J’observe tous ces gens qui se croisent, se frôlent, ne se connaissent pas mais sont plein d’espoirs. C’est ça un aéroport : une grosse bulle d’espoirs. Ca y est, j’ai passé la sécurité, je suis techniquement « hors du territoire américain ». Je me dirige lentement vers la salle d’embarquement que je repère de loin : un troupeau de gens qui parlent fort et qui râlent… des Français ! Ca faisait un bon moment que j’en avais pas vu autant en même temps ! Et ça fait moyen plaisir tout de même… En traînant des pieds dans le couloir, j’entends deux personnes discuter derrière moi. Deux mecs, entre 20 et 30 ans. Avec cette si jolie façon de parler du 9-3 que, pour le coup, je n’ai vraiment pas entendu depuis une éternité. Je souris.

Je m’installe dans l’avion. Il est loin d’être plein et si on me laissait faire, y aurait encore une place libre supplémentaire. Je colle mon nez au hublot. Il est froid. La neige s’est transformée en pluie et le petit bonhomme sur le tarmac est tout engoncé dans sa capuche. L’avion se met à rouler doucement sur la piste et prend sa place dans la file d’attente pour le décollage. « PNC aux portes… ». L’avion tremble, la terre s’éloigne, les lumières de New York se font de plus en plus petites puis disparaissent derrière les nuages…

C’était la dernière fois.

Oh, évidemment, on peut raisonnablement se dire que ça n’est pas vraiment la dernière fois. New York ne va pas disparaître et moi non plus. Mais quand même. Je peux pas dire que ça ne me fait rien. On peut même dire que j’ai les boules. Grave.

Parce que non. J’ai pas envie de rentrer. Vraiment pas. Tellement pas. Je voudrais continuer à découvrir, avancer, me perdre, revenir, apprendre, essayer, défier, apprécier, profiter, prendre le temps. Enfin, soyons honnête, qui ne voudrait pas de ça ? Sauf que dans la vie, bah… on fait pas toujours ce qu’on a envie !

Bien sûr, j’aurais pu me débrouiller pour ne pas avoir à rentrer. Je n’ai pas fait ce choix là pour l’instant. Et puis quand même, revoir tout le monde, les potes, la famille… c’est plutôt sympa comme perspective en fait. Non, le vrai problème ou tout du moins la véritable appréhension, c’est pour après. Après l’inévitable phase d’euphorie des premières semaines viendra le temps où le soufflé retombera. Lentement mais sûrement. Et là… inch’allah !

Dans la poignée de la crêpière…

La Panhandle. C’est comme ça que les Américains appellent le petit bout de la Floride qui longe le Golfe du Mexique. Enfin, petit, petit, pas tant que ça !

Mais reprenons. Après un solide petit déjeuner à l’américaine comme on les aime (œufs, bacon, buttermilk biscuit, grits (un gruau de maïs… ), céréales, toasts, bagels…), on se roule jusqu’à la voiture. Aujourd’hui, on file toujours plus à l’ouest, direction Pensacola, notre dernière étape floridienne.

Mais avant ça, on commence par le Grayton Beach State Park. Le long du Golfe du Mexique s’élève une barrière de dunes d’un sable plus blanc que blanc, et derrière ces dunes se trouve un lac d’eau douce. Il n’y a que 2 lacs d’eau douce pris au piège dans des barrières de dunes au monde : un en Afrique du Sud et l’autre ici. Nous voilà donc partis pour une petite promenade qui, sur le papier, semble plus que facile. Dans la vraie vie, il en va tout autrement. Déjà, ça fait 2 jours qu’il pleut des hallebardes : par endroits, le chemin n’est plus qu’une gigantesque flaque d’eau et Dieu sait si, pour certains d’entre nous, marcher dans les flaques est loin d’être une chose aisée… Et ensuite, ce même sentier est censé nous conduire jusqu’à la plage. Or, on a beau chercher, aucun embranchement ne nous fait passer de l’autre côté des dunes. On finira donc par suivre des empreintes « hors sentier » (oui, y avait un panneau « Ne pas marcher sur les dunes » mais bon, on va pas rester coincés à tourner en rond pendant des heures alors qu’il y a clairement d’autres gens qui l’ont fait avant nous !) et rallier discrètement la plage. Pour nous remettre de nos émotions (ouh la la… marcher pieds nus dans des flaques… je sais pas si toute le monde va s’en remettre…), on pique-nique devant le lac et on partage même nos miettes avec un énorme rat une grosse musaraigne toute mignonne…

Encore quelques kilomètres plus à l’ouest, nous arrivons à la base militaire d’Eglin. C’est une base de l’Air Force. Ici, clairement, ça rigole pas. La base s’étend sur des kilomètres carrés : bien plus grand qu’une ville. Nous, on est venus visiter le musée de l’armement. Non pas qu’on raffole des armes mais c’est assez impressionnant d’être sur cette base et en plus, c’est gratuit. Quand on arrive à proximité du hangar qui sert de musée, on est accueilli par des dizaines d’avions. Des grands, des petits, des avec le nez pointu, des habillés en tenue de camouflage… Ce qui est certain, c’est qu’aucun d’eux n’a jamais servi à transporter des touristes. Que de l’avion de combat. Ou de reconnaissance. Remarquez bien que je ne suis pas tout à fait une experte dans le domaine de l’aviation militaire alors les petits détails m’échappent. Il semblerait que quand tu joues à des jeux vidéos, tu sois bien mieux renseigné. En tout cas, y en a un qu’on repère tout de suite. C’est un grand avion tout noir, tout plat, très allongé qu’on dirait tout droit sorti d’un Star Wars. Un Blackbird, ça s’appelle. C’est un avion de reconnaissance indétectable par les écrans radar. Moi, ça m’impressionne, ça m’a l’air d’être un truc ultra haute technologie supra moderne que tu dois être trop fier de piloter ça quand t’es dans l’Air Force. Mais en fait, pas du tout. Ce truc n’a plus volé depuis 1998 et depuis, on fait bien mieux, tenez le vous pour dit !

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En tout cas, même si le musée n’est pas franchement passionnant (à moins d’être un fan de bombinette en tout genre…), il se trouve qu’aujourd’hui, il s’y déroule une cérémonie de départ à la retraite d’un officier de la base. D’UNE officier plus précisément. Bon, on n’a pas tout compris à qui elle était vraiment et ce qu’elle faisait exactement sur cette base mais on a eu le droit à l’hymne américain la main sur le cœur et le discours super émouvant entrecoupé de sanglots qui disait combien ces 14 années au service de son pays avaient été les plus belles de sa vie. On n’a pas osé s’incruster au buffet après mais y avait un gâteau avec un glaçage dans les tons pastels du plus bel effet…

En repartant d’Eglin, à nouveau, le ciel nous est tombé sur la tête. Et comme d’habitude, pas à moitié. On ne voit plus à 4 mètres, les essuie-glaces à fond balayent le pare-brise mais rien n’y fait : on est obligé de rouler à 30. On finira quand même par arriver à Pensacola. Comme il n’est pas très tard, on en profite pour faire une petite lessive. Et au moment de ranger tout notre linge propre dans la valise, v’là-ti-pas que sort justement de la valise… un monstrueux cafard !! Une prise de karaté-cafard plus tard, le voilà qui disparaît dans la cuvette des toilettes non sans avoir traumatisé certains au passage (ce qui nous vaudra un « Ça sent bizarre, non ? Ça sent pas le cafard ? »). Et pour finir en beauté cette belle journée, on ira engloutir successivement, un burger, des frites de patate douce (notre nouveau péché mignon) et des donuts de chez Krispy Kreme… ah, la gastronomie américaine… y a qu’ça d’vrai !

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Photos ici.

Bienvenue au paradis

Ce dimanche matin quand je me réveille, c’est presqu’en sifflotant. Aujourd’hui, je prends l’avion pour les Galapagos ! Youhou !

Tranquillement, je boucle mon sac, je prends mon petit déj et je confirme à la réception qu’il faudra appeler un taxi à 9h… l’avion est à 11h30, facile, easy, j’ai le temps. J’ai même tellement le temps qu’à 8h45, je checke mes mails et que comme ça, par hasard et juste parce qu’en fait, je l’ai pas fait la veille, je vérifie l’horaire de mon vol… 9h30. Bien. Ne pas paniquer. Prendre une grande inspiration et… sprinter !!

De toute façon, il n’est juste pas envisageable de rater cet avion alors, peu importe la méthode, va falloir se débrouiller. D’un ton parfaitement calme, je demande donc à la réception d’appeler le taxi illico presto. Oui, j’en ai marre d’attendre, finalement, je vais y aller tout de suite. 7 minutes plus tard, le taxi est devant la porte, et à peine le chauffeur a-t’il ouvert sa portière que j’ai déjà claqué la mienne après avoir balancé mon sac dans le coffre. En voiture Simone ! La première bonne nouvelle c’est qu’on est dimanche matin. Le trafic est quasi nul, les chauffeurs de taxi sud-américain roulent comme des cinglés, en 12 minutes, on est à l’aéroport et il est tout juste 9h.

Je sais pas vous mais moi, on m’a toujours dit qu’il faut y être 2 heures avant à l’aéroport. Alors comme ça, là, tout de suite, on pourrait se dire, ouais bah… c’est mort. Et bah non. Je plonge dans la file d’attente réservée à la business class et je me mets à supplier la fille du guichet de me prendre en priorité puisque mon vol décolle dans 30 minutes. Et là, c’est le drame, elle me répond qu’elle est désolée mais qu’ils ont fermé le check-in pour ce vol… C’était sans compter sur mon pouvoir suraigu de chouinage persuasion : avec quelques larmes au coin de l’œil je lui dis : « Mais… c’est pas possible ! Il faut ab-so-lu-ment que je monte dans cet avion… ». Alors, elle hésite un peu et puis elle finit par dire : « Bon… ok, donnez-moi votre passeport et allez faire sceller votre sac là-bas. Et dépêchez-vous ! ». T’inquiète paupiette, je suis à 2 doigts de lui claquer une bise mais j’ai à peine le temps de jeter mon passeport sur son comptoir et je suis déjà devant le scanner. Ah oui. Parce que pour aller aux Galapagos, y a tout un tas de formalités que normalement tu ne fais pas quand tu prends un vol national. Faut faire scanner ta valise, faut qu’un petit monsieur y attache un petit bout de plastique pour que tu ne puisses rien mettre dedans après qu’il ait tout vérifié et faut que tu fasses la queue à un autre guichet pour payer une taxe de 10 dollars. Clairement, j’ai pas le temps d’aller payer cette foutue taxe. Alors la fille du guichet me dit : « Tant pis, c’est pas grave, vous n’aurez qu’à dire que vous avez perdu le papier en arrivant aux Galapagos et avec un peu de chance, ils vous feront payer là-bas sans vous mettre d’amende. » Pas besoin de me le dire 2 fois, je suis déjà en train de courir vers les portiques de sécurité. Là, je jette mon autre sac dans le tube à rayons X, j’arrache ma ceinture (quelle idée d’avoir mis une ceinture ce matin !), je récupère le tout de l’autre côté du tube et je vole littéralement jusqu’à la porte d’embarquement où les derniers passagers sont en train de faire la queue pour monter dans l’avion. Le cœur qui bat à 130 à l’heure, je tends ma carte d’embarquement au steward qui a du mal à comprendre pourquoi je suis hors d’haleine et qui me laisse passer en me souhaitant un bon vol. Ca y est, je l’ai fait, je vais bien prendre cet avion, je suis l’invinciiiiiiible ! Yeeeehaaaa !

C’est au moment de boucler ma ceinture que je réalise que dans la précipitation, j’ai laissé mon chapeau dans le tube à rayons X… Et m*** ! Il n’est évidemment pas question de ressortir pour aller le récupérer, de toute façon, on roule déjà sur le tarmac… Crotte de biquette ! Certes, je suis dans l’avion mais je viens de faire cadeau d’un splendide panama à 40 dollars à l’agent de la sécurité ! Ça m’apprendra à ne pas vérifier l’heure de mon vol la veille…

Deux heures plus tard, sous les nuages, on devine les côtes des Galapagos. Une pluie de confettis éparpillés au beau milieu de l’océan. Mais plutôt sauvages les confettis. Du genre, un tas de petits volcans pelés et désertiques. Brrr… pas accueillant pour un sou.

J’atterris à San Cristobal, le plus à l’est des 2 aéroports de l’archipel. Le plan est d’aller au port et d’embarquer sur le premier ferry à destination de Santa Cruz (oui, j’aurais pu atterrir directement à Santa Cruz mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?). Mais avant de faire quoi que ce soit, il faut d’abord payer la taxe d’entrée aux Galapagos. 100 dollars. Et en cash, je vous prie. Oui, oui. En plus des 10 dollars qu’il fallait payer à Guayaquil. Mettons qu’il y ait en moyenne 150 passagers par avion et que chacun paye 100 dollars en cash… quel est l’âge du capitaine ? Non mais sans blague, ça fait un paquet de billets qui se promènent, non ?

Bref, toujours est-il que j’ai fini par me retrouver au port (enfin, le mot embarcadère conviendrait mieux) et que là, j’ai réalisé que j’avais beau être dans la capitale de l’archipel, on était dimanche matin et que tout était fermé. Et comble du bizarre, il n’y avait qu’un seul ferry dans la journée et il ne partait pas avant 15h. J’avais donc 4 belles heures devant moi à poireauter sur un banc en esquivant les lions de mer qui venaient se réchauffer sur les pavés. 4 heures, c’est long. Surtout quand il commence à faire faim. J’ai bien pensé à bouffer un iguane qui passait par là mais le problème aux Galapagos, c’est que t’as pas le droit de toucher à un cheveu de la moindre bestiole. Parc national oblige… Et puis le ferry est arrivé (un petit hors-bord, contenance maxi 30 personnes), on est monté dedans (moi et les rares pékins encore vivants en cette belle journée) et on est parti pour Santa Cruz. 2 heures à fond les ballons dans l’océan démonté à se prendre des paquets de mer en pleine face… Gé-nial… Je suis trempée jusqu’à la petite culotte et finalement, heureusement que j’avais rien mangé.

Et enfin, presque 10 heures après avoir quitté précipitamment Guayaquil, j’ai pu poser mon paquetage à l’hôtel à Puerto Ayora, LA ville de Santa Cruz. Et je suis aussitôt ressortie pour 1/ trouver quelque chose à me mettre sous la dent, 2/ commencer la tournée des agences de voyage pour dénicher une petite croisière en lastminute pas cher… Parce que c’est ce qu’on fait ici. Des croisières. Tout simplement parce que sur la quinzaine d’îles de l’archipel, seules 3 sont habitées. Pour aller voir ce qu’il se passe sur les autres, faut donc embarquer à bord d’un des 65 bateaux autorisés à naviguer dans les eaux de l’archipel. Oh ! Et quand je dis « pas cher », j’me comprends… Ici, le moindre hostel est à 20 dollars la nuit (contre 10 sur le continent) et une croisière pas chère veut dire qu’il faut compter environ 130 dollars par jour. Autant dire que les backpackers ne courent pas les rues. Cela étant dit, je finis par trouver une agence qui semble sérieuse et aux tarifs raisonnables mais en ce début de soirée, on n’arrive pas à se mettre d’accord sur l’itinéraire. En voyageant seule, j’ai toutes les chances de pouvoir profiter des annulations de dernière minute et d’obtenir de bons tarifs. Qu’à cela ne tienne, de toute façon, je réfléchis mal l’estomac vide et puis j’ai pas prévu de partir avant 2 jours, j’ai donc le temps.

Le lendemain matin, je retourne à l’agence. Cette fois, le gérant me trouve un itinéraire qui a l’air très intéressant (pleins d’animaux à aller chatouiller, des volcans, des petits poissons et des grosses baleines au menu) et après négociation, je m’en sors pour 900 dollars pour 5 jours / 6 nuits. Oui, je sais, vous avez failli tomber de votre chaise… Figurez-vous que si j’avais réservé cette croisière depuis Quito, j’aurais payé plus du double. C’est ça qui fait tomber de sa chaise… Le hic, c’est que le départ est prévu le soir même et qu’il faut donc que je négocie avec l’hôtel de décaler ma réservation pour la nuit prochaine et que je trouve 900 dollars en cash en moins de 3 heures (non, rien de chez rien ne se paye en carte bleue ici…). Heureusement, la vie est bien faite. Il se trouve que si tu te pointes au guichet de la banque avec ta carte bleue et ton passeport, ils peuvent te donner des montants faramineux en petites coupures… Petites coupures que tu t’empresses d’aller filer à ton agence de voyage et hop ! la boucle est bouclée ! En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, tu t’es soulagé de 900 dollars.

Quand je repasse pour payer, le guide naturaliste de la croisière (obligatoire pour toute excursion dans le parc) est là. Il me dit que puisque je ne fais rien cet après-midi, je n’ai qu’à venir à la visite des hautes terres de Santa Cruz. Et allez, c’est cadeau, c’est gratuit ! Du coup, j’ai à peine le temps de repasser à l’hôtel, de préparer mes affaires, de reporter la nuit déjà réservée à la semaine suivante et de revenir à l’agence pour sauter dans un taxi où m’attend déjà Maya, israélienne et préparateur physique dans l’armée (non, elle rigole pas), une de mes colocs de bateau de la semaine à venir. On nous dit qu’on va aller avec un autre guide et un autre groupe, on comprend pas tout mais on suit. On se retrouve donc avec toute une famille américaine (3 générations, la casquette rivée au front… amaaaazing !) à patauger dans la bouillasse à la recherche de tortues géantes, à ramper six pieds sous terre dans des tunnels de lave et à contempler d’immenses trous sans fond à s’en donner le tournis. En fin d’après-midi, on quitte nos Américains (sooooo nice to meet you !) et on retourne en ville où après avoir récupéré nos sacs, on fait la connaissance du reste de notre groupe et on embarque enfin sur notre yacht… Estrella de Mar qu’il s’appelle. Ca fait rêver, non ? En attendant, on découvre notre nouvelle maison. Plutôt une bonne surprise, les cabines ne sont pas trop microscopiques, la salle à manger est belle et on n’est que 8 alors que le bateau est dimensionné pour 16. On nous explique alors que finalement, on va retourner dîner en ville parce que… parce que quoi, d’ailleurs ? on sait pas, on comprend pas, c’est pas clair, mais en tout cas, on repart donc dans l’autre sens. Et après un festin de riz, de haricots et de poulet, on remonte à bord. L’équipage nous conseille d’avaler des pilules contre le mal de mer. C’est vrai qu’on n’est pas encore en mer et pourtant, le bateau tangue bien comme il faut… Cette nuit, on fait route vers Sombrero Chino, un îlot au sud de l’île de Santiago. C’est donc bercés par la houle et par le ronronnement des moteurs qu’on s’endort tout en s’éloignant de Santa Cruz

estrella de mar

Love…

Exciting and new…

Come aboard…

We’re expecting youuuuuu…

Photos ici.

Lost in translation

Ce matin, quand le réveil sonne, je sais que j’ai une longue journée devant moi. Loooooongue. Ma journée à moi, aujourd’hui, elle va durer 41 heures. Notez bien ça : le 30 avril 2013 aura duré 41 heures…

En fait, depuis le début de ce voyage, je saute d’un fuseau horaire à l’autre sans trop m’affoler. J’en étais quand même arrivée à avoir 10 heures d’avance sur vous, là-bas, à la maison. Quand vous alliez vous coucher, j’étais en train de prendre mon petit-déj du lendemain. Et au Chili, c’est l’extrême inverse qui m’attend : 6 heures de retard sur vous, j’irai me coucher quand vos réveils vous tireront de vos couettes (à peu de choses près).

Bref, tout ça pour dire qu’aujourd’hui, pendant que vous vieillirez selon le cours normal du temps, je rajeunirai de 17 heures…

Voilà le programme : aujourd’hui, après un premier vol ChristchurchAuckland prévu à 10h30, je vais monter dans l’avion pour Santiago à 16h. Après 12 heures de vol, j’atterrirai à Santiago du Chili et il sera… 11h du matin mais toujours le 30 avril. Je vais monter dans la DeLorean, Philéas Fogg n’a qu’à bien se tenir !

Bien. Sauf que. Comme d’habitude, tout ne se passe pas exactement comme prévu. Quand j’arrive à l’aéroport de Christchurch, mon vol est retardé. De 3 heures !!! Ce qui ne va me laisser plus qu’une heure pour récupérer mon sac, changer de terminal, ré-enregistrer mon sac et grimper dans l’avion suivant. Jouable mais risqué. D’autant plus risqué que le vol AucklandSantiago fait partie du Round The World ticket et que si je le loupe, ça annule tous les suivants (et évidemment, il n’est pas question de remboursement). Alors, je prends mon air le plus aimable et détendu et je m’approche du guichet. Là, il y a une petite dame, très gentille, à qui je demande si elle sûre, SÛRE, SÛRE DE CHEZ SÛRE que le vol ne va pas être encore plus retardé. Evidemment, elle ne sait pas, elle ne peut pas me garantir que tout va se passer comme prévu vu que ça déconne déjà. Je lui explique que j’ai une connexion à faire, moi et qu’il faut absolument que je sois dans ce deuxième avion, no matter what. Alors comme elle est très gentille, elle me dit qu’il faut que je patiente un peu mais qu’elle peut peut-être me transférer sur un autre vol qui va partir dans 1 heure… T’inquiète que j’ai été sage comme une image ! Je me suis assise sur mon sac juste devant son guichet et j’ai même pas cligné des paupières pendant la demi-heure suivante. Et quand elle m’a fait signe de venir la voir, j’ai bondi et je lui aurais presque claqué 2 bises bien sonores si on n’avait pas été séparées par le comptoir.

Bon, mon nouveau vol prévu à 9h05 n’est parti qu’une heure plus tard mais peu importe. J’étais à Auckland, dans le bon terminal, les yeux fixés sur l’écran qui affichait le vol pour Santiago. Un seul vol pour l’Amérique du sud sur toute la journée, y avait donc vraiment pas moyen de ne pas monter dedans. Sauf que du coup, j’étais tellement en avance que l’enregistrement des bagages n’était même pas ouvert. J’ai donc encore poireauté par terre, assise sur mon sac pendant 2 bonnes heures avant de pouvoir me débarrasser de mon paquetage de 21kgs. 21kgs ! Parce que oui, on en est là maintenant ! Le plus étrange, c’est que je n’ai pas prévu de me séparer de grand-chose dans les semaines qui viennent…

Bref, il était temps d’accomplir mon rituel d’adieu et de dévorer un bon gros burger bien gras chez mon ami McDo avant d’aller faire la sieste patienter dans la salle d’embarquement. C’est là que ça a commencé. D’abord tout doucement. Juste une dame qui est venue me demander si… hablas español ? Ouh, mon dieu, non ! Pas un mot, ma bonne dame ! Et après, c’est devenu un festival. Les hôtesses qui font les annonces en espagnol, tous les passagers qui papotent en espagnol, les consignes de sécurité en espagnol, les films même pas sous-titrés en espagnol… j’ai pas encore quitté la Nouvelle-Zélande que je m’y crois déjà. Et je ne comprends rien. Je ne comprends même pas que l’hôtesse me propose des raviolis au fromage ou un poulet aux champignons… L’enfer… Allez, un vaso de vino blanco por favor ! Va bien me falloir ça !

12 heures plus tard, après avoir survolé rien de moins que la Cordillère des Andes (les Andes !!! non, mais sans blague, c’est pas le Massif Central, hein ! Les Andes !!!) et traversé le nuage de pollution qui recouvre la vallée, me voilà à Santiago. Une heure plus tard, je mets enfin le nez hors de l’aéroport et je me remplis les poumons de l’air de ce nouveau continent… et j’éternue ! Wow, fini l’air pur et le ciel bleu fluo, bonjour les gaz d’échappement et le ciel blanc (on voit même pas les montagnes autour et pourtant, elles sont vraiment pas loin). Biologiquement, pour moi, il est 4h du matin. En vrai, il est midi, pas question de dormir avant un bon moment. Alors, attaquons Santiago !

Photos ici.

Qui veut gagner des miles ?

C’est donc avec le cœur un peu serré que je suis montée dans ce premier avion direction Londres… Le premier d’une longue série avant d’entendre à nouveau « Bienvenue à Paris. La température extérieure est de -15°C, il fait gris et les gens râlent… mais c’est normal ! »
Bon, pas la peine de faire la maline, c’est pas si simple ce départ et peut-être encore moins que ce à quoi je m’attendais mais en tout cas, voilà, c’est parti ! En route pour 461 jours de voyage, à moi le monde !!

Une heure plus tard… « Welcome to London Heathrow. La température extérieure est de 10°C et il pleut… » WTF !

La journée va être longue : 5 heures d’escale à Londres puis 6 heures à Delhi… A l’embarquement pour Delhi, c’est une sorte de bande-annonce : plein de jolies indiennes en sari multicolores et de très chouettes messieurs à moustaches avec des turbans…

Sept heures et demi plus tard… « Welcome to Delhi. Blablabla… »

Et c’est le premier contact avec l’Inde ! Je récupère mon sac comme une fleur (qui l’eut cru ?) et me voici lancée pour me réenregistrer au terminal des vols domestiques. Visiblement, ils sont un peu fâchés avec les panneaux les Indiens… Je monte donc 2 fois à l’étage des départs où des gardes armés me répondent monosyllabiquement en dodelinant de la tête et en me regardant fixement mais je ne suis pas plus avancée ! Il fait 100 000°C, le taux d’humidité doit friser les 80% et il n’est que 7h du matin !! Finalement, un garde ayant pitié de moi plus gentil que les autres m’explique que je dois prendre un bus pour me rendre au terminal des vols domestiques. La navette est affichée à 7h20, la suivante à 7h40, elle part donc à… 7H30 ! That’s India !

Pour l’instant, on ne peut pas dire que je sois confrontée à la circulation indienne, la vraie. Les rues sont quasi-désertes et le chauffeur du bus ne klaxonne que toutes les 10 secondes.

J’arrive finalement au bon terminal (notons tout de même que le bus me dépose devant les arrivées et non devant les départs et que je dois retraverser tout l’aérogare…) et après mon premier petit déjeuner indien (Heu… One masala dosa ? Please ?), je me mets à compter les heures… Les décollages et atterrissages se suivent et se ressemblent… Mumbai… Thiruvananthapuram (Trivandrum pour les feignasses comme moi qui ne savent pas prononcer les mots de plus de 4 syllabes)…

Vers 17h heure locale soit 13h30 heure de Paris soit plus de 28 heures après quitter la maison et après avoir parcouru près de 11300kms… « Welcome to Trivandrum !!! »

Enfin, je suis debout devant le tapis à bagages et je trépigne… C’est que la route n’est pas finie ma bonne dame ! J’attrape mon sac (qui a dit que c’était le chaos en Inde ?), je manque m’écrouler par terre quand je me retrouve avec mes 23kgs sur les épaules, et je me lance à l’assaut du guichet des pre-paid taxispour filer à la gare routière.

Somme toute, c’est assez facile et malgré les propositions insistantes du chauffeur qui voudrait m’emmener directement jusqu’à Kanyakumari pour la modique somme de 1300 roupies (20€ for the record), je reste ferme et je débarque à la gare routière.

En fait, je me retrouve sur un bout de trottoir avec plein d’indiens qui attendent le bus et là, première surprise, aucune destination n’est écrite en alphabet lisible par le commun des mortels (moi, en l’occurrence) mais en hindi ou un tamoul… Heureusement, il y a un très gentil monsieur moustachu derrière son guichet qui me rassure : « Kanyakumari ? Yes ! It’s coming ! ». Bon, it’s coming on sait pas vraiment quand mais it’s coming… Et pendant que je prends mon mal en patience (j’en suis à la 31èmeheure de voyage…), deuxième surprise, je constate que les bus ne « s’arrêtent » pas vraiment devant mon bout de trottoir mais ralentissent et les gens montent en courant dedans et s’entassent comme ils peuvent dans les bus déjà surchargés… Grimper dans un bus en courant avec mes 2 énormes sacs va être sport…

Bref, je vous passe les détails mais je réussis à monter dans le bon bus qui par miracle s’est gentiment garé devant le trottoir et visiblement la destination n’est pas très courue vu le peu de monde qui prend place à bord.

Mais ça y est ! Je suis dans un bus indien ! Pas d’amortisseurs, pas de fenêtres, 2 klaxons différents que le chauffeur presse de façon totalement hystérique et cette délicieuse moiteur qui enveloppe le tout !! Je jubile !

Il me faudra tout de même 3 heures pour parcourir les 80 derniers kilomètres et retrouver, plus poisseuse que jamais, F. et P. au Maadhini Hotel. Enfin, le bout de l’Inde, le bout de la route, le bout du monde !

Photos ici.