C’est mardi matin. Il est 5h, Paris s’éveille à quelques milliers de kilomètres de là et moi aussi. Le réveil chantonne doucement sur l’oreiller à côté de moi et je frotte mes petits yeux encore plein de sommeil. Première pensée : « J’ai pas envie d’y aller. »
Mais d’aller où, me direz-vous, à c’t’heure ? Ben… au bureau.
A 5h ??!! Ben… oui…
Aujourd’hui, c’est mardi. Et comme tous les mardis, il faut que je m’assure que tous les passagers du vol MSF sont bien là, à l’heure, et avec tous les papiers qu’il faut. Et comme l’avion décolle à 7h, il faut quitter la base à 5h30 dernier carat. Après quoi, le flightco décline toute responsabilité quant au fait que les passagers monteraient effectivement dans le coucou et arriveraient effectivement à destination. Et comme je ne veux pas que les gens nous traînent dans les pattes pendant les 3 jours suivants ratent leur avion, je bats donc le rappel des troupes dès 5h15.
Je suis donc bien obligée de sortir de mon lit, de me passer un peu d’eau sur le visage, de me brosser les dents et d’enfiler autre chose que mon pyjama pour être vaguement présentable. Bon. Sauf la fois où j’ai loupé mon réveil, que j’ai bondi de mon lit à 5h27, que j’ai couru dans la rue en pyjama justement et que c’est avec la trace de l’oreiller fermement imprimée sur la joue droite que j’ai compté mes petits poussins avant de les jeter dans la voiture pendant qu’ils rigolaient doucement… Mais sinon, j’essaye d’être un peu présentable.
Donc, le mardi matin, je me lève à 5h, je suis au bureau à 5h15 et à 5h30, j’agite mon bras pour dire au-revoir-bon-voyage-à-bientôt à la fournée du jour.
Pis voilà. Il est 5h32, je referme le bureau et je rentre à la maison. Et je pourrais me recoucher aussi sec et redormir une bonne heure. Sauf que non. Maintenant, je suis bien réveillée. Alors faut que je trouve quelque chose à faire pour m’occuper. Mais silencieusement parce que les autres dorment encore. Enfin tous les autres sauf le chat. Qui croit que puisque je suis debout, c’est que c’est l’heure de manger. Et qui traîne donc dans mes pattes en miaulant. Et comme j’ai un cœur de pierre…
Une fois que j’ai donné à manger au chat, il est 5h40. Faut toujours que je trouve un truc à faire. Alors je m’enferme dans la cuisine et je fais ce que je fais toujours quand je m’ennuie un peu : je fais des gâteaux.
Mais faire des gâteaux au Congo c’est bien différent de ce que je peux faire à la maison. Déjà, la moitié des ingrédients est introuvable. La moindre plaquette de beurre coûte 10 dollars, la farine de blé est en rupture de stock 3 semaines sur 4 et y a pas moyen de trouver une tablette de chocolat digne de ce nom à moins de vendre un rein. C’est compliqué.
Ce qui n’est pas compliqué en revanche, c’est de trouver des poudres à gâteaux toutes prêtes. Bizarrement, ça, y en a presque tout le temps au supermarché. Et à des prix presque abordables en plus. Alors je les teste. Une par une. Mais ma préférée, c’est celle pour faire des brioches aux pépites de chocolat. En plus, si je me débrouille bien, elles sont juste cuites à 7h. Et quand je pose sur la table du petit dej une plaque entière de brioches au chocolat toutes chaudes, dans les petits yeux encore tout collés de mes colocs, c’est comme si j’étais la déesse du mardi matin. Ça vaudrait presque le coup de se lever à 5h les autres jours. Enfin… faut pas pousser, hein, non plus…