Chers lecteurs, il est grand temps pour nous de découvrir l’Equateur. Certes, vous avez tous déjà entendu parler de ce petit pays parce qu’il a la bonne idée de se trouver sur l’équateur mais à part ça, que savez-vous réellement de l’Equateur ?
… Rien ! C’est bien ce que je pensais. Et bah moi non plus figurez-vous ! Alors culturons nous un peu ensemble, voulez-vous ?
L’histoire moderne du pays commence avec l’empire inca. Jusqu’au début du XVème siècle, les Incas se cantonnaient au Pérou et plus précisément à la région de Cuzco. Et on ne parlait pas vraiment d’empire inca à cette époque. Et puis, un beau matin, l’Inca Pachacuti décida qu’il était grand temps de soumettre ses petits voisins et vlan ! il entra en guerre contre les tribus alentours. C’était le début de l’Empire… Au moment d’arriver en Equateur, Pachacuti était déjà mort et c’était son successeur, Tupac Yupanqui, qui menait les troupes. Mais les tribus équatoriennes ne se laissèrent pas faire et opposèrent une résistance farouche. Il fallut donc plusieurs années à Tupac pour imposer sa loi, ce qu’il finit par faire lors d’une bataille où les Incas massacrèrent des milliers de Caras (la tribu du coin) qu’ils jetèrent dans un lac près d’Otovalo (un peu au nord de l’actuelle Quito), dont les eaux, dit-on, devinrent rouges. Le lac prit le nom de Yaguarcocha, le lac de sang… Sympa !
Pendant les années où il était occupé à guerroyer dans le nord, Tupac eut un fils avec une princesse équatorienne qu’il prénomma Huayna Capac (pas facile à porter tous les jours mais bon, on choisit pas son prénom). Huayna grandit en Equateur et succéda à son père sur le trône de l’empire inca. Comme on choisit pas non plus sa famille, Huayna dût passer sa vie à aller réprimer des révoltes d’un bout à l’autre de l’empire. Quand il avait le temps, il se mariait, ce qui lui valût d’avoir 2 fils : Atahualpa qui grandit à Quito et Huascar élevé à Cuzco. Apparemment, il a eu 2 fois le temps…
A sa mort en 1526, les derniers mots de Huyana furent : « Argh… je divise mon empire entre mes 2 fils qui régneront chacun de leur côté… argh… » Il n’eût pas le temps d’ajouter : « Hey ! C’était une blague ! » et hop ! l’empire inca fût divisé. Evidemment, les 2 frères ne l’entendaient pas de cette oreille et commencèrent à se crêper les tresses (oui, les incas portaient des tresses, pas des chignons, du coup, on peut pas dire qu’ils se crêpaient le chignon). Et ceci coïncida avec l’arrivée d’étranges hommes barbus et montés sur des chevaux dans le nord du pays… Hum, hum… mais qui cela peut-il donc bien être ? Malheureusement, les 2 excités capillaires ne s’inquiétèrent pas vraiment de l’arrivée de ces nouveaux venus et se lancèrent dans une guerre civile qui déchira l’empire et se solda par la victoire d’Atahualpa en 1532.
Les Incas étaient donc un peu à bout de souffle quand Pizarro et ses troupes décidèrent de s’emparer de leur empire. Ces cavaliers en armure munis d’armes à feu furent assimilés à des dieux et malgré leur faible nombre, terrifièrent les populations locales. Fin 1532, une rencontre au sommet devait réunir Pizarro et Atahualpa qui était prêt à négocier pour avoir la paix. Mais quand il arriva, précédé de sa suite, les conquistadors massacrèrent tout le monde et le prirent en otage, exigeant une rançon pour sa libération.
D’incalculables quantités d’or, d’argent et de tout un tas d’autres trucs furent alors acheminées vers Cajamarca, au Pérou, où était retenu l’empereur. Mais après paiement de la rançon, ces petits traîtres de conquistadors lui firent un simulacre de procès et le condamnèrent à mort après l’avoir accusé d’inceste, de polygamie, d’idolâtrie et de crime comme le roi pour faire bonne mesure. Ils le décapitèrent le 29 août 1533 et poursuivirent leur chemin jusqu’à Cuzco. Un des généraux d’Atahualpa, le loyal Rumiñahui, poursuivit la lutte contre les envahisseurs pendant 2 ans. Il était si chagriné qu’on lui ait décapité son empereur qu’il aurait mis à mort un émissaire espagnol en brisant tous les os de son squelette puis en les extrayant de la dépouille par un petit trou avant de tendre sa peau, tête et organes génitaux intacts, pour en faire un tambour… Qui a dit que les Incas n’étaient pas des gens raffinés ?
Quand Sebastian de Benalcazar entra finalement dans Quito fin 1534, il trouva la cité rasée car Runiñahui avait préféré la détruire plutôt que de la voir tomber aux mains des conquistadors. C’était le dernier coup d’éclat du brave (et raffiné) Rumiñahui qui fût capturé et tué en janvier 1535. Quito rejaillit de ses cendres et en 1540, Pizarro nomma à sa tête son frère Gonzalo. L’Equateur n’était alors qu’une simple province du vice-royaume du Pérou. Mais en 1563, elle accéda à un statut plus important en devenant l’Audiencia de Quito et fût finalement transférée au vice-royaume de Colombie. Et ce fût de la temps de la paix pendant plusieurs siècles…
La première tentative sérieuse pour libérer l’Equateur fût menée par un groupe de partisans conduit par Juan Pio Montufar le 10 août 1809. Il parvint à prendre Quito où il installa un gouvernement qui dura seulement 24 jours, les troupes royalistes fidèles à l’Espagne sonnant immédiatement la fin de la récré.
Le véritable héros de l’indépendance fut Simon Bolivar, le libérateur vénézuélien (et pas bolivien, hein, bien sûr !) qui, partant de Caracas (oui, c’est au Venezuela), libéra la Colombie en 1819 et continua sa marche vers l’Equateur. Il fallut près de 2 ans pour que l’Equateur se libère totalement du pouvoir espagnol. La bataille décisive eût lieu le 24 mai 1822 quand le maréchal Antonio José de Sucre vainquit les royalistes et prit Quito. Bolivar vit alors son rêve d’union de tout le sud du continent américain prendre forme. Le Venezuela, la Colombie et l’Equateur ne formèrent plus qu’une nation indépendante : la Grande-Colombie. Cette utopie dura 8 ans puis hop ! chacun reprit ses clics et ses clacs et l’Equateur devint complètement indépendant en 1830.
Après l’indépendance, le cœur de l’Equateur balança entre libéraux et conservateurs pendant des années, comme la plupart des pays d’Amérique latine. La lutte entre ces partis atteignit souvent des sommets de violence et président devint un métier à risques. En 1875, le président Garcia Moreno, dictateur conservateur soutenu par l’Eglise, fut assassiné à la machette devant le palais présidentiel (on n’est pas les petits-enfants des Incas pour rien !). En 1912, le président libéral Eloy Alfaro fut tué et brûlé par la foule conservatrice de Quito. Et puis, lentement mais sûrement, l’équilibre finit par se faire entre en les conservateurs de Quito au nord et les libéraux de Guayaquil au sud. Durant l’essentiel du XXème siècle, la sphère politique se caractérisa par son instabilité mais l’Equateur ne connut pas les effusions de sang ni la violence des coups d’état dont souffrirent d’autres pays du continent. Il y eut pourtant presqu’autant de gouvernements militaires que civils : le président José Maria Velasco Ibarra fut élu 5 fois entre 1934 et 1972 mais ne termina pas un seul de ses mandats, étant démis par l’armée. Il ne fut pas le seul : entre 1930 et 1940, 17 présidents différents arrivèrent au pouvoir mais pas un seul ne parvint au terme de son mandat.
Jusqu’en 1970, l’Equateur était ce qu’on appelle une république bananière : ce fruit était quasiment la seule exportation du pays et sa seule richesse. En 1950, une maladie ayant décimé les plantations d’Amérique centrale, l’Equateur devint même le premier producteur mondial de bananes avec des exportations passant de 2 à 20 millions de dollars entre 1948 et 1952. Et en 1967, on découvrit du pétrole dans la jungle d’Oriente, à l’est du pays. Alors là, c’est l’emballement. Dès 1973, l’exportation des barils avait largement dépassé celle des bananes et en 1980, elle représentait plus de la moitié des revenus d’exportation. Mais curieusement, ces revenus ne tombaient pas dans la poche du petit peuple qui continuait à vivre dans la misère…
La fin des années 80 et le début des années 90 furent marquées par les luttes perpétuelles entre libéraux et conservateurs émaillées de quelques scandales de corruption bien placés. Les Equatoriens firent également quelques choix électoraux intéressants avec notamment l’élection à la présidence de Abdala Bucaram dit El Loco (le Fou) qui, après avoir fait campagne en chantant sur scène et en récitant des discours enflammés ponctués de jurons, se mit à parader dans les discothèques la nuit pendant qu’il dévaluait la monnaie le jour (tiens, tiens… cela nous rappelerait-il quelqu’un ? Noooon… faut pas pousser quand même !). Il fut déclaré « mentalement inapte » par le Congrès qui le destitua. Quelques temps plus tard, ce sont les nerfs du président Jamil Mahuad qui furent mis à rude épreuve. Les conséquences d’El Niño et le recul du marché du pétrole en 1997 projetèrent l’économie du pays dans une spirale infernale. En 1999, les exportations de crevettes chutèrent de 80% à la suite d’une épizootie (c’est une épidémie mais chez les animaux) qui décima les élevages. Et pof ! plus de crevettes ! L’inflation dépassa alors les 60%, battant tous les records d’Amérique latine (et pourtant, y avait de la concurrence !) et le président prit des mesures drastiques : le sucre, la monnaie équatorienne, bien trop instable, fut remplacé par le dollar américain après toute une série de grèves, de manifestations et, au passage, la démission de Mahuad. Alors qu’un an plus tôt, le dollar s’échangeait à 6 000 sucres, la population fut obligée d’acheter ses nouveaux dollars à 25 000 sucres, s’appauvrissant considérablement.
Le début du XXIème siècle vit défiler pas moins de 3 présidents en moins 8 ans (faut ce qui faut), tous remerciés les uns après les autres à la suite de larges mouvements de grève provoqués par les mesures d’austérité dictées par le FMI (tiens, tiens, tiens… ça aussi, ça me rappelle quelque chose…). En 2005, Alfredo Palacio, nommé par le Congrès, nouveau venu en politique et se définissant comme « simple médecin », se concentra sur les problèmes sociaux que son prédécesseur avait négligés. Afin de financer des programmes de santé et d’éducation et de relancer l’économie, Palacio annonça qu’il allait réaffecter les profits du pétrole au paiement de la dette extérieure. La part des revenus gouvernementaux sur le pétrole brut est alors passée de 13 à 87%. Son ministre des Finances et acteur principal de cette réforme, Rafael Correa fut ensuite élu lui-même à la présidence en 2006 et d’ailleurs, il y est toujours.
Rafael Correa lança un train de réformes après son élection. Une nouvelle Constitution, votée en 2008, a jeté les bases d’un modèle social qui a augmenté les dépenses en faveur de la santé et des démunis, accordé plus de droits aux Indiens, renforcé la protection de l’environnement et même autorisé le mariage civil homosexuel (décidément…). Ainsi, plus de 5 500kms de route ont été construits ou réparés, 300 000 personnes ont pu bénéficier d’un nouveau programme d’aide aux handicapés et le taux de pauvreté a baissé de 9% entre 2006 et 2011. Tout ça grâce à l’argent du pétrole. Le pétrole qui, justement, est devenu un sujet brûlant en Equateur. Notamment depuis qu’un tribunal a condamné en 2011 la compagnie américaine Chevron à une amende de 18 milliards de dollars pour avoir déversé des millions de litres de déchets toxiques dans la jungle équatorienne entre 1972 et 1992. Par ailleurs, le Parque Nacional Yasuni, un secteur vierge de l’Amazonie, renferme d’immenses réserves pétrolières que le gouvernement souhaite laisser inexploitées. Le président Correa a proposé à des investisseurs étrangers soucieux de leur image la bonne santé de la planète de rassembler une somme équivalent à la moitié de la valeur estimée de ces réserves sur une période de 13 ans et de consacrer ces fonds aux énergies alternatives, aux programmes sociaux et aux infrastructures essentielles telles que les écoles et les hôpitaux.
Malgré toutes ces bonnes actions (j’en connais un qui s’est acheté des points de karma bonus !), Correa est la cible de critiques et a même été brièvement pris en otage lors d’une mutinerie de policiers. Autre sujet d’inquiétude, le manque de diversification de l’économie : tant que le prix du baril est à la hausse, tout va bien. Mais s’il devait chuter de manière significative, quid des ambitieux programmes sociaux équatoriens ?
Alors voilà. Tout ça a l’air tout à fait intéressant et puisqu’à moi, l’Equateur a autorisé l’entrée sur son territoire sans promesse d’extradition, je vais donc de ce pas voir à quoi ça ressemble. En voiture Simone, direction Quito !