Malemba… c’est fini… et dire que c’était la ville de ma première vacci…

Ça y est.

Après 2 mois tout pile dans la champestre bourgade de Malemba, il est désormais temps de faire son paquetage. La vacci, c’est fini, il n’y a plus qu’une petite dizaine de patients à l’hôpital et l’équipe s’est déjà réduite comme une peau de chagrin. Il ne nous reste qu’à annoncer officiellement le jour de fermeture du centre de traitement. Après concertation, ce sera le 30 juin. Le fait que ce soit également le jour de la fête nationale n’est que pure coïncidence.

Depuis quelques jours donc, on fait les cartons. On prépare également le grand déménagement. Parce que la rougeole a décidé d’aller voir ailleurs si on y était et qu’on compte bien y être. On va donc l’attaquer sur deux fronts simultanément. Les deux fronts sont respectivement Mukanga et Lwamba, deux zones de santé autour de Malemba.

C’est Mukanga va ouvrir les hostilités en premier. Mukanga, c’est de l’autre côté. De toute façon, c’est pas compliqué, tout est de l’autre côté. Chaque fois que tu demandes « Et ça ? C’est où ? », on te répond invariablement «De l’autre côté… ». De l’autre côté, très bien, mais de l’autre côté de quoi ? De l’autre côté du lac dans ce cas. Deux heures de pirogue ou 12 heures de piste. Au choix. On choisit donc de tout charger sur des barques. Des barquettes plutôt. Faut donc faire fabriquer des caisses en bois pour promener nos congélos et autres générateurs monstres sans risque. La base se remet donc à fourmiller. Ça scie, ça cloue, ça range, ça emballe, ça scotche, ça étiquette… Moi pendant ce temps, j’essaye de payer mes dernières factures, mes derniers journaliers, préparer mes derniers salaires. Tout doit être soldé avant de partir et le départ est prévu dès le 1er juillet, faut donc pas traîner.

J’ai un peu de mal à réaliser que je vais quitter Malemba. Depuis 2 mois maintenant, c’est chez moi. Y a ma maison, ma chambre, mon bureau, ma chauve-souris qui se suspend maintenant carrément au-dessus de ma tête, mon hôpital, mon petit vendeur de tissus, mon bar, les gens qui me reconnaissent partout où je vais… toute cette petite routine qui s’est installée tout doucement sans que j’y fasse trop attention et que je vais bientôt quitter pour probablement ne plus jamais y revenir. Ça fait un peu bizarre.

Tout le monde sait qu’on s’en va. C’est pas une surprise, tous les contrats de travail s’arrêtent au 30 juin. Mais depuis quelques jours, tout le monde vient nous voir avec des airs de conspirateur pour savoir quand exactement on sera à Mukanga. C’est que tout le monde veut continuer à travailler avec nous là-bas et essaye de plaider sa cause. Sauf que… Sauf qu’à Mukanga, y a le chef Kayumba. Et que le chef Kayumba, il nous a déjà prévenus : si on veut pas avoir de problèmes, vaudrait mieux qu’on embauche les gens de Mukanga et pas qu’on déboule avec notre armée de chauffeurs, gardiens et autres. Même si on les aime bien. Et même si on sait qu’à Mukanga qui est un trou encore plus paumé que Malemba, on va avoir du mal à trouver des infirmiers compétents. Bon, nous, des problèmes, on n’en veut pas. Alors on va jouer le jeu. On va essayer de recruter le plus localement possible. On fait donc passer le message à tout le monde : on n’emmènera personne avec nous mais si les gens veulent venir tenter leur chance à Mukanga, on examinera leurs candidatures comme celles de tous les autres.

Puis y a ceux qui commencent à demander : « Non mais toi, tu vas à Mukanga ou bien à Lwamba ? Non parce que moi, je veux aller là où tu vas. » Et bien ça mon p’tit bonhomme, c’est une bonne question. En fait, jusqu’à la semaine dernière, je devais aller à Mukanga. Mais ça vient de changer. Finalement, y a un autre « admin » qui est arrivé et c’est lui qui va aller ouvrir le projet. Moi, je vais rentrer gentiment à Lubumbashi et attendre patiemment qu’on me réexpédie à Lwamba. Combien de temps ? Nul ne sait… Va falloir constituer l’équipe, préparer le matériel nécessaire et transporter le tout sur place. Ça risque donc de prendre quelques jours. D’autant plus que là, tout le monde s’occupe d’abord de Mukanga alors…

Bon, de toute façon, pour l’instant, j’ai tellement de paperasses à trier, classer, tamponner, signer, ranger que je me préoccupe pas tellement de ce qui vient ensuite. En ce 30 juin, nous remettons donc les clés de l’hôpital au Médecin Chef de Zone. Les clés, les patients restants et quelques cartons de médicaments pour assurer le traitement des derniers cas. Pour ça, on a organisé une cérémonie officielle. Tout ce que l’administration de Malemba compte de directeurs, de chefs de cabinet, d’administrateurs généraux et autres titres ronflants est là. Assis sur des petits bancs en bois à l’ombre du manguier, on écoute poliment les discours de remerciements des uns et des autres. La Société Civile remercie MSF d’être intervenu pour aider le Ministère de la Santé à gérer cette épidémie, la Zone de Santé remercie MSF d’avoir envoyé autant d’équipes pour les aider à prendre en charge les patients et vacciner les enfants, MSF remercie tout le monde pour leur précieuse coopération et moi je pense « Précieuse ? Au sens financier du terme ouais… »

Et puis la nuit tombe, je commence à émerger de mon tas de factures, mes cartons se remplissent et mon bureau se vide. Au loin j’entends les sifflets, la musique, les gens qui chantent. Moi je n’en ai finalement rien vu mais c’est pas un jour ordinaire le 30 juin. C’est la fête de l’Indépendance. Et les gens fêtent. Vraiment.

Je jette un dernier coup d’œil à mon bureau, je verrouille le cadenas, je monte dans la voiture… ça y est, Malemba, c’est fini. Ma première mission, mon premier projet. Terminé, au suivant ! J’ai à peine dit au revoir à ceux que je ne reverrai plus, les gardiens, les cuisinières, tous ceux qui sont devenus pourtant si familiers en si peu de temps…

Je jette mes affaires dans mon sac rapidement et je file rejoindre le reste de l’équipe pour boire une dernière bière dans notre bar… Ce soir c’est bondé, les gens dansent, chantent, ils ont clairement commencé la soirée bien bien avant moi… On ne sait plus bien ce que l’on célèbre : la fin de la mission, l’Indépendance…

Sur le chemin du retour, je contemple une dernière fois le ciel étoilé de Malemba. Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la savane, je grimperai dans la jeep et je retournerai à Lubumbashi. Malemba me manque déjà.

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