Stoned in Paouadise

Voilà. C’est fini. Encore une fois.

J’ai replié mes affaires, enlevé les quelques photos punaisées sur le mur, refait mon sac, éliminé toute trace de mon passage à Paoua. Toute ? Non ! Dans un coin, je laisse une petite marque qui résistera encore et toujours à l’envahisseur. Enfin, jusqu’à ce que quelqu’un décide de refaire la peinture…

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On a fait la fête l’autre soir avec tous les staffs pour marquer le coup. Très cérémonieux comme toujours dans ces cas-là… Le grand cercle de chaises dans la cour devant le bureau, les gens qui arrivent au compte-goutte et sur leur 31… Quand tout le monde est assis, on commence par les discours. « De Paoua, à Paoua, pour Paoua… ». On applaudit. On offre des petits cadeaux couleurs locales. On remercie. Puis c’est l’heure de manger. Il y a quelques jours, on a acheté deux chèvres. Elles sont restées attachées à un arbre à brouter de rares brins d’herbe. Ce matin, on les a tuées, dépecées et découpées en petit morceaux qui ont mijoté toute la journée. Rien n’a été perdu. Soupe d’abats, tête de cabri bouillie, même la peau a été récupérée par un des gardiens. Dans un coin de la cour, on a mis des tables sur lesquelles sont posées les immenses marmites et les seaux remplis de pains de manioc… Sagement, tout le monde fait la queue pour recevoir sa part puis retourne à sa place. Pendant un moment, on entendrait presque que le bruit des mandibules qui mastiquent consciencieusement. Certains distribuent les boissons. « Castel ou sucré ? ». On se relève pour jeter son assiette son carton et se laver les mains. Et enfin, on danse. Les uns contre les autres, les uns avec les autres, on transpire, on rit, on prend plein de photos toutes plus floues les unes que les autres, on prend des poses, on rit encore… Puis tout le monde repart. Il n’est pas très tard mais personne n’aime marcher dans les rues désertes à la nuit noire…

J’ai rendu le téléphone, l’ordinateur et les clés. J’erre un peu sans but maintenant. J’attends l’avion qui me ramène à Bangui. J’essaye de prendre des photographies mentales de ces lieux qui ont été mon univers pendant les six derniers mois. Je fixe les objets, les gens à m’en brûler les rétines. Je pense déjà à la suite. L’été qui vient est chargé. Comme si j’avais peur du vide, j’ai planifié soigneusement les douze prochaines semaines. A peine le temps de souffler et encore moins de vider ses valises. La vie est courte et j’ai tellement de choses à faire, voir, expérimenter, tenter… On dormira quand on sera mort.

La voiture arrive enfin. Faut y aller. C’est l’heure. On jette mes sacs à l’arrière et je grimpe sur le siège avant. Le cuir est brûlant comme d’habitude. Une dernière fois, j’attrape la radio : « La 38 quitte ta position direction aéro, 3 pax à bord… » « Bien copié ! Bon voyage Alpha Delta ! » Mince, y a un grain de sable sous ma paupière je crois…

L’avion apparaît à l’autre bout du ciel. Un éclat métallique dans le bleu immaculé. Il se pose en soulevant un tourbillon de sable et vient s’arrêter juste devant nous. On le décharge d’abord. Je ne sais pas trop quoi faire : dire au-revoir maintenant, attendre encore un peu… Puis le pilote fait signe : faut monter. Alors on se prend dans les bras, on s’embrasse, on se promet de s’écrire, de s’envoyer des photos, de se voir à Paris ou ailleurs… Et puis la porte de l’avion se ferme et le brouhaha extérieur disparaît sous le ronronnement des moteurs. Par le hublot, je les vois tous, les mains sur les yeux pour se protéger du soleil qui éblouit. Et tandis que l’avion se met à rouler sur la petite piste en latérite pour prendre son élan, j’agite ma main pour dire au-revoir encore une fois. Et on décolle…

Je reste un peu stonedfrom Paouadise… et dans ma tête tourne en boucle…

I want you
We can bring it on the floor
Never danced like this before
We don’t talk about it
Dancing on, do the boogie all night long
Stoned in paradise
Shouldn’t talk about it

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