101 000

101 000. C’est le nombre d’enfants entre 6 mois et 10 ans qu’on a réussi à vacciner en 15 jours. Ou 10 plutôt. Ouais. C’est énorme. Et comme je pense qu’il y a peu de chance qu’il y ait parmi vous beaucoup de spécialistes de la campagne de vaccination, je vais vous raconter un peu comment on arrive à mettre en place une logistique de malade pour atteindre cet objectif. Et puis je vais surtout vous raconter tous les trucs rigolos behind the scene

D’abord, pour pouvoir faire une campagne de vaccination, faut des vaccins. Ça a l’air un peu bête dit comme ça mais c’est pas si simple.

Des vaccins, au Congo, y en a. C’est même MSF Belgique qui les garde bien au chaud. Enfin non. Bien au frais, c’est meilleur pour des vaccins. Mais pour pouvoir les utiliser, faut que le Ministre aille les voir, qu’il les retourne dans tous les sens, qu’il vérifie les numéros de lots puis qu’il hoche la tête d’un air entendu. Ensuite, c’est au tour du Responsable du PEV (Programme Elargi de Vaccination) qui est le monsieur en charge de la vaccination de toute la population. Après lui, y a encore le Médecin Chef de Province (le Katanga en ce qui nous concerne), puis le Médecin Chef de District (le Haut Lomami encore en ce qui nous concerne), puis le Médecin Chef de Zone (celle de Malemba Nkulu toujours en ce qui nous concerne). Une fois que tous ces gens ont pris des mines sévères et concernées et qu’ils ont beaucoup hoché la tête, on achemine les vaccins jusqu’à destination. C’est-à-dire qu’on prend bien soin de les caler dans de grosses glacières qu’on enferme elles-mêmes dans de grosses caisses et on jette le tout dans un petit avion blanc avec de gros stickers MSF sur les flancs. Et c’est comme ça qu’ils se retrouvent par un bel après-midi d’été (ou d’automne, hein, vu qu’ici c’est l’hémisphère sud) sous le soleil non pas de l’Italie mais de Malemba. Ça fait plus d’un mois que l’alerte épidémie a été lancée, certes, mais en terme de délai, c’est pas si mal.

Et puis en attendant nos précieux flacons, on s’est pas franchement tourné les pouces. On a congelé des dizaines et des dizaines d’ice packs. Un ice pack, tu peux aussi appeler ça un accumulateur de froid mais c’est moins classieux. C’est ce petit pavé rectangulaire tout congelé que tu mets dans ta glacière pour qu’il y fasse froid. Et ça, on va en avoir sacrément besoin puisqu’il faut qu’on distribue des vaccins à une cinquantaine de sites dans un rayon de près de 60kms autour de Malemba.

D’ailleurs, des sites, il y en a tellement qu’on a décidé de s’en occuper en 2 temps. On dit 2 phases quand on est professionnel de la vaccination. D’abord ceux qui sont proches de la ville puis ceux qui sont plus éloignés. Et proche, c’est pas forcément une notion de distance mais aussi d’état de la route et donc de temps de trajet. Et pour chaque « phase », on a découpé le tout en 3 axes. Toujours selon les routes. Enfin les routes… les pistes. L’idée, c’est d’être le plus proche possible de la population pour que le moins d’enfants possible échappent à la vaccination.

Une équipe, c’est 10 personnes. Y a un chef d’équipe, un vaccinateur, deux préparateurs, un pointeur, deux enregistreurs, deux agents de l’ordre et un mobilisateur. Le chef d’équipe, c’est souvent l’IT (Infirmier Titulaire) de l’aire de santé (un regroupement de villages) où se trouve le site de vaccination ou son adjoint. Ce sont eux les patrons du dispensaire local en quelque sorte. Eux, ils supervisent et ils reportent au MCZ, le Médecin Chef de Zone, qui est bien assis dans son bureau à Malemba. On a donc formé les chefs d’équipe au protocole de vaccination (amuse-toi à convoquer des gens qui habitent à 2 jours de route de là pour les asseoir dans une salle surchauffée pendant 8 heures…) puis on leur a ensuite laissé le soin de recruter leur dream team. Le vaccinateur et les préparateurs, ce sont ceux qui vont mettre les aiguilles sur les seringues, remplir les seringues et piquer tous les enfants. Le pointeur et les enregistreurs, ce sont ceux qui font la paperasse, qui distribuent les cartes de vaccination et comptent le nombre d’enfants à l’épaule perforée. Les agents de l’ordre, ce sont ceux qui font mettre la foule en file indienne et empêchent les petits curieux de s’attarder une fois qu’ils sont passés entre les mains du vaccinateur. Et enfin le mobilisateur, c’est celui qui toute la semaine se balade dans les villages en hurlant dans un porte-voix pour prévenir les gens que la campagne de vaccination a lieu. Et il fait pas ça à n’importe quelle heure, non, non. Il fait ça quand il est à peu près sûr que les gens sont chez eux. C’est-à-dire à 5h du mat et à 22h. Oui ma bonne dame… Faut dire qu’il y a tout un tas de raisons qui ne nous viendraient même pas à l’esprit qui font que certains enfants passent à travers les mailles du filet : les parents sont aux champs et puis y a pas de réseau téléphonique ni aucun autre moyen de communication et du coup, les gens qui habitent un peu loin ne sont tout simplement pas au courant.

Bon, les équipes, c’est une chose mais y a aussi tout le matériel. Les seringues, les aiguilles, les containers à aiguille, les solvants, les désinfectants, les cotons, les seaux, les bassines pour se laver les mains, les cartes de vaccinations, les stylos, les cartes de pointage, les tampons encreurs, l’encre… On a embauché des tas de gens pour compter, mettre en sac et dispatcher sous une immense tente toutes les fournitures pour chaque site. Ça fait bien 15 jours que la base grouille de gens qui ne font que ça parfois jusque tard dans la nuit.

Et puis enfin, y a la préparation des sites eux-mêmes. C’est qu’on ne vaccine pas n’importe où n’importe comment. Faut d’abord se trouver un beau manguier à l’ombre duquel les enfants qui attendent leur tour ne vont pas se déshydrater à vue d’œil. Puis faut tendre de la rubalise partout pour délimiter le site, organiser le circuit : entrée, enregistrement, vaccination, pointage, sortie. Alors pendant 2 jours, on a envoyé des gens au fin fond de la brousse sur des taxis motos chargés de piquets, filets, clous, scotch en tous genres…

Bref, les équipes sont prêtes, les sites sont prêts, les vaccins sont dans nos frigos, tout le matériel est dans des sacs de toute taille, on est le mercredi 20 mai, il est 5h, Paris s’éveille et notre machine de guerre se met en branle.

D’abord, c’est une nuée de motards qui s’élancent dans la brume matinale, des porte-vaccins (sorte de petites glacières) solidement arrimés de part et d’autre de leurs engins. Puis les jeeps, où s’entassent les RCW25 (de grosses glacières) remplies à ras bord d’ice packs qui serviront à garantir la chaine de froid pendant les prochains jours. Bon, il se peut qu’on ait un peu oublié de mettre des thermomètres dans les glacières pour contrôler un peu tout ça… Pas de problème, on envoie aussitôt à leurs trousses une deuxième nuée de motards, des thermomètres plein les poches. Et puis soudain… le silence… Après plusieurs jours de frénésie intense où la base résonnait des cris des journaliers qui s’interpellent, des cartons qu’on déchire, des colis qu’on entasse, des générateurs qui tournent à plein régime… plus rien. Ça y est. La campagne est lancée et nous voilà les bras presque ballants à attendre. Attendre quoi ? Attendre que tout le monde rentre.

Et c’est vers 20h, alors que la nuit est tombée depuis longtemps que les premières équipes rentrent à la base. Couverts de poussière et clairement épuisés. Mais cette première journée s’est bien passée. Il a fallu que tout le monde prenne ses marques mais on a piqué des dizaines de milliers d’épaules déjà. Une dernière réunion afin de comptabiliser les résultats de la journée et se coordonner pour le lendemain et tout le monde part se coucher. Il est 23h, le réveil sonne dans moins de 5 heures. La vacci, c’est pas pour les feignasses…

Et c’est comme ça pendant 5 jours. A peine le temps de souffler un peu, de démonter tous les sites puis de les reconstruire dans d’autres villages et hop ! on est repartis pour la deuxième phase !  Et c’est comme ça qu’on vaccine plus de 100 000 enfants en 10 jours. Bon, on admettra que le chiffre doit être considéré avec précaution : entre le pointeur qui met 8 croix sur sa fiche pour un enfant de 8 ans et les IT qui pensent qu’il faut comptabiliser les flacons de vaccin utilisés et non pas les enfants réellement vaccinés, y aurait de quoi y perdre son latin. Ou son kiluba. Mais l’essentiel c’est que tous ces enfants sont maintenant immunisés contre la rougeole et que dans les jours qui viennent, le nombre d’admissions à l’hôpital devrait chuter drastiquement. On est donc crevés mais optimistes. Dans 4 semaines, on devrait avoir mis la rougeole au tapis et on pourra plier bagage.

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AL apprentie millionnaire

Imaginez-vous dans un monde où la carte bleue n’existe pas. Imaginez-vous dans un monde où le chéquier n’existe pas non plus. Imaginez-vous dans un monde où personne n’a jamais en poche plus de 5 euros. Imaginez-vous un monde où vous devez choisir lequel de vos enfants ira à l’école, lequel portera des chaussures et lequel portera un short et l’autre un t-shirt… Bienvenue à Malemba…

J’étais à peine descendue de l’avion que j’avais déjà bien saisi la totale pauvreté dans laquelle vivent les gens ici. Les enfants habillés de chiffons, sans chaussures, les maisons qui ne sont que des cabanes rafistolées, les gens qui ne vivent de rien ou presque, le marché où un œuf est un luxe qu’on ne peut se permettre que pour les grandes occasions, … et par-dessus le marché, cette épidémie de rougeole quand les parents n’ont pas les moyens d’avoir accès aux soins et que de toute façon, les pharmacies n’ont pas les moyens de se fournir en médicaments… Non mais quand t’as la poisse, t’as la poisse…

Dans tout ça, nous voilà, nous, MSF, avec nos jeeps, notre satellite, nos ordinateurs portables, nos cargaisons de médicaments et nos 3 repas par jour. Et en plus de tout ça, voilà qu’on se met à embaucher à tout va. Des infirmiers, des aide-infirmiers, des chauffeurs, des gardiens, des hygiénistes, des cuisinières, des ménagères, des lavandières… En passant, j’apprends que nos lavandières (qui lavent les moustiquaires et les couvertures de l’hôpital) sont payées plus cher que les infirmiers du Ministère de la Santé qui pourtant, travaillent avec nous au sein de l’hôpital. Et encore en plus de tout ça, on a aussi tout un tas de journaliers pour entretenir nos parcelles, réhabiliter nos bâtiments, désherber la piste de l’aéroport et j’en passe. On se met à acheter des milliers de litres de carburants pour faire tourner nos générateurs et remplir nos voitures. On fait une razzia sur tous les clous de la ville pour refaire la charpente de l’hôpital. On fait fabriquer des lits, des chaises, des tabourets, des bancs, des armoires, … En deux temps trois mouvements, on se met à faire circuler chaque semaine dans cette ville plus d’argent qu’elle n’a l’habitude d’en voir en 3 ans.

Et outre le fait qu’on déstabilise allègrement l’économie locale et que malheureusement, on a du mal à en faire profiter tout le monde, on a aussi dévalisé la banque. Enfin la banque… l’agence Western Union qui nous sert de banque. Enfin Western Union… ici ça s’appelle La Colombe. Et même si tout se passe dans une petite maison aux vitres cassées avec une table en plastique et 2 chaises, ça me permet tout de même de récupérer de quoi payer nos fournisseurs.

Car puisqu’il n’y a pas de système bancaire, il faut tout payer cash ! Le gasoil, les journaliers, les courses au marché pour l’hôpital, les matelas, le menuisier… tout ! Et les sommes que je demande à mon nouvel ami G., le gestionnaire de La Colombe, dépassent tout ce qu’il a eu à traiter sur les 12 derniers mois… A tel point qu’il n’arrive plus à me fournir. Lubumbashi a beau mettre à ma disposition les montants que je demande, G. n’est pas mieux ravitaillé par les corbeaux que le reste de la ville. Et le casse-tête commence. Est-ce que je paye les salaires ou le gasoil ? La bouffe ou la charpente ? Les indemnités du Ministère de la Santé ou celles du capitaine du bateau qui nous permet d’atteindre les villages les moins accessibles de la région ?

Toute la ville sait qu’on manipule des millions. Oui. Des millions. Parce que la monnaie ici, c’est le CDF. Le franc congolais. Et un dollar, c’est 900 francs congolais. Ah oui, parce qu’on utilise aussi le dollar quand on a besoin. A Lubumbashi, tu vas au resto, tu payes en dollars. Au marché, en francs congolais. Mais à Malemba, le dollar, ça circule pas beaucoup. Tu payes presque tout en francs congolais. Et en moyenne, je dépense près d’un million et demi de francs par jour…

Ici, pour compter l’argent, on fait des petits paquets de 25 billets. 24 billets qu’on entoure avec le 25ème. Quand on a fait 4 petits tas, on met un élastique autour. Ça fait 100. Et quand on fait 5 tas de 100, on saucissonne le tout avec plein d’élastiques. Et on a une brique. Littéralement. Je deviens donc extrêmement habile en multiples de 25 et je jongle avec les millions comme si j’avais fait ça toute ma vie.

Toute la journée, les gens défilent dans mon bureau que j’ai rebaptisé mon Ministère. Untel pour prendre une avance et aller acheter 10kg de sucre, untel qui a travaillé comme journalier 2 jours la semaine d’avant, untel qui a amené un patient à moto à l’hôpital (oui, nous offrons le transfert à moto aux patients qui viennent de loin afin d’être sûrs que les parents nous amènent leurs enfants et ne les gardent pas chez eux faute de moyens), encore un autre qui vient se faire payer la fourniture de planches, un dernier qui vient m’apporter une facture de poissons… bref je compte des liasses de billets à tour de bras, j’inhale des vapeurs de chauve-souris toute la journée (oui, j’ai fini par me dire que les gens cachent leurs billets dans les nids de chauve-souris puisque tous les billets sans exception puent la chauve-souris) et je rigole bizarrement… La chauve-souris, ça attaque le cerveau à force…

De l’art du recrutement à la congolaise…

En voilà, une sacrée partie de rigolade !!!

En 8 jours, je dois recruter près de 60 personnes. Je commence donc par placarder sur le portail les offres d’emploi. Gardiens, infirmiers, hygiénistes, cuisinières, ménagères, lavandières, chauffeurs, … En 48 heures, je récupère presque 400 dossiers de candidatures que je dépouille méthodiquement. Je découvre les diplômes falsifiés, les lettres de motivation rédigées par les écrivains publics, les délicieuses tournures de phrase du genre « Monsieur, je viens auprès de votre haute personnalité solliciter une place vacante dans votre ministère dont la responsabilité vous est confiée, … ». 48 heures plus tard, j’affiche les listes des heureux élus qui devront se présenter aux entretiens. Et même avec seulement 15 minutes par candidat, ce sont plusieurs jours entiers qui sont consacrés à accueillir, questionner, remercier, expliquer que nous ferons notre choix et que nous afficherons les résultats dans quelques jours. Quelques belles crises de fou rire au milieu de tout ça. Un candidat infirmier à qui on demande « qu’est-ce que la rougeole compliquée ? » nous assénera avec un ton de professeur et le plus sérieusement du monde : « La rougeole compliquée… c’est un cas… qui présente les symptômes de la rougeole compliquée… » Un autre nous apprendra que les personnes de groupe sanguin O+ étaient bien donneurs universels mais que récemment, ça a changé… Un autre encore à qui on demande de décrire des œdèmes ascendants (un des signes de la malnutrition sévère) nous répond : « Ben… ce sont des œdèmes qui ascendent… ? » On rigole mais dans le fond, on réalise qu’on va avoir du mal à trouver du personnel qualifié pour notre hôpital et ça, ça n’est pas drôle. Je me retrouve aussi plusieurs fois à devoir mener des entretiens avec des gens qui ne parlent pas un mot de français. Un des membres de l’équipe me sert alors d’interprète swahili ou kiluba. Le choix des lauréats n’est pas aisé : qu’est-ce qui distingue une cuisinière d’une autre ? Ce sont toutes des mères de famille, toutes ont besoin de travailler, j’essaye de rester impartiale mais mon petit cœur se retourne quand je sais dans quelles conditions tout ce monde vit et qu’ils me supplient de leur donner le poste… Très vite, tout le monde en ville sait que les emplois et l’argent sont dans mes mains. Je ne peux pas faire 30 mètres sans qu’on m’arrête, qu’on plaide la cause d’untel ou d’un autre, qu’on me demande même 50 francs congolais (5 centimes d’euros à peu près) pour acheter à manger, … Les gens ici ne mangent pas à leur faim et être le seul employeur de la ville nous donne un pouvoir immense. Quelque part, j’ai hâte que cette phase de recrutement se termine.

Une fois les lauréats sélectionnés, on passe à la phase de signature des contrats. MSF prend en charge les frais médicaux des personnes à charge de ses agents. Soit une épouse (oui, une seule…) et tous les enfants (de toutes les épouses ce coup-ci). La loi congolaise n’autorise pas la polygamie. MSF non plus du coup. Mais les lois coutumières qui régissent la vie locale sont un peu plus souples… Il n’est donc pas rare d’avoir une épouse officielle et puis une ou deux autres officieusement. Pour pouvoir prendre en charge tous ces enfants, je demande à chacun de m’apporter les certificats de naissance de toute leur smala. Le hic c’est que l’état civil n’existe pas vraiment. Et que personne ne se soucie vraiment de noter les dates de naissance de ses enfants. L’année oui, le mois passe encore mais le jour… A raison de 8 enfants par personne en moyenne, ça fait pourtant un sacré paquet de paperasse à fournir… Je ne récolte qu’une poignée de certificats authentiques. Le reste n’est que photocopie grossièrement falsifiée ou documents antidatés : je me retrouve avec le certificat de naissance d’un enfant né en mars 2015 et pourtant le document est daté de janvier 2014, tous les enfants d’une même famille sont nés le même mois et le même jour (des gens drôlement bien organisés…), certains ne se rappellent plus des noms de tous leurs enfants… Comme ces enfants n’ont pas nécessairement le même nom que leurs parents, il m’est absolument impossible de vérifier que ceux que j’enregistre sont réellement les enfants de mes nouveaux employés et pas ceux de leurs voisins. Je découvre donc l’ampleur du problème de l’administration congolaise (qui ne doit pas être un problème spécifiquement congolais d’ailleurs…). Ma photocopieuse tourne à plein régime et je m’habitue progressivement à l’absurdité de la situation.

Et puis finalement, ça y est. Tout le monde est à son poste, les plannings sont faits, les rotations établies, les contrats signés, le logiciel de gestion des payes mis à jour et les déclarations administratives prêtes à être envoyées à Lubumbashi. Je vais pouvoir commencer à mettre mon nez dans la comptabilité…

Kazungu !!!

Ça fait déjà plus de 2 semaines que je traîne mes tongs à Malemba City. Et déjà la routine s’installe. On n’est pas loin du métro-boulot-dodo. Ça ressemble plutôt à maison-jeep-boulot-jeep-maison-dodo. Le tout sous un soleil de plomb et sans le vague brassage d’air d’un ventilateur à l’horizon. Conséquence : j’apprends à être compter les billets congolais en suant de 8h à 20h. Elégance, distinction, classe…

Vous vous demandez sûrement comment j’occupe mes journées, en quoi ça consiste donc ce fameux job d’ « admin », à quoi ressemble mes soirées au coin du feu (et détendez-vous tout de suite, on ne chante pas « Le lion est mort ce soir » en hurlant au clair de lune…) et comment progressent mes compétences en kiluba. Non, en fait, vous ne vous demandez sûrement rien au sujet du kiluba parce qua priori, comme moi, vous ne saviez pas que dans le coin, les gens ne parlent pas swahili mais kiluba. Mais peu importe ! Voilà donc un petit aperçu de ma nouvelle vie dans la brousse.

Alors, en général, je me lève vers 6h30. Je dis bien, je me lève. Parce qu’en réalité, je suis réveillée depuis 2 bonnes heures. Ou je somnole. J’ai découvert qu’ici, le concept de jour et de nuit est assez aléatoire et celui de tapage nocturne carrément ignoré. Toute la nuit (et la journée donc), des gens chantent, dansent, jouent du tambour, font cracher leurs amplis… Et si par hasard tu as une demi-heure de répit, c’est un coq qui lui aussi a perdu toute notion du temps ou bien un chat qui court sur le toit en tôle après une chauve-souris ou… bref, tu veux dormir ? Tant pis pour toi !

Donc je me lève vers 6h30. Comme tous les gens du monde qui vont aller au boulot, je me douche (rien de tel qu’un bon seau d’eau sur la tronche pour se remettre les idées en place), je me lave les dents (ça a quelque de poétique quand on est tous alignés devant notre petite rigole à cracher notre dentifrice en cadence…) et je prends mon petit déjeuner. Etonnamment, pour le petit déjeuner on a droit à du pain qui ressemble presque à de la brioche. Bon, on a rien à étaler dessus mais c’est pas si pire. Et puis, tout le monde ramasse ses affaires, on grimpe dans la jeep et on va au bureau.

Et là, commence un des meilleurs moments de ma journée. Il faut d’abord que vous compreniez bien qu’à Malemba, les seules voitures qui circulent sont les jeeps MSF. Autant vous dire que les gens sont toujours un peu curieux et s’attroupent le long de la route pour voir passer la voiture. Comme personne n’est vraiment habitué à cette circulation, il faut klaxonner constamment pour que les chiens qui font la sieste au milieu de la route, les chèvres, les cochons, les poules qui cherchent de quoi grignoter un peu partout et les enfants couchés à plat ventre dans le sable nous laissent passer. Du coup, on nous entend arriver de loin. Et quand tout ce petit monde repère que je suis dans la voiture, c’est le début de ce que j’appelle « la Queen Elizabeth session »… Les gens me font de grands coucous en criant « Muzungu ! Muzungu ! », les enfants se mettent à courir après la jeep (un de ces jours, on va bien finir par en écraser un d’ailleurs…) et me voilà à agiter mon bras par la fenêtre en distribuant des sourires et des hochements de tête à droite et à gauche… Pourquoi tant d’attention ? C’est  que  dans cette petite bourgade de 100 000 habitants (tout de même !), nous ne sommes que 3 Muzungus. Un Muzungu, c’est un Blanc. Difficile donc de passer incognito et moi, je me prendrais presque pour la Reine d’Angleterre… En arrivant devant la base, il y a toujours une bonne cinquantaine de personnes qui attendent agglutinées au portail. Ils attendent qu’on leur donne du boulot ou bien ils sont juste curieux et veulent apercevoir les Muzungus. Une fois entrée dans la base, fini mon quart d’heure de célébrité. Y a du taf ! D’abord, faut remettre droit la comptabilité, trier, classer, archiver les factures, payer ceux qui doivent être payés et recruter ceux qui doivent être recrutés (un beau morceau de bravoure dont je vous parlerai une prochaine fois).

A 13h, c’est la pause. On rentre à la maison pour avaler une assiette de riz et de sombe. Je fais toujours la grève du poisson. Faut savoir reconnaître ses limites et manger avec les doigts un petit tilapia grillé ne fait clairement pas partie de mes compétences… Je regarde les autres pétrir le bucari, en sectionner adroitement un petit morceau avec leur pouce, le rouler entre 3 doigts pour en faire une petite boulette toute lisse puis gober ça avec un morceau de poisson dont ils recrachent les arêtes sur le bord de la table. C’est tout un art… Une fois par semaine, c’est fête : la cuisinière qui m’a à la bonne me prépare un peu de guacamole et une mini-cuisse de poulet. Enfin, c’est pas la cuisse qui est mini, c’est plutôt le poulet. Ou un peu de chèvre grillée. Là, pas question de trier. Comme on ne trouve pas de lait et que les œufs coûtent trop cher, faut faire le plein de protéines !

Une fois que tout le monde a fini son assiette, on repart au bureau. Chaque trajet me permet de saluer mes partisans. « Kazungu ! Kazungu ! » Une Kazungu, c’est comme une Muzungu mais ça précise que c’est du féminin, du singulier et c’est un genre de diminutif. C’est affectueux quoi. Je commence à repérer un ou deux des plus fervents. Ceux qui courent sur une bonne centaine de mètres à côté de la voiture malgré les 36°C et le sable brûlant. Ça fait beaucoup marrer les chauffeurs qui me disent que je pourrais me présenter sans problème à la députation. Le seul problème c’est que la majorité de mon électorat a moins de 8 ans… Mais quel électorat ! Ils sont éblouissants dans leurs haillons, des sourires de fous furieux accrochés aux oreilles, les plus petits titubant sur leurs petites jambes tandis qu’ils agitent leurs encore plus petites mains, certains un peu plus grands m’envoient des baisers en soufflant sur leurs mains… Difficile de rester insensible…

Mais pas le temps de traîner, faut se remettre au boulot. L’après-midi, la chaleur est étouffante. Chaque litre d’eau que j’avale est immédiatement transpiré mais, au fil des jours, je ne trouve plus ça si pénible. Faut croire qu’on s’habitue à tout. Je passe l’après-midi à faire des allers retours entre le bureau et l’hôpital pour récupérer des papiers, en distribuer d’autres… Je commence à connaître les prénoms de tous les employés et tous m’appellent « Maman Anne Lise ». C’est comme ça ici. Tout le monde est Papa X ou Maman Y. Je peux même être « Maman Admin » pour ceux pour lesquels la  prononciation de mon prénom est trop compliquée.

Mon kiluba s’améliore de jour en jour et chaque mot que je prononce fait se tordre de rire les mamans des petits malades. Je me dis qu’au moins elles auront rigolé une fois dans la journée, ce qui n’est pas évident quand ton enfant est entre la vie et la mort… Les travaux de réhabilitation de nos bâtiments avancent doucement. Ces jours-ci, c’est la morgue qu’on retape. Parce que malgré tous nos efforts, on n’arrive pas à tous les sauver. Et régulièrement, je me retrouve nez à nez avec un pagne pudiquement jeté sur un de ces tout petits corps. Tellement incompréhensible pour nous, Occidentaux, de voir un enfant mourir de la rougeole…

A 18h, le soleil abandonne la partie en moins de 10 minutes. C’est le moment qu’attendaient les moustiques… A peine le temps de dégainer mon spray de lotion de destruction massive, mes orteils sont déjà criblés de morsures. C’est en général dans ces moments-là que je maudis le ciel de m’avoir pourvue de doigts de pied en éventail. Je ne connais rien de pire qu’une piqûre de moustique entre les orteils…

Vers 19h, on plie bagage, retour à la maison. La nuit, tous les chats sont gris et les Muzungus ne créent plus la sensation en voiture. Là, aussi incroyable que ça puisse paraître, alors qu’on est au milieu de nulle part, on retrouve toute l’équipe scotchée devant TV5 Monde. Le propriétaire de l’hôtel nous a abandonné sa télé et j’ai donc le plaisir de retrouver Delahousse (« Il est 20h… Monsoîîîr… »). Finalement, j’ai jamais autant suivi les actualités françaises que depuis que je suis ici.

Et puis à 21h, c’est retour par la case douche à la lumière de la frontale (non, 2 douches par jour, ici, c’est pas du luxe, c’est juste nécessaire…). Mon ami Albert, le cafard géant, m’y attend sagement tous les soirs. Au début, il me faisait un peu tressaillir mais maintenant, s’il est absent plus de 2 jours, je m’inquiète… Et puis je file me glisser sous ma moustiquaire. Avec un peu de chance, j’arrive à m’endormir avant que l’église d’à côté ne se remette à hurler quelques psaumes… Et oui, levée avec le coq et couchée avec les poules… soooo exciting, isn’t it ?

Heureusement, de temps en temps, c’est samedi soir. Je commence à adopter la religion selon laquelle le samedi soir… IL FAUT sortir. Il faut parce que sinon, vu que tu bosses samedi et dimanche inclus, tu finirais par ne plus savoir quel jour on est…

Le premier samedi, on est allés dans le bar de la ville. Oui, le bar. Y en a qu’un. Pas besoin de discuter 1000 ans pour savoir où on veut aller. C’est le seul endroit qui a des bières et un générateur qui tourne après 21h. Bon,  quand  on est entrés dans la cour, il y avait 5 tables en plastique, 20 chaises, 2 enceintes qui hurlaient de la musique à plein tube et… 3 personnes. Nous, on était 6. On a bu quelques Simba, appris les rudiments de la rumba congolaise puis le générateur s’est éteint faute de carburant… On a alors sorti nos frontales et on a fini de siroter nos bières en papotant. En partant, on a promis de revenir la semaine suivante. La rumeur de la sortie hebdomadaire des Muzungus avait sûrement déjà fait le tour de la ville au petit matin et le samedi suivant, bingo, l’endroit était plein à craquer, tout comme le réservoir du générateur qui a tourné une bonne partie de la nuit. Faut dire que pour ce qui est de faire la fête, les Congolais ne sont pas les derniers ! Bien sûr, comme dans tout bar digne de ce nom, la soirée a failli tourner court quand certains ne sont empoignés au col dans un coin. Probablement une histoire de filles, comme dans tous les bars du monde…

D’ailleurs, à ce propos… L’Administrateur du Territoire que j’ai dû aller saluer à peine arrivée à Malemba m’a fait cette prophétie : « Vous, on va vous marier à Malemba ! » Ce à quoi j’ai répondu que ma mère serait sûrement très fière mais que vraiment, merci mais… non merci ! Seulement, depuis 15 jours, j’ai reçu un nombre de demandes en mariage incroyable ! Bon, certes, 96% d’entre elles viennent de mes petits électeurs (c’est ainsi que j’ai appris que « kusongo », en kiluba, ça veut dire marier). Mais pas que ! Parfois on m’a proposé d’être 2ème ou 3ème épouse. Ou même carrément de juste me faire un enfant si j’avais envie, comme ça, juste pour rendre service. C’est très courant par ici. Si une femme a envie d’avoir un enfant, qui es-tu toi pour lui refuser ce bonheur ? Vraiment, tant de sollicitude, ça me touche ! Mais plus sérieusement, j’ai beau beaucoup me plaire à Malemba et faire copain-copain avec Albert et tous ses amis… je ne suis pas prête à renoncer à l’eau courante et à devenir cheffe coutumière au fin fond du Katanga !

Et en attendant, ça ne m’empêche pas de continuer à sourire et à agiter mon bras chaque fois que je traverse la ville sous les « Kazungu ! Kazunguuuu !!! » En rentrant en France, je vais faire changer mon état civil : Anne Lise, Marie, Solange, Kazungu.

Caribu sana !!!

Aujourd’hui, ça y est ! C’est enfin le départ pour Malemba ! Depuis bientôt un mois que j’ai arrêté de travailler, c’est précisément le jour que j’attendais. Après la formation et toute cette tartine de théorie, c’est enfin le moment de passer à l’action !

Et l’action commence à l’aéroport de Lubumbashi. Le vol UNHAS (United Nation for Humanitarian Air Service) qui doit nous emmener à destination ne nous autorise que 20kg de bagages tout compris. Evidemment, à Paris, on m’a dit que j’avais droit à 23kg de bagages en soute plus un bagage cabine. Et même si mon sac n’était pas plein, j’ai déjà pas loin de 25kg à moi toute seule. En plus, bien sûr, on me demande d’apporter 2 ou 3 trucs pour l’équipe à Malemba : 2 ordinateurs, des câbles divers et variés… bref, je dépasse allègrement les 20kg autorisés… Heureusement, Papa J. avec qui je voyage et qui sera mon assistant, n’a qu’un tout petit sac. Petit mais rempli. A nous 2, on a 15kg d’excédent. Et visiblement, les types qui contrôlent l’embarquement ne sont pas décidés à fermer les yeux. Bon. Aux grands maux les grands remèdes. Me voilà à déballer tout mon sac sur la grande balance et à essayer de juger de quoi je vais pouvoir me passer pendant les prochains jours… Je retire d’abord toute ma réserve de shampoings, dentifrices et savons des 3 prochains mois. Hop ! Moins 4kg ! Je confie ma précieuse cargaison au chauffeur qui nous a accompagnés. Il mettra mon petit colis dans une des voitures qui doit partir demain et qui atteindra Malemba d’ici une semaine. Je devrais pouvoir survivre d’ici là… Je continue à chercher ce que je pourrais bien retirer de mon sac mais soyons honnêtes, il n’est pas question de retirer le kilo de bonbons Haribo ni le kilo de tablettes de Côte d’Or (déjà fondu d’ailleurs) qui sont censés me garantir l’amitié éternelle de mes nouveaux copains de brousse ! Au bout de plusieurs minutes et devant mon désarroi évident, les contrôleurs décident que finalement, 10kg d’excédent, c’est pas si grave et je remballe mon sac en 8 secondes (faudrait pas qu’ils changent d’avis, hein !).

On patiente ensuite dans la salle d’attente… enfin, sous une tente sinistre sans fenêtre où il fait facilement 40°C et où les chats entrent et sortent comme s’ils pensaient trouver ici quelque chose de plus intéressant que sur le tarmac. Je suis toujours déconcertée par le nombre de gens (et de chats donc) qui se promènent librement n’importe où dans cet aéroport… Par contre, nos sacs ont été passés scrupuleusement aux rayons X. Va comprendre… Une chaîne d’infos tourne en boucle sur un écran dans un coin. Je repense aux dernières instructions que F. m’a données ce matin. Le projet rougeole à Malemba a maintenant démarré depuis 15 jours. L’équipe sur place est venue des 4 coins du Congo et n’est pas encore au complet. Jusqu’à présent, personne n’a pris en charge la partie administrative. Il y a donc vraisemblablement tout un tas de factures qui m’attendent là-bas. Tout le monde a l’air de penser que je vais être sous l’eau mais j’ai encore du mal à voir pourquoi. Clairement, toute la théorie qui est entrée dans mon oreille droite au début du mois est déjà ressortie par l’oreille gauche. Moi, ce qui m’inquiète, c’est la gestion de la caisse et faire en sorte que tous les chiffres concordent.

On embarque enfin. Dans un petit coucou. 20 places, pas de séparation entre le cockpit et les passagers. La copilote, une petite blondinette qui ne parle qu’anglais, nous demande d’attacher nos ceintures et nous informe que nous avons à peu près 1 heure de vol jusqu’à Manono. Là, nous devrons changer d’avion pour atteindre Malemba. C’est que ça se mérite d’aller se paumer dans la brousse ! Depuis les airs, je ne vois qu’une immense étendue verte, quelques collines et une ou deux grosses flaques d’eau de temps en temps. L’aéroport de Manono, enfin… l’aéroport… l’aérodrome, enfin… l’aérodrome… la piste n’est qu’un ruban de graviers perdu au milieu de nulle part. Je n’ai même pas vu la ville qui est censée être derrière. A peine le temps de descendre de l’avion, de récupérer nous-même nos sacs dans le ventre de l’avion, de les jeter dans les bras d’un autre pilote et de se glisser sous l’aile de l’avion suivant et nous revoilà dans les airs. Cette fois, ce n’est plus un coucou, c’est une libellule… 8 places, le plafond à 12cm de nos têtes et une altitude maximale de 250m (tout du moins c’est l’impression qu’on a). A peine 25 minutes plus tard, l’avion se pose sur une piste que je n’ai même pas aperçu avant d’avoir le nez dessus. Je reconsidère aussitôt mon jugement sur l’aérodrome de Manono : là, je me demande si un lion ne va pas surgir des hautes herbes… Du coup, je pousse Papa J. devant moi : si quelqu’un doit se faire bouffer dans les 4 premières minutes, je préfère ne pas être volontaire !

A peine le nez dehors, j’ai l’impression d’être dans un four. Il  est  presque  15h  et  il  fait facilement 7 000°C. Au bord de la piste, il y a un genre de hangar : une dizaine de pylônes en brique sur lesquels sont posées quelques tôles dont certaines menacent de tomber ou l’ont déjà fait. A l’ombre de cet abri de fortune, une bonne vingtaine d’adultes et une cinquantaine d’enfants. Et une jeep. Et devant la jeep, JG. JG, c’est le chef de mission MSF. C’est lui qui chapeaute normalement toutes les missions en RDC. Exceptionnellement, il est à Malemba le temps qu’on trouve la personne qui sera RT. Responsable Terrain. Et comment je l’ai reconnu ? Facile, c’est le seul blanc et il est adossé à la jeep MSF. Il me présente les autres membres de l’équipe venus nous chercher. En fait, ils ne sont que 3. Les autres personnes présentes ne sont venues que pour voir l’avion et éventuellement ses passagers. Et en effet, les enfants commencent à s’agglutiner autour de nous. Silencieux mais ouvrant de grands yeux et courant se cacher dès que je les regarde de trop près. On décharge nos sacs qui sont aussitôt transportés dans la jeep, JG et le pilote échangent quelques mots, l’avion redécolle et on part jeter un œil à la piste. « On » nous a demandé d’entretenir la piste c’est-à-dire de la débroussailler. La piste fait 6m de large sur 1200m de long. Ça fait un paquet d’herbes à couper au ciseau… Je ne comprends pas très bien pourquoi c’est à nous de faire ça mais tout le monde regarde la piste d’un air entendu… Moi, je sue à grosses gouttes et je me demande bien qui a allumé le chauffage…

JG propose de nous ramener à la base pour manger un morceau avant de nous faire visiter les lieux. Oui, on dit pas « la maison », on dit « la base ». Tout le monde grimpe dans la jeep et en route ! Enfin en route… y a pas de route, y a que des sentiers de terre battue parfois couverts de sable. On passe un croisement et JG annonce « Ça, c’est le rond-point du centre-ville ! » Ah… Le long du chemin, il y a des maisons en terre, en briques, des poules qui traversent suivies d’une armée de poussins, quelques chèvres qui essayent de brouter 3 brins d’herbe, des femmes qui portent des tas de trucs sur leurs têtes, des hommes qui discutent en petits groupes, des enfants qui jouent dans le sable… Je suis en pleine carte postale.

La base, c’est officiellement un hôtel. Alors un hôtel ici, ça veut dire que c’est une quinzaine de chambres (4 murs en brique, un faux plafond en bambou recouvert de tôles, un lit, une moustiquaire… that’s it !) autour d’une grande cour avec une paillotte au milieu, sous laquelle se trouve une table avec une dizaine de chaises autour. Dans un coin de la cour, le bloc sanitaire : les toilettes (2 trous dans le sol et une bassine d’eau avec un pichet) et les douches (3 petites cabines en brique avec d’improbables bacs à douche dont les évacuations partent dieu sait où). Ici, pas d’électricité et pas d’eau courante. Seulement un générateur qui fonctionne de 18 à 22h et 3 grandes citernes remplies d’eau qu’on va chercher à la pompe. L’eau doit être filtrée pour être potable. Elle est tiède. Et je découvre alors ce qui va constituer mes repas des prochaines semaines : riz, poisson grillé, sombe (feuilles de manioc pilées et bouillies) et bucari, une espèce de boule blanche de farine de maïs bouillie sans sel. Le décor est planté, me voici à la maison.

Après ce premier festin, direction le bureau. On remonte dans la jeep et on repart. Les mêmes sentiers de terre défoncés et quelques kilomètres plus loin, le « bureau ». Hum hum… Alors… bon… bah… c’est un bâtiment dans un état de délabrement avancé mais clairement moins avancé que les autres trucs autour, avec plusieurs pièces dont certaines bizarrement imbriquées les unes dans les autres, avec des trous béants dans le plafond qui laissent apercevoir des chauves-souris accrochées à la charpente et en guise de bureau, 2 tables, 2 chaises et… c’est tout ! Wow… rappelez-moi de ne plus jamais me plaindre de l’aménagement de mon bureau ! Bon, en fait, comme personne ne bossait vraiment dans un bureau jusqu’à maintenant, ils n’ont prévu d’aménager la partie « administration » que demain. Il y a d’autres bâtiments autour du premier. Une partie de l’équipe dort ici, tout le monde ne tient pas à la base, on est trop nombreux. C’est aussi ici qu’est installée la chaîne de froid (une dizaine de congélateurs posés sur des palettes en bois) nécessaire à la conservation des vaccins qui devraient arriver dans quelques jours. Ici aussi, l’électricité ne provient que du générateur et il n’y a pas d’eau courante. En fait, je réalise que c’est la ville entière qui n’a ni électricité ni eau courante.

On repart ensuite pour l’hôpital. La jeep slalome entre des ruines. J’apprends que ce ne sont pas des ruines. C’est l’hôpital. Et derrière ces fenêtres sans vitres et ces murs croulants, il y a de vrais malades. Et de vraies femmes qui accouchent. Et mes yeux s’écarquillent malgré moi d’incrédulité et, aussi, un peu d’horreur… Bon, ce n’est pas là que travaillent les équipes MSF. Nous, on travaille au CTR. Centre de Traitement de la Rougeole. Le CTR est isolé du reste de l’hôpital à cause de la contagiosité de la maladie. Derrière une clôture en bambou se dressent donc les 2 bâtiments dans lesquels nous travaillons : les soins intensifs et l’hospitalisation. JG est très fier de me montrer le bâtiment qui a été retapé par nos soins et dans lequel viennent tout juste de s’installer les soins intensifs. Là, c’est comme à la télé… sous le toit en chaume, 4 murs percés de fenêtres couvertes de moustiquaires, 20 lits en fer sur lesquels flottent de minces matelas, parfois 2 enfants par lit, tous plus mal en point les uns que les autres, leurs parents assis près d’eux. L’un des enfants, minuscule, a un masque à oxygène et on voit ses petites côtes se soulever à un rythme effréné. L’odeur qui flotte ici est un mélange d’éther, d’urine et de crotte de chauve-souris. Au milieu de tout ça, j’aperçois E., stéthoscope vissé sur les oreilles. Clairement, les médecins et infirmiers ont du boulot par-dessus la tête. On se fait un petit geste de la main et elle retourne à ses patients. Tout le monde me dévisage, les regards des parents sont terribles : incompréhension, peur, défiance, souffrance, je ne sais pas trop. Dehors, les lavandières nettoient les couvertures et les moustiquaires. Toujours sans eau courante. De grandes citernes à l’entrée du bâtiment servent de lave-mains. Hallucinant…

On passe ensuite au service d’hospitalisation. C’est là que les enfants se requinquent en sortant des soins intensifs. Le côté positif de la Force. Ici, devant le bâtiment, les mamans font la cuisine sur de petits braseros sous lesquels rougeoient des braises, les enfants jouent en prenant leur bain dans des bassines et leurs petits bras maigrichons ne sont plus criblés de perfusion. Ici aussi, le taux d’occupation des lits est supérieur à 100%. Mais comment faire autrement ? La rougeole, associée au paludisme ou à la malnutrition sévère qui sévissent aussi furieusement dans les parages, est visiblement extrêmement virulente. Et on ne peut clairement pas entasser plus de lits qu’il n’y en a déjà.

Depuis 15 jours, le CTR a accueilli près de 350 patients. Et pour l’instant, on compte entre 8 et 12 décès par semaine. Plusieurs raisons : le manque de personnel, le manque de médicaments, les complications créées par le palu et la malnutrition extrêmement difficiles à traiter mais surtout, l’arrivée trop tardive des petits patients. Aussi incroyable que ça puisse paraître, certains pasteurs, prédicateurs ou marabouts interdisent aux familles d’amener leurs enfants malades à l’hôpital et les confinent dans des salles de prière. Certains meurent donc là-bas. Ou s’ils nous arrivent, il est parfois impossible de faire quoi que ce soit.

Le tableau n’est pas réjouissant. Et lancer la campagne de vaccination est donc plus qu’urgent. Une fois la campagne terminée, on devrait voir tomber d’un coup le nombre d’admissions à l’hôpital dans les 2 semaines suivantes. La motivation de toute l’équipe ne fait aucun doute. Restent à régler quelques soucis administratifs pour que les vaccins arrivent à Malemba. Des histoires de numéros de lot, une validation à obtenir à Kinshasa,… on espère en venir à bout très vite.

En attendant, pour cette première soirée, je retrouve toute l’équipe autour du bucari et du sombe, le tout arrosé d’une petite bière en provenance directe de Lubumbashi. C’est qu’on ne m’a pas confié que des cartons de matériels… et il est tout aussi important de s’occuper du moral des troupes !!! Et tout le monde nous souhaite donc CARIBU SANA !!! Bienvenue en RDC et surtout, BIENVENUE A MALEMBA !!!

Rendez-vous en brousse inconnue…

Aujourd’hui c’est dimanche. Et le dimanche à Bamako, c’est le jour de mariage-euh… à Lubum, c’est comme partout ailleurs… on ne fait rien. Je passe donc la journée à lire, boire du thé, faire la sieste, discuter avec F., manger, relire, reboire du thé, … Et ça pourrait continuer comme ça indéfiniment mais F. va voir un match de foot cet aprèm. C’est l’équipe de TP Mazembe, l’équipe de Lubumbashi, l’équipe du Katanga, qui affronte une équipe malienne. S’ils gagnent, ils vont en finale. De je sais pas quoi mais peu importe, il semble que ce soit important. Toute la ville se pare de rayures blanches et noires. Les gens, les voitures, les panneaux publicitaires, tout devient zébré. F. n’a pas réussi à trouver de billet pour moi, tout est vendu depuis bien longtemps ! Je suis un peu déçue, l’ambiance valait sûrement le coup d’œil (les gaz lacrymo aussi, il paraît que ça dégénère à chaque match…) mais à la place, je vais visiter un refuge pour chimpanzés avec N. Sa femme travaille là comme bénévole et toute la famille profite de l’occasion pour rendre visite aux singes. Ils ont vécu plusieurs années en Afrique et reviennent tout juste de vacances en Zambie. Les enfants ne se lassent pas de raconter leurs expériences à vélo au milieu de troupeaux de girafes ou comment ils ont accroché des vers de terre à leurs cannes à pêche pour attraper de tout petits poissons qu’ils n’ont même pas mangés !

Au refuge, les singes sont plutôt impressionnants ! C’est l’heure du dîner et ils hurlent à qui mieux mieux tout en se balançant dans les cages et en claquant les murs avec leurs grandes paluches. Le vacarme est assourdissant. Les soigneurs versent un mélange de lait et d’eau dans des gobelets métalliques qu’ils tendent aux animaux qui les attrapent et boivent avec dextérité à travers les barreaux. Puis c’est le tour des fruits, des épis de maïs, des oignons, des tomates… Les propriétaires du refuge, un couple de Français adorables et passionnés (elle est vétérinaire et lui prof de bio au lycée français de Lubumbashi), essaient de faire pousser un potager pour subvenir aux besoins de leurs pensionnaires et ne plus dépendre uniquement des donations. Mais c’est compliqué car les employés sont tentés de voler les légumes qui coûtent cher ici. Le refuge manque cruellement de place et de moyens. Mais en attendant, grâce à leur action, il n’y a plus de trafic de chimpanzés dans le Katanga et les autorités soutiennent désormais le programme de réinsertion des chimpanzés en milieu naturel.

C’est finalement dimanche soir. TP Mazembe a gagné, les voitures roulent à toute allure dans les rues en klaxonnant, des dizaines de bras sortant des toits ouvrants et des fenêtres. Mais le dimanche soir, c’est movie night. F. m’emmène chez M. qui travaille pour l’ICRC et qui héberge la soirée cette semaine. Au programme, Escape from Alcatraz. On regarde tomber la pluie dans la baie de San Francisco en mangeant du pop corn. Et puis la jeep MSF fait taxi et redépose chacun chez soi. Et je découvre qu’à Lubumbashi, dès qu’on sort des grandes artères bitumées, on se retrouve sur des petites pistes en terre avec des ornières de folie remplies d’eau (on est à la fin de la saison des pluies) et pour la première fois de ma vie, je me dis qu’avoir un 4×4 en ville, parfois, ça peut être utile.

Le lendemain, c’est officiellement ma première journée de boulot. Je place tous mes espoirs dans cette journée pour en savoir plus car les briefings à Paris ont été plutôt succincts et théoriques. Je commence par refaire un long point sur les logiciels de gestion de la comptabilité et des payes et sur les particularités spécifiques à cette mission. Puis j’enchaîne avec un briefing sécurité (aucune consigne particulière, la région est plutôt calme) et l’explication de l’organisation de l’équipe logistique. Je commence à voir un tout petit peu plus clair dans l’organigramme et à comprendre qui fait quoi. De toute façon, on n’apprend jamais aussi bien à nager que quand on saute dans le grand bain, n’est-ce pas ? Alors vivement demain qu’on saute !

En fin de journée, je vais avec F. chez Vodacom, l’opérateur de téléphonie local, pour acheter une carte SIM pour mon téléphone… Epique ! Le gars charge le crédit que F. est venue recharger pour elle sur un autre numéro puis il n’arrive pas à activer ma carte. Tout prend un temps infini. Comme on a le temps, on papote. Il apprend comme ça que je suis parisienne. Direct, LA question : « Tu connais Booba ? » Euh… personnellement ? Non… Je sens la déception dans son regard. On finit par repartir, chassées par la femme de ménage qui a jeté un grand seau d’eau savonneuse en travers de la pièce et serpille maintenant vaguement le tout. On y a passé plus d’une heure et je n’ai toujours pas accès à internet… Ef-fi-ca-ci-té…

On rentre enfin au bureau. F. a quelques trucs à finir alors je rentre à la maison me reposer. Quoi ? J’ai bossé au moins 6 heures d’affilée ! J’ai plus l’habitude moi ! F. rentre quelques heures plus tard avec N. le superlog. Le superlog, c’est le logisticien du desk. Le desk, c’est la cellule à Paris qui s’occupe de centraliser 3 ou 4 pays différents. Bref, le superlog est en visite en RDC et ce soir, il fait escale à Lubumbashi. Comme F. habite la guest house, c’est elle qui héberge tous ceux qui sont de passage. On dîne donc tous les 3 puis N. qui est fatigué va se coucher et je reste bavarder avec F. Ça ne fait que quelques jours qu’on se connaît mais le courant est vraiment bien passé. Je commençais tout juste à considérer Lubum comme ma nouvelle maison et il faut déjà repartir. En attendant, je profite de ma dernière nuit en pays civilisé. Demain c’est… rendez-vous en brousse inconnue !

Premiers pas en Afrique

L’attente à l’aéroport d’Addis Abeba est interminable. J’ai la tête qui tourne tellement je suis fatiguée ! Faut dire que les charmantes hôtesses d’Ethiopian Airlines te réveillent toutes les 2 heures pour t’apporter à manger. Le fait que tu aies tes écouteurs enfoncés dans les oreilles et un masque sur les yeux ne semble pas les convaincre que tu aies envie de dormir… Du coup, ça ressemble assez à une nuit blanche. Et après avoir fait le tour du duty free d’Addis en 14 secondes montre en main, devoir rester assise sur la banquette sans pouvoir s’écrouler est un vrai calvaire ! En parlant du duty free, faudrait que quelqu’un m’explique pourquoi on trouve ici un magasin avec la moitié de la réserve mondiale de Ferrero rochers… Je ne suis pas bien sûre que ce soit l’endroit préféré de l’Ambassadeur pour recevoir… Il paraît que c’est un des plus grands aéroports d’Afrique mais moi, tout ce que je vois, c’est qu’il est à peine plus grand que celui de Brest (no offense…) et qu’à part des Ferrero rochers, bah… y a rien !

On espérait avoir un peu de répit en s’installant dans la salle d’embarquement mais que nenni ! Le vol n’est affiché qu’avec 20 minutes d’avance et comme tous les vols partent globalement de la même porte, passer la sécurité demande une bonne dose de patience. Dans la file, on remarque très vite les Indiens (ils sont collés au type de devant comme si le fait que leur ventre frôle le dos de leur voisin leur garantit un passage plus rapide sous le portique) et les Chinois (qui doivent totalement ignorer qu’il est 8h du matin et qu’on n’est pas obligés de hurler pour se parler). D’ailleurs la proportion d’Asiatiques dans cet aéroport est assez surprenante. Je me demande bien où ils vont. Les vols affichés n’ont rien de destinations franchement touristiques… Mystère…

Au moment d’embarquer, c’est le chaos total. Les hôtesses crient toutes les destinations en même temps, tout le monde se précipite pour monter dans un bus, lequel ne sait même pas où il doit aller, tout le monde traîne sur le tarmac alors qu’il fait déjà 30°C. Bref… je regarde tout ça avec amusement, ça me rappelle un peu l’Inde : si tu ne veux pas te noyer, surfe sur la vague…

Enfin nous voilà tout de même dans l’avion, exténuées. Je grignote mes derniers TUC en me disant que c’est probablement la dernière nourriture « occidentale » que j’avalerai avant un bon bout de temps. Par le hublot, j’essaye d’apercevoir mon sac en me demandant par quel miracle il pourrait bien s’être frayé un chemin vers le bon avion dans le bordel ambiant. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais perdu un sac, alors je compte sur ma bonne étoile et je me dis que ça ne va pas commencer aujourd’hui !!  Je me retourne sur mon siège, je réajuste le masque sur mes yeux, j’ai 4 heures devant moi, autant en profiter…

Je me réveille peu de temps avant notre descente sur Lubumbashi. Addis Abeba, Lubumbashi… pour moi qui n’ai jamais mis les pieds en Afrique, tous ces noms de villes sonnent de façon un peu mystérieuse et magique. J’ai du mal à imaginer ce qui m’attend. Par le hublot, j’aperçois parfois un très long ruban rouge qui serpente entre d’immenses étendues étonnamment vertes. Parfois un lac. Très grand lui aussi. Pas l’ombre d’une ville à perte de vue…

L’avion descend doucement et quelques habitations commencent à apparaître. Des constructions couleur sable aux toits de chaume posées sur le sable et entourées de petits murets dans les mêmes tons, le camouflage est presque parfait. Ma voisine est accrochée à son siège et récite les yeux fermés et à mi-voix une longue prière. Les roues touchent le sol après avoir presque frôlé les maisons les plus proches, ma voisine fait moult signes de croix. Merci Seigneur, me voilà en Afrique. Enfin !

En sortant sur le tarmac, c’est la perplexitude… Des tas de valises sont déjà alignées sagement sur le tarmac : faut-il les récupérer ici ? Nul ne sait… Le cerbère qui les veille jalousement aboie quelque chose sur un des Chinois qui s’en approchait. Il semblerait donc que non… En regardant un peu autour de moi, je m’aperçois qu’en fait, y a plein de gens sur ce tarmac. Les familles viennent y chercher leurs proches, garant leurs voitures à quelques mètres seulement de la piste. Cris de joie, larmes, … la totale ! Pas évident dans tout ça de repérer le bâtiment qui sert officiellement d’aéroport. Mais la flopée de drapeaux au loin semble tout de même marquer l’entrée officielle en territoire congolais. Et effectivement, c’est là que se trouve le bureau de l’immigration. Les files d’attente devant les 3 guichets avancent lentement. Après une bonne demi-heure et malgré le regard suspicieux de la guichetière dont les épaules sont bardées de médailles en tous genres, je suis autorisée à passer. Une dernière vérification de mon carnet de vaccination et me voilà devant le tapis à bagages. Si ce n’est qu’entre lui et moi, il y a 300 personnes qui hurlent à qui mieux mieux. Et mon regard cherche dans cette foule bigarrée quelqu’un qui porterait un petit panneau avec mon nom … ou un T-shirt MSF, une casquette MSF, n’importe quoi !! E. n’en mène pas plus large que moi. Soudain, un homme surgit sous notre nez : « MSF ? » Euh… oui… Il nous entraîne aussitôt un peu à l’écart et nous demande nos reçus de bagages. Il n’a aucun signe distinctif et notre instinct nous dit que ça pourrait bien sentir l’arnaque à plein nez mais comme lui aussi est un peu fatigué et que la température ambiante le ramollit sérieusement, on lui tend tout de même nos tickets. Il nous explique qu’ici, ça va être très long de récupérer nos bagages alors qu’i va s’en occuper lui-même mais qu’en attendant, il nous emmène retrouver notre chauffeur qui nous attend ailleurs. Mouais… On est en train de sortir de l’aéroport alors que nos sacs sont toujours derrière nous quand même… Après 10 minutes en plein cagnard où on comprend finalement que notre nouvel ami travaille pour l’aéroport et qu’il va vraiment s’occuper de nos bagages mais que ça serait quand même bien qu’on pense à le rémunérer pour le service, en toute discrétion bien sûr, on voit arriver G., notre chauffeur, jeep blanche et gilet MSF à l’appui. La conversation s’engage en swahili entre les 2 hommes et j’avoue que c’est avec un certain soulagement que je laisse G. prendre les rênes et gérer le sujet des bagages. G. nous propose de l’attendre à la voiture pendant qu’il retourne chercher nos sacs. On fait alors la connaissance de O., infirmier tchadien, lui aussi arrivé par le vol d’Addis et lui aussi allant à Malemba, mais qui ne voyage qu’avec une valise cabine et ne s’est pas fait repérer comme nous ! Commence alors une longue attente… Longue… Très longue… Presque 40 minutes sur le parking alors que les vendeurs ambulants nous tournent autour et qu’on refuse poliment les cacahuètes, citrons, boîtes de cirage et autres trucs non identifiables qu’on essaye de nous refourguer de façon insistante. C’est là que je comprends pourquoi il y avait tant de Chinois avec nous. Ils viennent bosser. Pas dans l’humanitaire. Non, non, non. Dans les mines. La région du Katanga est la région la plus riche du pays grâce à ses mines gigantesques qui contiennent une proportion assez fantastique des réserves mondiales de cuivre et de cobalt. Et ils maîtrisent parfaitement le swahili. Impressionnant.

Quand on voit finalement réapparaître G. et nos sacs, il est toujours en compagnie de notre ami. G. lui glisse un billet dans une poignée de mains mais visiblement, ça n’est pas assez pour lui et il nous regarde la main tendue. Je lui explique alors avec le sourire que, comme il le sait bien, on vient tout juste de descendre de l’avion, qu’on n’a pas d’argent mais qu’on apprécie vraiment son aide et qu’on le remercie bien. Tout ça en grimpant dans la voiture pendant que G. met le contact et que ma voix finit par se perdre dans le brouhaha général.

Nous voilà donc à Lubumbashi. La route de l’aéroport est un beau ruban asphalté large et bien entretenu. Quelques kilomètres nous séparent de la ville. Au fur et à mesure qu’on s’approche, on croise des minibus plus que bondés qui roulent portes ouvertes et dans un état de décrépitude variable mais toujours avancé. Ils me font penser aux collectivo d’Amérique du Sud. Mes yeux essayent d’absorber le plus possible d’informations. Les gens qui balayent la route entre les voitures, les immenses barres métalliques et plaques de tôle ondulée sur le côté, les vélos rouillés qui disparaissent sous leurs chargements, quelques bâtiments en cours de construction ou de déconstruction, on ne sait pas trop, les hommes qui marchent l’air concentré dans des costumes sombres en manches longues et cravates, une mallette au bout du bras, les femmes aux jupes colorées avec, sur la tête, des paniers ou des bassines pleines de fruits, de charbon, de clous, les policiers en uniforme bleu avec leurs casques de chantier jaunes vissés sur la tête… La ville donne l’impression d’être verte et rouge. Rouge la terre des chemins, des murs et verts les arbres et buissons qui poussent de façon plutôt anarchique partout.

On arrive enfin chez MSF : un haut mur en pierres surmonté de barbelés. Le gardien jette un œil au travers du grand portail en tôle dans lequel a été découpé un minuscule judas puis nous ouvre. Derrière les murs c’est une grande maison. Dans la cour sont garés 3 jeeps et 2 camions. Tous blancs et stickés MSF. F. est l’administratrice de la base de Lubumbashi, sri-lankaise, et nous accueille avec un grand sourire. Après avoir mis nos passeports au coffre, elle nous apprend que si E. et O. partent à Malemba dès le lendemain, moi, je reste à Lubumbashi jusqu’à mardi. Finalement, on fera le trajet en avion car ce n’est pas 2 mais 4 jours qui sont nécessaires par la route pour arriver à destination ! L’avion ne peut pas nous transporter tous les 3 puisqu’il est déjà plein de médicaments donc je prendrai le suivant. OK. Très bien. D’ici là, elle me briefera sur tout ce qui m’attend là-bas parce que depuis près de 3 semaines que l’équipe est sur place, aucun suivi administratif n’a été fait et elle me fait comprendre que j’ai du pain sur la planche !!

En attendant, F. nous propose de nous amener à « la maison », quelques centaines de mètres plus loin. Mêmes murs en pierre et mêmes barbelés. La maison a 4 chambres mais F. y habite seule en  ce moment. Rien de trop confortable, les murs sont nus et les abat-jours sont en fait des poubelles plastiques qui colorent la lumière en bleu ou rose selon les pièces. Après nous avoir fait faire le tour du propriétaire, F. nous laisse nous reposer et repart travailler. On peut enfin manger un morceau (des lasagnes… pas si exotiques que ça…), se doucher et se poser un peu. Le reste de l’après-midi s’écoule doucement en attendant son retour. Dans sa guérite, le gardien regarde la télé : un documentaire sur l’aquarium de La Rochelle. Sous mes pieds, une marée de fourmis s’étale puis disparaît aussitôt.

Quand F. revient du bureau, c’est l’heure de l’apéro ! Un petit verre de vin et quelques chips froides car conservées au frigo (trop de fourmis dans les parages…), rien de tel pour fêter notre arrivée en terre africaine ! Et puis pour le dîner, ce sera grec ! Et pas kebab, hein ! Non, non, non, un vrai grec avec caviar d’aubergines, feta, tomates séchées et tout ce qui va bien. C’est le chauffeur qui nous y emmène. La politique MSF veut qu’aucun expatrié ne conduise. On a donc une voiture et un chauffeur à  disposition 24h sur 24. Bon, c’est une grosse jeep, pas une Jaguar hein… A l’entrée du resto, un énorme panneau indique que la « communauté hellénique » de Lubumbashi décline toute responsabilité en cas d’accident sur la balançoire. Oui… y a une balançoire. Mais c’est la « communauté hellénique » qui m’impressionne. En fait, du temps de la colonisation belge, il paraîtrait que tout plein de Grecs sont venus par ici faire du commerce et que, comme ils se sont plu, ils sont restés. On commande des calamars grillés puisque O. n’en a jamais mangé. Quand il voit arriver le serveur, il ouvre de grands yeux : pas question qu’il mette dans sa bouche les petits tentacules frits !!

Et puis le resto se vide, notre bouteille de vin aussi et le chauffeur nous ramène à la maison où je me faufile rapido sous ma moustiquaire pour savourer ma première nuit africaine… Il doit y avoir un karaoké juste à côté : une fille s’époumone sur du Amel Bent… « Vi-ser la luuuuuune… » Et Dieu inventa la Boule Quiès…

A vos marques… prêts… partez !!

On est mercredi, il est 12h04. Je suis dans la rue, je marche. Mon téléphone sonne.

– Allô ?
– Anne Lise ? C’est MSF. On vient de récupérer ton visa et ton passeport donc… tu prends l’avion demain soir pour Lubumbashi.
– … ???!!! Euh… OK…
– Bien. Tu pars avec d’autres personnes qui seront en mission avec toi donc rendez-vous à 18h pour un petit briefing avant que le taxi ne vous emmène à l’aéroport.
– Euh… Très bien… Mais… Faudrait pas que je signe mon contrat à un moment quand même ?
– Ah ? C’est pas encore fait ? Bon bah alors viens à 17h30, on s’occupera de ça juste avant !
– OK… bon bah… à demain alors ?
– C’est ça ! A demain ! Et… félicitations !!
– Euh… merci…

On est mercredi. Il est 12h07. Et je ne sais plus où j’habite. Evidemment que j’attendais ce coup de fil depuis des semaines mais là, tout plier en 24 heures… pfff ! Je ne sais pas par où commencer !!

Alors j’essaye d’être pragmatique. Petit 1, rentrer à la maison. Petit 2, faire mon sac. Petit 3, … aaaaaah ! Je ne sais pluuuuuus !! C’est un mélange d’excitation et de consternation. J’ai l’impression que mon cerveau tourne au ralenti et que j’ai deux mains gauches…

Et puis finalement, j’arrive à boucler mon sac (et en plus, il fait à peine 20kg), transférer mes films, ma musique et mes sauvegardes sur les disques durs qui vont bien, faire un tour à la déchetterie sous la pluie pour jeter des tonnes de papiers et faire de la place pour les affaires que j’ai déménagées, aller dire au bonjour au monsieur des impôts pour enregistrer une réclamation (oui j’aurais peut-être pu y aller bien avant… et alors ?) et même acheter quelques tablettes de chocolat pour mes futurs collègues perdus dans la brousse.

Car c’est bien là que je vais. Dans la brousse. A Malemba Nkulu plus précisément. Tout ce que je sais pour l’instant sur Malemba Nkulu, c’est que c’est à 2 jours de voiture de Lubumbashi. Et que là-bas, il y a des enfants qui ont la rougeole. Beaucoup d’enfants. Et qu’il faut les vacciner. Comment on fait, comment ça s’organise, qui est déjà sur place… tout ça, j’en sais rien ! On verra bien en arrivant !

Enfin… si j’arrive ! Parce que circuler dans Paris un jeudi soir veille de 1er mai, ça relève de l’exploit olympique… Et j’arrive chez MSF à 18h30 bien tassées, après être passée signer mon contrat  en sprintant (on repassera plus tard pour les questions, hein, là, y a pas l’temps !). Là, je récupère le graal : un t-shirt et ma carte d’identification MSF. « Je te donne un taille S ? » Mmm… non ! Dans 3 mois peut-être mais là, ça va être un peu juste hein… Enfin c’est bon, je suis parée au décollage. Enfin… je crois ?

Avant ça, je rencontre E., pédiatre, qui part aussi à Malemba. On devait partir à 4 mais les 2 autres n’ont apparemment pas eu leurs visas dans les temps ou quelque chose comme ça. On grimpe donc dans le taxi qui nous attend déjà. La circulation est toujours plus que dense, notre chauffeur reçoit 30 sms à la minute et il y répond, on frôle donc l’accident plusieurs fois. Ça nous permet de faire un peu mieux connaissance : E. est déjà partie en mission au Tchad et ça fait toute la différence ! Pour moi, ça fait d’elle une experte !

En partant, on m’a confié un petit colis tout enrubanné de scotch MSF à remettre à la coordination à Lubumbashi. Je ne sais pas ce qu’il y a dedans et je l’ai mis dans mon bagage à mains en bourrant un peu. Comme par hasard, à Roissy, mon sac est fouillé. La dame qui s’en charge déballe absolument toutes mes affaires. Elle tombe sur ma GameBoy. Bah oui, c’est la brousse, hein, va bien falloir s’occuper de temps en temps ! Elle me dit que j’ai là un trésor ! Que ça peut se revendre pas loin de 2000€ ! Moi je me disais que vu son état, il pouvait pas lui arriver grand-chose alors qu’elle ne craignait pas un petit voyage en RDC… Et puis elle me demande d’ouvrir le fameux colis. Je ne suis pas très sûre mais je ne me vois pas trop lui dire que je ne sais pas ce qu’il y a dans mes bagages alors je déchire le scotch… et une dizaine de tablettes de chocolat Milka tombent sur le comptoir… Me voilà contrebandière de chocolat ! Il y a aussi un paquet de café en grains et quelques lettres. La dame rigole, nous aussi.

On finit par s’écrouler dans les fauteuils de la salle d’embarquement. Je suis un peu vidée. Je mâchonne distraitement quelques TUC achetés un peu avant. La précipitation du départ, l’inconnu total devant moi, je suis un peu absente au moment du décollage. Et pourtant c’est une grande première. Dans 7 heures, je serai à Addis Abeba. Je poserai les pieds pour la première fois sur le continent africain.

MSF roller coaster

La Guinée. Mais oucéssadonc ? Vous non plus, vous n’en savez rien, hein ?

Quand on m’a dit à la fin de ma petite semaine de formation que j’allais partir en mission en Guinée, j’ai chopé la première mappemonde qui passait par là et j’ai scruté attentivement le continent africain.

Je n’ai jamais mis le pied dans cette partie du monde. Jamais traversé la Méditerranée. Ja-mais. Même pas pour aller me faire bronzer les espaces inter-orteils (et Dieu sait que ça serait facile) au bord d’une piscine à Agadir. Mais la Guinée… ça, c’est une autre paire de manches !

Alors je vous la fais courte mais globalement…

La dame m’a demandé : « Ebola ? Ça te pose un problème ? »

J’ai répondu : « Euh… non. Pas vraiment. De toute façon, je suis pas obligée d’aller lécher la face des patients, si ? »

Elle a levé un sourcil, elle a rigolé et puis elle m’a dit : « OK ! Alors tu pars dans 15 jours, faut aller fermer un centre de traitement à Kankan (merci la mappemonde…), tu seras de retour 3 mois plus tard, t’oublieras pas de rester en France et à moins de 4 heures d’un hôpital pendant les 3 semaines qui suivent, tu prendras ta température 2 fois par jour et faut que tu passes déposer ton passeport au bureau dès lundi prochain. »

J’ai dit : « Euh… d’accord ! »

Je venais de monter sans le savoir dans le Grand Huit MSF… Je suis sortie de son bureau, j’ai fait une petite danse de la victoire dans le couloir, j’ai dit à tous mes nouveaux copains MSF que je partais en Guinée (youpi !), on est allé boire des verres pour fêter ça et quand j’ai repris le métro pour rentrer chez moi, je répétais à voix basse : « Guinée Conakry… Guinée Conakry… Guinée Conakry… »

15 jours pour préparer un départ, on pourrait croire que c’est largement suffisant. Mais quand on est une championne de la procrastination… ben, c’est pas si simple. D’abord, faut faire la liste de toutes les choses à faire. Et quand ses 2 neurones sont grillés par l’excitation, c’est déjà un sacré challenge…

Le premier truc que j’ai écrit sur cette liste c’est « chaussettes ». Parce que j’ai plus que 3 paires de chaussettes mettables en public. C’est bien la preuve que j’avais du mal à mettre de l’ordre dans mes idées parce que la météo à Kankan, elle indiquait 42°C en moyenne et que des chaussettes, c’est bien le dernier truc que j’aurais eu envie d’emporter…

Bon, sur la liste, j’ai aussi écrit « déménagement », « impôts », « résiliation Freebox », « albums photos », …

Ah oui… faut que je vous explique. Je me suis décidée à faire des albums photos de mon tour du monde. C’est que 17 000 photos coincées sur un disque dur, on les regarde pas tous les matins. Alors je me suis dit que j’allais faire des albums. De nos jours, avec internet et la technologie, on peut faire de très jolis livres dont on tournera les pages avec nostalgie et qui justifieront l’achat d’une bibliothèque.

Depuis le mois de mars 2014 (oui… je sais… ça fait donc plus d’un an), j’ai donc commencé un travail de tri, de classement, de mise en page… le tout pays par pays. Et jusqu’à la semaine dernière, j’avais réussi à aller jusqu’en Nouvelle Zélande (comprendre, j’avais réussi à faire les albums de l’Inde, la Chine, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie, l’Australie et la Nouvelle Zélande). J’avais trouvé fin novembre dernier un bon plan pour acheter ces albums à prix réduit (faut dire qu’avec près de 60 pages par album, j’étais à 2 doigts de devoir vendre un rein…). J’en avais donc pré-acheté 6 en me disant que puisque le bon d’achat était valable jusque fin juin, j’étais laaaarge… Je vous laisse deviner ce qui s’est passé… Procrastination, again

Je me suis donc retrouvée avec 6 albums photos à faire en urgence.

Je suis aussi allée faire des photos d’identité, déposer mon passeport chez MSF pour qu’ils s’occupent de mon visa, faire un tour à l’Institut Pasteur pour faire checker mon carnet de vaccination, me prendre un shot de méningocoques (ce qui m’a valu 2 jours d’agonie fiévreuse… merci !) et me faire vider de la moitié de mon sang pour analyses, faire la queue à la Sécu parce que ces petits malins ont décidé arbitrairement de suspendre mes droits juste comme ça pour voir et que franchement, j’avais que ça à faire, faire la tournée des agences immobilières de mon quartier pour mettre mon appartement en location… bref, je me suis pas ennuyée !

Le lundi suivant, alors que je venais de passer une semaine à expliquer à tout le monde que je partais soigner les Eboliens à Kankan, que je connaissais la géographie du pays sur le bout des doigts et que j’étais arrivée à la page 32 du code du travail guinéen (oui môsieur… j’ai des lectures du plus grand intérêt en ce moment mouâ…), mon téléphone sonne. Normal, on doit caler les horaires des briefings avant mon départ.

« Allô ? Oui, alors… en fait, j’ai une mauvaise nouvelle : ta mission est annulée, le centre va fermer plus tôt que prévu, pas la peine de t’envoyer là-bas pour 15 jours, blablabla… »

Le coup de massue.

Bon. Retour à la case Départ, vous ne touchez pas 20 000 francs et vous rebranchez votre Freebox.

Les 24 heures suivantes, je ne sais plus quoi faire. Je déménage quand même ? J’annule ma carte bleue quand même ? Je remplis mon frigo quand même ? Je suis perdue…

On doit me rappeler mais les heures passent et bien que je vérifie que mon téléphone est bien allumé toutes les 16 minutes en moyenne, il reste désespérément muet…

J’ai beau être la reine du last minute, ne pas avoir besoin de me projeter plus loin que sur les 3 prochaines semaines, etc… là, c’est un peu difficile.

Et heureusement, ça ne dure pas plus de 24 heures (oui, je sais, 24 heures, c’est rien mais quand tu es assise sur ton canapé à attendre… c’est l’éternité). Mardi midi, le téléphone sonne.

« Allô ? Oui… c’est pour savoir… une épidémie de rougeole en RDC (République Démocratique du Congo pour les gens qui, comme moi il y a une semaine, ne sont pas particulièrement familier avec les surnoms de ces destinations exotiques…), ça te tente ? »

Yeeeehaaaa !! C’est reparti pour un tour !!

Sauf que cette fois, je décide de ne pas m’emballer. C’est vrai quoi ? Ils changent d’avis toutes les 48 heures, je peux pas avoir le cœur qui se décroche à chaque fois ou je serai plus en état de monter dans l’avion le moment venu !

Et puis là, si l’épidémie de rougeole ne va pas décider de disparaître toute seule, c’est l’obtention du visa qui est plus compliquée. Normalement, il y a un délai d’une semaine entre le moment où tu déposes ton dossier et le moment où tu récupères le Saint Graal. Mais en ce moment, c’est un peu tendu, because le président qui essaye de modifier la constitution pour pouvoir se représenter une 3ème fois, les gens qui manifestent, le président qui n’est pas content, le contrôle légèrement accru des demandes de visa, toussa-toussa… Du coup, bah… je pars mais quand, ça… mystère…

Et c’est le retour à la case Attente…

Le bon côté des choses, c’est que ça me laisse du temps pour procrastiner encore un peu mes albums photos…