… faut savoir se taire.
En me relisant, je me suis aperçue que je vous parle fréquemment de mes fessiers endoloris. Tâchons de remédier à ça. Je pourrais donc vous parler de mes pieds (dieu sait que nombres d’entre vous sont fascinés…) mais aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler des fesses d’une Autre. Qui ont eu drôlement chaud.
Ce matin, je suis donc partie en mission « allons au Laos ». Le minibus devait passer me prendre à 7h. Bon, il est arrivé à 7h30 (jusque là, tout va bien, so far, so good…). Blindé. Archi blindé. Le coffre était déjà plein (ça fermait pas et les bagages étaient ficelés, sur-ficelés les uns aux autres, de vrais saucissons) et sans parler des sièges déjà occupés par plus de gens que ne l’a jamais imaginé l’ingénieur Renault. Mais rien n’arrête le chauffeur cambodgien. Un autre paquet de nœuds plus tard et après avoir forcé les gens à jouer à Tetris un peu mieux, je grimpe dans le minibus. Direction Stung Treng, 1ère étape du marathon « allons au Laos ».
Je me retrouve compactée entre un Allemand et un Américain, le cul entre 2 sièges (c’est vraiment le cas de le dire mais zut ! on avait dit qu’on n’en parlait plus !), évidemment pas à la même hauteur (les 2 sièges), un de mes sacs sur les genoux et agrippée au siège de devant pour pas m’étaler lamentablement au premier virage. Après moi, on arrive encore à encastrer 2 passagères supplémentaires et c’est parti pour 3 heures (2 sur le papier mais ça, vous vous en doutiez) !
Arrivé à Stung Treng, tout le monde descend, on démonte la pyramide de sacs (on s’est arrêtés 2 fois pour vérifier que tout était bien accroché, quand même !), ceux qui vont au Laos restent au bord de la route à attendre le bus suivant et ceux qui vont à Stung Treng remontent dans le minibus pour finir leur course 2kms plus loin. Là, on poireaute une bonne heure. On est censés attendre un vrai bus qui n’arrivera bizarrement jamais. En attendant, le GO du premier bus nous demande de remplir les papiers pour la demande de visa laotien et de lui filer 39$ et nos passeports. 39$ =35$ pour le visa + 2$ pour le tampon de sortie cambodgien + 2$ pour le tampon d’entrée laotien. Il t’explique que t’es pas obligé de payer pour le tampon mais que sans tampon, tu passeras pas la frontière… d’après moi, ça veut dire que t’es obligé et ça s’appelle de la corruption mais lui, il voit pas les choses de la même façon…
Bref, c’est là qu’entre en scène l’Autre. L’Autre est suisse (mais ça, on ne l’apprendra que plus tard). Elle clame à la ronde que c’est pas normal et qu’on devrait pas filer nos passeports à un inconnu (dans l’absolu, elle est pas complètement dans le faux). Elle rajoute que elle, elle s’en fout, elle a déjà un visa pour le Laos donc elle va pas filer son passeport à Paulo (l’histoire ne dit pas quel est le véritable prénom de Paulo). Bref, elle dit qu’elle a pas un bon feeling, que ça se voit que Paulo est un Cambodgien et qu’il essaye de faire son business avec nos visas mais qu’au Laos, les gens sont bien plus gentils et qu’elle compte pas se laisser avoir.
En attendant, nous (les autres couillons qui veulent aller au Laos et votre serviteuse ici présente), on file nos passeports et nos dollars à Paulo. Un autre minibus arrive, on charge la bête et tout le monde monte dedans, direction la frontière. En route, Paulo nous file des contremarques pour le minibus qui va nous amener de la frontière à Ban Nakasong, joli port de pêche point de départ des barques pour les 4000 îles (rappelez-vous, c’est là qu’on va). En échange des contremarques, Paulo, il veut qu’on lui file nos billets émis par nos guest houses respectives parce que ça lui permettra de se faire payer (oui, parce que nous, on a payé les guest houses). Là, l’Autre, elle refuse tout net. Elle prend la contremarque mais elle refuse de filer son billet à Paulo. Elle lui dit qu’elle lui fait pas confiance et qu’elle attend d’être côté laotien pour lui donner son billet. Là, Paulo, il voit rouge. Il commence par lui dire que si elle veut pas lui faire confiance, faut pas passer par ses services. L’Autre, elle répond qu’elle a pas eu le choix, qu’elle a été obligée de passer par une compagnie de bus mais qu’elle aurait préféré se débrouiller toute seule et qu’elle pense que Paulo essaye de nous arnaquer. Paulo passe alors au rouge foncé. Il lui dit que puisque c’est comme ça, elle n’aura pas de transfert de l’autre côté de la frontière et qu’il est sérieux. Et je vous jure, il était sérieux.
D’abord, à la frontière, pendant qu’on patiente à l’état semi-comateux (il fait au moins 50°C) que Paulo nous rapporte nos passeports, l’Autre, elle est obligée d’aller faire la queue en plein soleil pour faire tamponner son passeport. Ça prend un temps infini en plus parce qu’apparemment, des passeports suisses, il en passe pas tous les jours, et ça amuse fortement les douaniers.
Une fois nos passeports en poche (youpi ! encore 2 nouveaux tampons et 1 page entière de visa !), Paulo nous abandonne et on monte dans un autre minibus. Et là, c’est le début du psychodrame. Le chauffeur (qu’on va appeler Octave) nous explique qu’il est payé pour emmener 8 personnes et qu’on est 9 donc il ne veut pas partir. Nous, on répond en cœur que tout le monde a payé (même l’Autre) et que Paulo a dû se tromper mais qu’on va tous à Ban Nakasong. Là, Octave, il coupe le contact (et donc la clim), il sort du minibus et il va s’asseoir 10 mètres plus loin, le temps que l’Autre se décide à sortir du bus (il a clairement identifié la personne qu’il n’est pas censé emmener). Sans clim, on tient pas 3 minutes (Octave le sait) alors on dit à l’Autre qu’elle ferait bien d’aller filer 5$ à Octave histoire de calmer le jeu. Après quelques minutes d’hésitation, elle accepte. Elle sort du bus et elle se dirige vers Octave. On n’entend pas ce qu’ils se disent mais on comprend vite qu’au lieu d’arranger les choses, elle est en train de nous énerver Octave encore un peu plus. Du coup, Travis (lui, c’est son vrai prénom) intervient. Il revient 2 minutes après (on est cuits à point) suivi d’Octave (toujours très énervé) et de l’Autre (toujours avec son air hautain). Octave nous explique que même pour 1000$, il l’emmènera pas à Ban Nakasong parce qu’il a été payé pour 8 personnes, pas pour 9. C’est le moment où on est à 2 doigts d’admirer l’intégrité d’Octave. Sauf que là, ça devient ridicule et la pression monte dans la cocotte-minute. D’autant plus que 3 Allemands en rade à la frontière demandent alors à Octave s’il peut les déposer à Ban Nakasong et qu’Octave, sans même prendre le temps de réfléchir, accepte, charge leurs sacs sur le toit et les tasse sur les banquettes. Sauf qu’il veut toujours pas partir avec l’Autre à bord. Sa nouvelle excuse c’est de nous expliquer que dans son minibus, y a 11 places et qu’il n’est pas assuré pour 12. Là, c’est la goutte d’eau, on éclate de rire. Depuis le matin, on est entassés mieux que des sardines dans une boîte entre des sacs, des casseroles et des poulets, le coffre ouvert et les sacs menaçant de se vider sur la route et lui, il vient nous parler de nombre maximum de personnes autorisées ? C’est un rigolo en fait, Octave.
Sauf que lui, il voit pas ce qu’il y a de drôle. D’autant plus que l’Autre, elle commence à lui chanter le couplet de « Mais je suis la cliente et j’ai payé pour le trajet complet donc je vois pas où est le problème ». Bref, le ton monte, Travis intervient à nouveau et Octave finit par remonter dans la voiture, en claquant bien fort la portière pour nous faire comprendre qu’il est bien énervé mais on finit par quitter la frontière. Comme il est vraiment très énervé Octave, il roule à 110kms/h sur la piste à peine goudronnée, la main enfoncée sur le klaxon en continu. Mais on arrive à bon port.
Là, on est censés prendre un bateau. Pas tous le même. Certains vont à Don Det, d’autres à Don Khon (votre serviteuse, entre autre) et l’Autre va à Don Khong (oui, la différence est subtile, surtout prononcé à la laotienne). Evidemment, Paulo a transmis le message à son pote Marcel, celui qui gère les bateaux. Au moment de filer son ticket à l’Autre, Marcel lui explique que tous les bateaux pour Don Khong sont partis et qu’elle est coincée là jusqu’au lendemain. Mais l’Autre, au lieu de demander humblement combien il faut qu’elle racke pour pouvoir aller là où elle veut, elle en remet une couche ! « Ouiiiiii, j’ai payé, je comprends pas c’est quoi votre problème, vous essayez de m’arnaquer, blablabla… »
Y a rien de pire qu’un Asiatique qui croit qu’on essaye de lui faire perdre la face (question de culture). Au lieu d’être conciliant, il se braque et refuse toute négociation. Pire, il tourne les talons et il s’en va. Et c’est bien ce qui arrive. Du coup, l’Autre, elle se retrouve sans ticket de bateau. Mais comme elle ne veut pas perdre la face devant nous (ça, c’est plutôt une question d’ego mal placé), elle continue à chouiner et elle essaye de nous apitoyer sur son sort. Pas de bol, on n’en peut plus de ses scandales à répétition donc on la laisse bouder et elle finit par aller jusqu’à l’embarcadère pour essayer de se trouver un bateau toute seule. Quelques minutes plus tard, on se dirige tous vers l’embarcadère et au moment de partir, on réalise qu’on ne la voit plus. On en déduit qu’elle a dû arriver à ses fins et trouver un bateau pour Don Khong. On laisse donc aller nos langues de vipères (ce qui est sûrement une des choses qui permet aux gens de lier connaissance un peu partout dans le monde… autant dire que j’ai plein d’amis) et on se marre comme des baleines en se disant que quand même, Paulo, il est pas sympa d’avoir appelé tous ses potes pour lui pourrir son après-midi même si elle l’a bien mérité.
Là-dessus, votre serviteuse arrive à Don Khon, se vautre sur la plage en descendant descend élégamment de sa barque, récupère ses sacs, se met en quête d’une douche (oui, le toit, à ce moment-là, c’est vraiment accessoire) et s’installe dans un petit bungalow en bambou à 50 000 KIP la nuit (à peu près 5€ pour ceux qui ne sauraient pas ce que c’est qu’un KIP). Après m’être un peu rafraîchie, je ressors acheter de quoi paresser dans mon hamac le reste de l’après-midi et devinez un peu sur qui je tombe ? … Et bah oui ! l’Autre ! Son capitaine de barquasse n’a jamais compris qu’elle voulait aller à Don Khong et l’a donc amenée à Don Khon (je vous avais dit que c’était subtil !). Et comble de la mauvaise foi, elle me dit que finalement, elle est ravie parce qu’ici, « c’est très joli » !
Bon, sur ce dernier point, elle a raison, la preuve ici.
Mais quand même, heureusement que j’en connais d’autres (des Suisses) parce que sinon je me demanderais encore comment ils ont fait pour rester neutres avec des gens aussi hargneux et moches par-dessus le marché (mais ça, c’est pas fair-play).