Ce matin je suis encore réveillée par un rayon de soleil qui passe entre les rideaux de Flipper. La nuit a été fraîche. Il va falloir trouver une solution parce qu’on est encore loin des températures que je vais trouver dans les montagnes canadiennes dans un mois ! Au programme du jour donc, acheter une couverture.
Après un bon petit déj, c’est l’heure de plier bagage. Je prends donc la route, direction le nord. L’étape du jour n’est pas bien longue mais il me faut près de de 4 heures pour parcourir la distance : la route est splendide, toute emberlificotée dans les falaises de la côte, et je m’arrête tous les 3kms pour prendre des photos où aller mettre mes pieds dans l’eau. Oui, juste mes pieds. Ils ressortent déjà bleus, pas la peine d’insister.
Je m’arrête aussi à la Point Lobos State Reserve. Encore un des innombrables parcs qui bordent la côte. Dès que je sors de la voiture, je suis accueillie par les cris des loups de mer. Y en a vraisemblablement toute une colonie. En effet, ils se sont regroupés sur un gros caillou à quelques mètres de la plage et piaillent à qui mieux mieux. La réserve s’étale sur quelques kilomètres le long de la côte et on peut y observer un bon nombre d’animaux. Un ranger est d’ailleurs en train de régler sa longue vue et me laisse y jeter un œil : une loutre est tranquillement en train de faire la planche à quelques mètres du rivage et casse des coquillages sur son ventre avec un caillou ! Il me donne aussi quelques indications pour aller voir un daim qu’il a repéré un peu plus loin et me dit d’aller jusqu’à la pointe sud du parc : ils ont repéré des baleines… Quoi ? Des baleines ? Ça alors… Ma malédiction serait-elle en train de faiblir ? Le problème, c’est que pour voir des baleines qui sont au loin, faut essayer de repérer leur jet de vapeur quand elles viennent respirer en surface. Quand la mer est plate, c’est facile. Mais aujourd’hui, comme par hasard, y a plein de vagues et de vent, ça facilite pas la tâche. Mais à force de patience, je finis par apercevoir un petit « splash ». Est-ce que c’est vraiment ça, est-ce que c’est pas juste un autre paquet de mer qui bouge… va savoir ! Je plisse les yeux, j’essaye de ne même pas cligner et… OUIIII !!! C’en est une ! Pas de grands sauts périlleux mais clairement, c’est une baleine ! Je suis même tellement en veine qu’un peu plus tard, une deuxième vient rejoindre sa copine. Je suis hyper contente : enfin ! les baleines ! Bon, elles sont quand même un peu loin, difficile de vraiment apprécier la taille des monstres mais tout de même, j’ai vu des baleines !
En début d’après-midi, j’arrive à Monterey, une jolie bourgade qui a connu son heure de gloire. Dans les années 50, les conserveries de sardine tournaient à plein régime dans le quartier de Cannery Row. L’ambiance et l’odeur de cette belle époque a été immortalisée par Steinbeck dans un de ses romans intitulé tout bêtement… Cannery Row. Du coup, évidemment, ça se visite. Enfin, y a pas grand-chose à voir : quelques vieilles bâtisses en ruines, d’autres retapées pour abriter des boutiques de souvenirs ou des restaurants… faut faire un peu travailler son imagination pour voir les ouvriers en salopette traverser les rues.
L’autre attraction de Monterey, c’est son Fishermans Wharf. Comme dans toutes les villes de cette partie de la côte, les vieux ports de pêche ont, eux aussi, été reconvertis en pièges à touristes et sur quelques planches de bois, s’alignent les mêmes restaurants et boutiques de souvenirs… Mouais. Pas de quoi casser 3 pattes à un canard mais bon, ça me donne l’occasion de boire un chai latte au soleil tout en profitant de la connexion internet.
La bonne nouvelle, c’est qu’à Monterey, j’ai réussi à me dégoter un petit bout de trottoir gratuit et sans panneau m’interdisant d’y passer la nuit. A la place, y a un panneau « Park at your own risk »… Faut dire que ledit bout de trottoir est juste en face du terrain de baseball. J’imagine qu’une balle envoyée un peu loin et crac ! c’est le drame. Mais pour ce soir tout est calme, j’y prends donc mes quartiers.
Le lendemain matin, je suis réveillée par les claquements de portière autour de moi. Les gens vont au boulot dites donc ! Bon, bah, puisqu’il n’y a pas moyen de faire la grasse mat’, autant se mettre en route ! Aujourd’hui, toujours plus au nord, j’atteins Santa Cruz. Santa Cruz est une autre très jolie petite ville de la côte pacifique. Très jolie et très riche aussi. Mais avant d’aller regarder ça d’un peu plus près, je commence par une petite session plage à la Natural Bridge Beach. Comme par miracle, il est possible de se garer gratuitement le long de la longue avenue qui arrive à la plage. Et en plus, pas de panneau « No overnight » en vue ! Bon, c’est quand même dans un quartier hyper résidentiel alors je trouve ça un peu louche mais bon, je me dis que si je trouve pas mieux, l’endroit est parfait pour la nuit. En attendant, après une nouvelle tentative de baignade ratée (mais comment c’est possible que cette eau soit si froide ???), je prends la direction du centre-ville en longeant la promenade au-dessus de la falaise. Les maisons qui bordent la rue sont de vrais châteaux, les pelouses sont de vrais terrains de golf et les gens se promènent en segway… ça donne le ton.
Sur la promenade, je croise un type qui regarde l’horizon fixement. Je m’arrête un peu plus loin et je me mets moi aussi à scruter l’océan en me demandant ce qu’il peut bien regarder. Et soudain… SPLAAAASH ! je la vois ! une baleine ! Et pas une petite ! Difficile de dire là aussi quelle pouvait bien être sa taille mais le petit bateau qui s’approche d’elle semble vraiment très très très petit… J’en reviens pas : 3 baleines en 2 jours sans même faire exprès et alors que c’est pas la saison ! Ma chance est à peine croyable…
Et d’ailleurs, ça finit par se gâter… Alors qu’un petit tour en ville m’a révélé que je n’ai aucune chance de trouver un stationnement public m’autorisant à rester passé 22h, je finis par découvrir un tout petit panneau le long du trottoir de la plage : habiter dans son véhicule est interdit après 22h… Flipper a beau être beaucoup plus petit qu’un camping-car, difficile de se méprendre sur le fait que quelqu’un dort dedans. Dans l’absolu je pourrais prendre le risque mais me faire réveiller en pleine nuit par un shérif peu commode pour prendre une belle amende… non merci ! Et puis il commence à se faire tard, je tourne et je vire mas sans succès, je commence à me dire que je vais me rabattre sur un camping privé. Le GPS m’en trouve un juste à la sortie de la ville, j’en prends donc la direction. Et la poisse continue : il est plein ! Mais sur la route, j’ai repéré un parking où il y a d’autres voitures. En fait, ce sont des gens qui sont en train de se balader dans la forêt à côté. Pas vraiment discret mais bon, là au moins, je n’enfreins aucune loi. Enfin, pas en connaissance de cause en tout cas. Le parking se vide peu à peu avec la nuit qui tombe et Flipper finit par se retrouver tout seul. Bon, bah on verra bien : je ferme les rideaux, je me calfeutre et je finis par m’endormir….
… et par ne me réveiller que le lendemain matin ! Et encore par des portières qui claquent ! Non mais qu’est-ce qu’ils ont les gens ici ? Un rapide coup d’œil par-dessus mon rideau et ah ! ceux-là, ils viennent faire leur jogging ! Je me lève donc et me prépare un bon thé à l’arrière de Flipper. Mon installation attire la curiosité, les gens viennent me voir, me demandent si le van est à moi, comment tout fonctionne, où je vais avec… Y a même une fille qui me dit qu’elle pourrait quitter son appartement pour vivre dans mon Flipper ! Mouais… m’est avis que pour un temps, c’est amusant, mais pour toute la vie…
Après ces conversations matinales avec mes voisins, je me remets en route. Cette fois, c’est du sérieux, ce soir, Flipper et moi on dort à San Francisco. Et pas dans la banlieue éloignée là où on ne va pas se faire remarquer. Non, non, non. En plein centre-ville. Mais ça, c’est l’histoire de demain.
Photos ici.