Honnêtement, je ne connais même pas cette chanson ! Mais depuis ma rencontre avec le petit papi de Lafayette (souvenez-vous, c’était là), je me dis que si tous les gens y sont aussi gentils, ça ne peut qu’être fantastique. La promesse des couleurs éblouissantes des feuilles d’automne n’est pas non plus complètement étrangère à mon enthousiasme.
Mais avant de mettre le pied en Acadie, faut déjà y aller. Et de Montréal, c’est pas complètement la porte à côté. D’abord, faut repasser la frontière…
– Bonjour Monsieur !
– Bonjour Mademoiselle ! Oh dites donc ! Il est sympa votre van ! C’est vous qui l’avez peint ?
– Ah non, c’est une location, j’ai pas choisi le design mais je l’aime bien !
– Ah ouais, il est cool. C’est un camper ? Vous pouvez dormir dedans ?
– Ouais, ouais, y a même un évier et un frigo, c’est super bien.
– Ah ouais super ! J’en ai jamais vu un comme ça avant !
(NDLR : le poste frontière se situe dans le Vermont au milieu de… rien, doit y avoir une voiture toutes les 6 heures…)
– Bon, allez, donnez-moi vos papiers. Vous venez faire quoi aux Etats-Unis ?
– Bah, je finis mon voyage, je dois rendre mon van dans 2 semaines à New York.
Il feuillette les pages de mon passeport.
– Bah dites donc ! Vous en avez des tampons là-dedans ! Vous voyagez beaucoup ?
– Bah cette année oui. Je suis en voyage depuis plus d’un an, vous êtes ma dernière frontière. Après ça, je rentre à la maison.
– Ah bon ? Et vous rentrez quand ?
– Bah le 18 décembre. Et justement…
– Ah oui, je vois. Votre visa ne sera plus valide, il vous en faut un nouveau.
– Oui ! Exactement !
– Pas de problème. Garez-vous là, je vous rapporte vos papiers.
Je souris de toutes mes dents, je fais ce qu’on me dit (si, ça m’arrive) et j’attends. Quelques minutes plus tard, mon nouveau copain revient.
– Bon, y a un petit problème.
– Ah bon ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Bah en fait, je peux pas vous donner un nouveau visa parce que ça reviendrait à prolonger l’ancien et ça, c’est interdit.
– Oh… mais comment je vais faire alors ?
– Bah, ce que vous pouvez faire c’est attendre la fin de votre visa, revenir au Canada puis repasser dans l’autre sens. De cette façon, vous aurez un nouveau visa.
– Vous êtes sûr ?
– Oui oui. Y aura pas de problème. Mais là, je peux pas vous en donner un nouveau.
– Mais… c’est que ça m’arrange pas parce que je dois rendre le van le 6 et mon visa expire le 8 et…
– Je comprends bien mais je n’y peux rien, c’est comme ça.
– Bon… bah, merci quand même.
– Bon voyage ! Et… drive safely !
Bon, me revoilà donc aux Etats-Unis mais avec l’obligation d’en ressortir le 8 novembre. Le coup du tour de poteau au Canada pour récupérer un nouveau visa me semble louche tout de même. Mais d’un autre côté, j’ai pas vraiment le choix. J’ai passé toutes les autres frontières sans encombre et il est hors de question de rentrer en France plus tôt que prévu ! Me v’là donc bonne pour acheter un aller-retour New York / Montréal pour dans quelques jours. Quand je disais que je reviendrais à Montréal, je pensais pas si tôt ! Et en plus, va falloir chouiner à la frontière pour qu’on me laisse rerentrer, chouette programme en perspective…
Après une étude de marché approfondie sur le moyen de faire mon petit aller-retour au meilleur rapport qualité-prix, je décide donc d’acheter un ticket de bus, départ le 8 novembre de New York, retour le 9 novembre. C’est qu’entre-temps, j’ai versé un acompte pour la location de mon refuge in the city et qu’il commence à être temps d’arrêter de jeter l’argent par les fenêtres…
Une fois ces petits problèmes logistiques réglés, je reprends donc la route et après le Vermont, Fipper et moi découvrons le Maine… C’est… boisé, dirons-nous ! Les feuilles mortes se ramassent à la pelle (sur les trottoirs du boulevard La Chapelle, oui, chacun ses références…) et le soleil danse dans ce qu’il reste des branches dénudées. Ne serait l’ombre planante de ma potentielle expulsion vers la France, avec Flipper, on sautillerait presque d’émerveillement…
En fin de journée, on arrive enfin à Ellsworth, la dernière ville avant d’entrer dans le Acadia National Park. Il est tard, il faut que je me connecte à internet pour cette histoire de visa, je décide donc qu’on passera la nuit sur le parking d’un McDo.
Au beau milieu de la nuit (si, 3h du matin, c’est carrément le milieu de la nuit), on frappe violemment à ma portière. Ah bah tiens ! ça faisait longtemps ! La puissance de la lampe torche qui essaye de deviner ce qui se cache derrière mes rideaux me laisse deviner qu’il s’agit bien d’un shérif de passage… Je ne bouge pas, je respire à peine, j’attends… Le shérif fait le tour de Flipper, frappe encore au carreau mais ne dit rien. Bon. S’il ne parle pas, je ne vais pas lui parler non plus, je me dis. Mais c’est là qu’il se met à essayer d’ouvrir mes portières. Et évidemment… j’ai oublié d’en fermer une. Au moment où la portière s’ouvre, je hurle. Quoi ? Et si jamais c’était pas un shérif ? Bon, en l’occurrence, c’en est bien un. Un peu surpris par mes vociférations. « What’s wrong ? » que je lui aboie dessus. « You’re trespassing Miss. You’re on a private property, you don’t have the right to park here. » Je change alors subitement de tactique (déstabilisation de l’adversaire) et je fais celle qui parle pas trop anglais et qu’a rien compris. « What ? Sorry, I’m french, I didn’t understand what you just said. Anyway, I asked them if I could stay here and they said yes ! » Ah oui, par-dessus le marché, je rajoute un beau mensonge. Mais balancé avec les paupières encore un peu collées, ça passe. Bon, le shérif se radoucit, il m’explique que si quelqu’un est garé sur la parking, normalement, quand le premier employé arrivera, il devra appeler les flics par souci de sécurité mais bon, là, vu que j’ai demandé la permission (hum, hum…), il vérifie mes papiers et on convient que je peux rester là. En fait, qu’ON peut rester là. Parce que comme je vois bien qu’il ne s’en va pas, je finis par réaliser que le shérif va passer le reste de la nuit dans sa voiture, à côté de Flipper en attendant le premier employé du McDo. Apparemment, dans le coin, il se passe pas grand-chose la nuit… Moi, je retourne sous mes couvertures et j’essaye de retrouver le fil de mes rêves.
Les 3 jours suivants, je me balade donc dans le Acadia National Park. Encore une fois, on est un peu hors saison, y a pas grand-monde et je peux profiter de l’océan Atlantique presque pour moi toute seule. Y a plein de sentiers, des points de vue, des écureuils, des petits oiseaux et de délicieux lobster rolls au village. Quand on peut se retrouver la bouche pleine de homards pour moins de 10 dollars, on dit rien, on mastique.
3 jours, c’est vrai, c’est un peu long. Mais il faisait beau, j’ai fait ma feignasse et j’ai failli saigner Flipper à blanc. Un matin, après avoir passé la nuit à enchaîner les épisodes de la saison 5 de Breaking Bad (j’ai peut-être pas la télé mais ça ne m’oblige pas à être coupé du monde pour autant…), la batterie de Flipper a fait… pschitt ! A peine pschitt d’ailleurs… J’ai donc pris mon air le plus aimable et suis allée demander de l’aide au magasin d’à côté où un très gentil monsieur est venu avec tous ses câbles ressusciter mon Flipper. Et après avoir remercié le bon samaritain, on a repris la route. Cap au Sud moussaillon !
Photos ici.