PCT Day 133 : Tu pleux ou tu pleux pas ?

du Mile 788 au Mile 803

Il y a eu beaucoup de vent pendant la nuit. Les ombres des arbres que la lune projetait sur ma tente ont disparu bien vite avec les nuages qui s’amoncellent. On se réveille à 6h mais il fait encore nuit, le soleil se lève à peine.

Les bear canisters n’ont pas bougé. On les avait mises à bonne distance. Au cas où…

Les prochains jours dans la Sierra vont tous se ressembler : grimper un col, descendre de l’autre côté et recommencer… Alors pour ce matin, on grimpe vers Glen Pass. Les switchbacks n’en finissent pas et on est à bout de souffle. En plus il fait vraiment beaucoup plus froid maintenant et le vent s’arrange rien. Mais la vue d’en haut vaut largement l’effort. Les sommets s’étalent à 360 degrés autour de nous. On se sent seuls au monde…

La redescente est longue et difficile dans les cailloux qui glissent ou se décrochent et avec beaucoup de marches hautes. Rapidement, mes genoux sont en vrac. En plus, on n’avance pas : seulement 5 miles en 3 heures. Et pour couronner le tout, on voit de gros nuages bien noirs qui arrivent en face. Je râle…

À 13h30, alors qu’on est au point le plus bas de la journée, on se retrouve devant une rivière qu’on doit traverser sur un pont suspendu fait de câbles métalliques. Le tonnerre se met à gronder et on voit même quelques éclairs. On décide de s’arrêter là et de monter les tentes bien qu’on ait seulement fait 12 miles. Pas question de se retrouver à découvert ou au col pendant un orage. La pluie commence à tomber.

Le temps de déjeuner à l’abri, la pluie s’arrête et le soleil pointe même son nez. Spider dit qu’il faudrait continuer mais Lucie et moi, on en a marre et franchement, on est pas hyper rassurées… La tension monte un peu dans notre petit groupe. C’est vrai qu’il n’est que 15h et qu’il nous reste beaucoup de chemin à faire. On finit par plier les tentes mouillées et on repart. Je râle toujours.

On ne fait que 3 miles de plus. La montée est difficile à cause des marches un peu hautes mais c’est nettement moins douloureux pour les genoux. On se retrouve à un campsite abrité sous les arbres alors que nuages noirs reviennent et que les éclairs se remettent à illuminer le ciel. C’est sûr, c’est beau. Mais c’est un peu flippant tout de même…

À 19h, l’orage finit par péter et on se réfugie sous les tentes pendant que la pluie se met à tomber. Demain, il faudra faire minimum 17 miles.

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PCT Day 132 : Et c’est reparti mon kiki !!

de Bishop au Mile 788

On se réveille à 8h. On profite une dernière fois de la douche puis en attendant les autres je vais acheter des muffins et des scones vegan au petit café un peu hipster sur la rue principale. C’est délicieux mais un peu étouffe-chrétien…

On s’est promis de pas s’éterniser aujourd’hui alors on quitte l’hostel à 10h30 après avoir encore dit au-revoir à Acorn. Moi, je ne lui ai pardonné son incontinence de la veille et je n’ai aucun regret à la laisser planter là…

Comme par hasard il fait une chaleur à crever et on met plus de 30 minutes à trouver un ride. Ce sont 2 vieilles copines qui reviennent de rando. Elles habitent à Julian. L’une d’elles est d’ailleurs la propriétaire de la bakery en face de Mom’s pie et son fils travaille au Mt Laguna Outfitter. On connaît donc toute la famille ! Le monde est décidément vraiment petit. Y a plein de bordel dans leur voiture mais on se tasse et elles nous déposent à la station service à Independence.  Un quart d’heure plus tard on se met à l’embranchement de la route pour Onion Valley mais… y a pas une voiture qui tourne dans notre direction. En attendant, au moins, on est à l’ombre…

Au bout de 30 minutes, une voiture tourne finalement de notre côté. Mais c’est une Audi et les gens en Audi ne prennent pas les auto stoppeurs… Mais c’était être mauvaise langue : le couple s’arrête. Ils ont 2 gros chiens dans le coffre qui nous bavent sur l’épaule une fois qu’on s’est tassés sur la banquette arrière. Ils nous déposent quelques minutes et une bonne cinquantaine de virages plus tard sur le parking du campground. Cette fois, ça y est, on y est, faut repartir. Mais on a drôlement repris en altitude et j’ai la tête qui tourne. Je m’allonge par terre un moment le temps que Lucie et Spider fasse leur pause déjeuner.

À 13h15 on commence enfin à marcher vers Kearsarge Pass. On est vite essoufflés avec l’altitude et on ne reconnaît rien ! Faut dire que la dernière fois, il y avait facile 3 à 4 mètres de neige partout ! Le trail est plutôt facile mais on paye nos 10 jours de vacances façon mollusques…

Arrivés au col, on profite de la vue et des lacs dont on ignorait l’existence. On se dit même qu’on a probablement marché dessus… C’est l’autoroute ici : y a plein de JMT hikers qui viennent dans l’autre sens. Faut dire qu’on est en plein dans la saison.

On commence à redescendre vers Bullfrog Lake quand le vent se lève et les nuages menaçants commencent à s’amonceler. On sait qu(on ne doit pas traîner les prochains jours : chaque fin de journée promet d’être orageuse.

On décide de poser notre camp juste à la jonction avec le PCT, c’est là qu’on avait campé en quittant la Sierra. Encore une fois, impossible de retrouver où exactement : la neige camouflait complètement ce qu’on voit aujourd’hui. Il n’est que 17h30 mais il fait froid et la nuit tombe vite. On est contents d’être à nouveau sur le trail malgré tout ce qu’on peut en dire mais on est prêts à terminer l’aventure d’ici une grosse semaine.

PCT Day 131 : Fail

de Bishop à… Bishop

On se réveille à 8h. On n’est pas pressés, on veut partir en début d’après-midi. Lucie nous prépare des pancakes pour le petit dej et on finit comme ça le lait et les œufs et tous les trucs à nous qui traînaient dans le frigo. C’est fou ce qu’on s’installe quand on reste plusieurs nuits au même endroit…

On range nos affaires, on boucle nos sacs, on retrouve avec joie nos bear canisters et on râle en bourrant nos trucs dedans… On appelle nos familles, on prévient qu’après ces quelques jours fastes, on retourne se perdre dans la montagne et qu’il n’y aura pas de réseau pendant un bon moment. Puis on libère notre chambre et Spider va à la Poste récupérer sa bear can qu’il avait renvoyé chez ses parents. Il en revient avec non seulement la bear can mais plein de trucs que sa mère a envoyé dont du vernis à ongles… Merci Mary Ferry mais… comment dire…

On trie encore une fois nos resupply et on prépare des colis à envoyer à Mono Hot Springs. Après des heures de discussion, c’est finalement là bas qu’on a décidé d’envoyer nos prochains resupply. Les autres options (VVR ou Muir Ranch) demandent entre 25 et 75USD pour récupérer les colis… J’envoie aussi ma bounce box pour la dernière fois, direction Yosemite Park. Là aussi, après d’autres heures de discussion, c’est là qu’on a décidé d’arrêter le trail. Pour de bon. On aura donc pas tout fait, loin de là, mais c’est notre PCT et on est ravis de l’avoir fait comme ça.

On rentre à l’hostel en traînant les pieds. Je suis vraiment pas du tout motivée. D’autant  plus qu’on a 50 miles à faire en stop pour retourner à Onion Valley. Je déniche tout de même un carton et je prépare un panneau. Et puis, quand vraiment on ne trouve plus rien à faire, on s’en va… après avoir dit au-revoir à Acorn, le chien.

On a à peine traversé la rue qu’on fait un premier stop au café juste en face pour manger un sandwich. Bah quoi ? Il est 12h… On mastique nos sandwiches lentement, en silence… puis on repart, toujours d’un pas de sénateur… Arrivés sur la rue principale, alors que je commence à lever notre carton, Lucie et Spider traversent aussitôt et rentrent dans le bar. Une dernière bière…

On est assis tous les 3 au comptoir, sirotant notre bière le cœur lourd… On ne parle pas. Et là, je demande… « One more day… ? » Les 2 autres acquiescent immédiatement avec un grand sourire. Et voilà ! Du coup, on s’offre une deuxième puis une troisième tournée et même une partie de billard.

On retourne à l’hostel à 16h30. Les gens qui nous ont vu partir quelques heures plus tôt ne comprennent pas. « We failed… » on répond à leurs regards interrogateurs. On a de la chance car l’hostel est full ce soir et on réussit à avoir les 3 derniers lits. On y jette nos sacs et on retourne s’avachir dans les canapés du salon pour regarder un film. Acorn déboule alors dans le salon et nous fait la fête, trop heureuse de nous retrouver. Tellement heureuse qu’elle me pisse dessus… Lucie et Spider en pleurent de rire et je suis bonne pour une nouvelle lessive…

On a encore le temps de regarder 2 films (Et au milieu coule une rivière et Ocean 11) avant le dîner. Ce soir, Lucie nous prépare de délicieuses pâtes aux crevettes et à l’ail. Et on finit par aller se coucher à 23h.

Demain, promis, on s’en va !

PCT Interlude 2 

On a réussi à monter dans le bus pour Vancouver. C’était pas une mince affaire : le bus est déjà bondé quand il arrive et tout les hikers qui veulent quitter Manning Park jouent des coudes. Heureusement, on a réservé nos places et on s’installe où on peut en essayant de ne pas trop déranger les autres passagers qui sont plus ou moins endormis. Il fait super chaud dans le bus. Je dors pas vraiment. Je glisse sur le siège en cuir et y a trop de lumières. Mais je me plains pas trop : nous au moins, on arrive sans encombre à Vancouver. On a même presque une heure d’avance. La semaine d’avant, Emily, Urs et Eike se sont retrouvés assis sur le bord de la route à 4h du matin : le bus était tombé en panne… Il est donc même pas 6h quand on arrive à Vancouver. Il fait encore nuit et on se réfugie dans un Tim Hortons ouvert 24h/24. Un grand café et 3 donuts plus tard, on commence à se dire qu’on va s’y faire à ce petit retour à la civilisation…

On passe la journée dans Vancouver à traîner, regarder les hydravions atterrir et décoller dans la baie, aller prendre un vrai petit déj, se balader encore un peu, aller manger au marché, traverser la baie en petit bateau… de vrais touristes !! On tue le temps en attendant de retrouver PJ qui va nous héberger pendant quelques jours. J’ai rencontré PJ au Nigeria et il se trouve qu’il habite un peu au nord de Vancouver et que sa femme et lui ont fait le PCT il y a 40 ans. Ils sont donc très compréhensifs et nous accueillent comme des rois.

On passe les 3 jours suivants à se balader dans les environs, visiter le village olympique de Whistler, observer les kite surfers dans la baie, aller se baigner dans des petits lacs gelés, regarder des photos et échanger nos souvenirs et surtout manger, manger, manger et encore manger…

Puis on finit par prendre congé de nos hôtes en les remerciant chaleureusement et reprendre le chemin de la Californie. Mais pas trop vite : on prend d’abord un bus de Vancouver à Seattle. A la gare routière de Vancouver, j’achète un Kinder Surprise pour Spider. Les Kinder Surprise sont illégaux aux Etats-Unis et la dame à la caisse me rappelle que si je traverse la frontière, je ferais bien de dire à mon enfant de le manger avant la douane sinon, il sera confisqué… Le passage de la douane et de l’immigration se fait sans problème. Personne ne semble se préoccuper du fait qu’on est sortis des Etats-Unis sans passer par un poste frontière officiel ou que nos passeports n’ont pas été tamponnés par le Canada. On ne nous demande même pas nos permis d’entrer au Canada. S’en est presque décevant.

Arrivés à Seattle, on trouve notre chemin jusqu’à l’aéroport où on a loué une voiture. On a tourné ça dans tous les sens mais le plus simple et le moins cher restait de faire le trajet jusqu’à Bishop en voiture. Spider se met donc derrière le volant et en route ! C’est la fin de l’après-midi, le soleil rase l’horizon, Spider baisse son pare-soleil et… surprise !! on trouve 200USD en cash que quelqu’un a visiblement oublié là. Fun money ! On avait prévu de camper quelque part sur la route ce soir mais du coup, avant ça, on décide de s’offrir un bon resto de sushis quelque part dans Portland. C’est hors de prix mais on n’a pas mangé de poisson depuis des siècles… On repart avec l’intention de se trouver un petit coin un peu planqué en dehors de la ville pour camper. On tente un ou deux tailheads mais peine perdue, y a des interdictions de camper partout. A minuit, on est à côté de Eugene, OR et on décide de se rabattre sur un bon vieux Motel 6. Après tout, avec la découverte de notre miraculeux trésor, c’est pas comme si on empiétait sur notre budget…

Le lendemain matin, on s’aperçoit qu’on est dans la purée de pois. La fumée des incendies en Oregon est entrain d’étouffer la ville. On s’offre un bon petit dej de pancakes au Dennys juste à côté du motel et on quitte Eugene. On veut faire quelques courses car on va encore passer une nuit sur la route avant d’atteindre Bishop. On fait donc un stop au supermarché et pour une fois qu’on a rien à porter, on fait le plein de bonnes choses pour se faire des sandwiches. Puis les kilomètres et les sandwiches défilent… Et à la nuit tombée, on arrive à Reno. Le Nevada, c’est une première dans ce voyage ! On arrive à trouver un camping à la sortie de la ville et alors qu’on vient tout juste de planter nos tentes, une petite pluie fine se met à tomber. On est bons pour dîner dans voiture…

Le lendemain, on attaque la dernière partie de notre road-trip. Les sommets enneigés de la Sierra réapparaissent au loin puis se rapprochent de plus en plus. Et en fin de matinée, nous voilà de retour à Bishop. Ça fait presque 3 mois qu’on a quitté la Sierra et on a mis moins de 3 jours pour faire le chemin dans l’autre sens… Mais on est vraiment super contents de revenir. L’hostel est beaucoup moins busy qu’en juin mais on retrouve les chiens de la maison et nos petites habitudes très rapidement.

On reste 2 jours à Bishop car on attend un colis important. Un de mes amis nous prête son appartement à San Francisco pour notre post-trail transition phase et il m’envoie les clés par la Poste. On profite donc du calme, de la proximité du supermarché et on prolonge nos vacances de quelques jours. Mais le colis finit par arriver et on se retrouve à cours d’excuses… Bon, bah, demain, on repart alors…

PCT Day 130 : The other side of the border

du Mile 2639 à Manning Park (mile 2660)

La nuit a été agitée : le vent soufflait en rafales soulevant des tonnes de poussière qui s’infiltrait partout. On est couverts de sable ce matin.

Heureusement, le vent est tombé. On prend notre petit dej tranquillement, la journée ne devrait pas être trop difficile : après un dernier petit sommet, ça ne fait plus que redescendre jusqu’à la frontière à 11 miles de là. Ensuite, il faudra rejoindre Manning Park, côté canadien, encore 9 miles plus loin. Glitter est bien plus rapide que nous et il est déjà parti depuis un moment quand on se met enfin en route.

Le trail est très joli ce matin : petits lacs bleu fluo, sentier balcon, belle forêt de conifères… En plus, on croise plein de gens qui marchent dans l’autre sens. J’ai quand même du mal à comprendre comment ils font pour se motiver à refaire 35 miles dans l’autre sens… La matinée passe vite : avec cet objectif en tête et le trail qui descend gentiment, on avale les miles rapidement.

Soudain, au détour d’un switchback, on voit la ligne claire à travers les arbres : la frontière. Symboliquement, les arbres sont coupés tout le long de la frontière et l’allée dégagée fait office de démarcation. On sait que le monument va donc apparaître dans quelques minutes, le suspens est à son comble, et pourtant… Spider est déjà là, il a retrouvé Glitter qui fête le moment avec un paquet de chips. Il y a une toute petite clairière dégagée avec ce monument de bois au milieu et ses 2 petits drapeaux. Bon. Bah voilà. J’avais pensé boire une bière là mais j’ai oublié d’en acheter au dernier resupply. Je m’assois sur un gros tronc d’arbre face au monument. Le moment est carrément anti-climatique. C’en est presque frustrant. Lucie arrive aussi et on fait quelques photos, un peu obligatoires. On sort le trail register et on lit les messages des hikers passés avant nous. On retrouve Urs, Emily et Eike qui ont laissé un petit mot pour nous la semaine dernière. Je sais pas trop quoi écrire… Voilà. C’est fini. Mais c’est pas fini. Reste encore la Sierra. Puis surtout, reste encore les 9 miles jusqu’à Manning Park !

On reste une petite heure là à regarder les gens arriver, prendre leurs photos, repartir vers Harts Pass ou continuer vers Manning Park. On se débarrasse de notre bouffe en donnant tout aux Sobos qui repartent dans l’autre sens. Pas question de porter 1 gramme superflu alors qu’on sait qu’un énorme burger nous attend au bout du chemin ! Ceux qui en ont se débarrassent aussi de leur weed, légale dans le Washington mais pas du tout au Canada. Puis, on finit par remettre nos sacs sur nos épaules et on prend la direction de Manning Park.

Bizarrement, y a très peu d’infos sur le bout de trail qui va jusqu’à Manning Park. Même Guthook considère ça comme un side trail et donc la carte est très succincte : pas de profil, pas de distance, on y va à l’aveuglette. Et comme par hasard, le trail est tout défoncé, couvert par la végétation, boueux au possible et ça grimpe ! Et pas qu’un peu ! Heureusement que ça ne dure pas très longtemps parce que c’est franchement pas une piece of cake !!

Alors qu’il ne reste que 2 miles, on entend des voitures : la civilisation n’est plus très loin ! Le sentier s’es aussi nettement amélioré : bien entretenu, large, avec des panneaux… c’est un quoi à day hikers. Je croise d’ailleurs un couple qui me demande si je viens du Mexique. Ils ont fait la première section du PCT en Californie en avril puis ils ont arrêté mais ils voulaient voir le monument au Nord alors ils ont conduit jusqu’ici. Je leur souhaite bien du plaisir et je continue mon chemin au pas de course.

Je finis par déboucher sur la route juste devant le resort de Manning Park. Je suis au bout du rouleau. En plus, j’ai perdu Spider et Lucie. Y a plein de monde, plein de voitures sur le parking, je suis un peu déroutée. Les gens sentent la lessive à 100 mètres et je suis couverte de terre, de poussière et de sueur. Je m’assois à côté d’une fontaine à eau en essayant de repérer mes congénères, les PCT hikers tout dégueu…

Je finis par retrouver Spider, Lucie et Glitter. On s’offre le fameux burger dont on parle depuis plusieurs jours. La voilà, notre closure !

Il est 16h et on a du temps devant nous : le bus qui nous amène à Vancouver ne passe qu’à 2h du matin… Glitter n’a pas réussi à avoir de ticket pour cette nuit alors il a pris une chambre au resort pour patienter jusqu’à demain. Il nous propose de squatter sa chambre jusqu’à l’arrivée du bus et on s’empresse d’accepter avec joie ! On en profite donc pour prendre une douche, faire une lessive et comater devant la télé. On est tellement bien là qu’on laisse passer l’heure de fermeture du resto. On n’a plus rien à manger puisqu’on a tout donné mais on meurt de faim. On se rabat sur des mc&cheese micro-ondables vendus à la réception. Pas terrible mais ça fera l’affaire.

Il commence à se faire tard et Glitter nous propose de rester dormir jusqu’à ce que le bus arrive. On met donc plusieurs réveils pour être sûrs de ne pas le louper et on éteint la lumière. Douze secondes plus tard, tout le monde ronfle. Merci Glitter !!

PCT Day 129 : This side of the border 

du Mile 2614 au Mile 2639

On se réveille comme d’habitude à 6h avec un joli lever de soleil et un ciel rose, rouge, orange, violet à travers la fumée, toujours bien présente ce matin. On a 25 miles au programme ce matin alors on traîne pas trop et on se met en route rapidement.

On commence par un sentier balcon très joli jusqu’à Harts Pass. Pour un peu, on se prendrait pour des hobbits dans la Terre du Milieu : y a quasiment personne, des sommets à perte de vue et cette fumée qui floute un peu tout… Puis on arrive à Harts Pass où passe la dernière route avant la frontière canadienne. On est encore à 35 miles du monument mais pour les hikers qui n’ont pas de passeports ou qui n’ont pas de permis pour le Canada, ils devront revenir jusque là. 35 miles de plus ! En même temps, à ce stade là, on ne compte plus… D’ailleurs, à partir de là, on va croiser beaucoup de gens qui reviennent de la frontière. Finalement, finir au Canada ne semble pas si populaire que ça.

On arrive à faire 16 miles avant 13h. Je suis fatiguée, je commence à être avoir plein les pattes et dans ma tête, ça se mélange un peu : ce devrait être nos derniers jours sur le trail, l’apothéose de tous ces petits pas l’un devant l’autre mais non ! on n’a pas fini ! on retourne en Californie ! Et bien que j’ai vraiment envie de retourner dans la Sierra, je sais pas, je me dis que tout le temps où j’avais rêvé à cette frontière, ça devait être énorme, l’aboutissement, la fin du chemin et là… bah… je sais plus trop…

La fumée est moins dense aujourd’hui mais on voit clairement où est l’incendie le plus proche de nous : un gros nuage champignon surplombe la montagne un peu plus loin et on le surveille du coin de l’œil. La fin de la journée est vraiment très chouette : un petit col easy, quelques gros switchbacks pour descendre de l’autre côté et une grosse ascension pour finir. Quelqu’un nous a indiqué une source à seulement 2 miles du campsite où on compte s’arrêter juste en haut du col suivant. On fait donc le plein d’eau mais malgré mes précautions, je trempe tout mon sac avec ma Platypus percée… Heureusement, toutes mes affaires étant rangées dans des sacs étanches, rien n’est mouillé.

Le campsite est vraiment super bien placé, juste au col avec une vue de dingue. Mais il n’y a pas beaucoup de place et quelqu’un a déjà monté sa tente. On fait donc la connaissance de Glitter et on lui demande si ça le dérange pas qu’on se tasse à côté de lui. Il y a beaucoup de vent et on n’a vraiment pas envie d’aller plus loin. Glitter est super sympa et nous laisse envahir son espace. Il a commencé le PCT en 2013 et finit sa dernière section demain. On prépare donc le dîner en papotant avec lui. Pour lui, c’est vraiment la fin : demain, il aura marché les 2600 miles du PCT.

Dès que le soleil disparaît il fait vraiment froid alors à 19h30, on se dépêche de se rouler en boule dans nos sacs de couchage. Demain… Canada!!

PCT Day 128 : Smoky mountains

du Mile 2693 au Mile 2614

On se réveille à 6h. On reprend nos bonnes habitudes. Et la fumée est déjà dense. Non seulement on ne voit plus grand-chose autour mais ça sent le feu de bois. Les incendies au nord comme au sud nous plongent dans le brouillard…

Ce matin le trail est très sympa sur les corniches avec de belles vues malgré ou grâce à la fumée qui rend le soleil rose. On sent pourtant bien que quelque chose n’est pas normal : il n’y a pas un bruit. Pas un oiseau, pas un chipmunk… C’est un peu flippant, genre ambiance de fin du monde… On se dit que les animaux ont peut-être fui ce coin de forêt à cause des incendies tout proches.

On fait 15 miles avant le déjeuner puis on attaque une grosse montée bien fatigante entre la fumée qui pique la gorge et la chaleur qui devient étouffante. On devine les montagnes autour mais aucune vraie vue malgré les switchbacks. On a fait que 20 miles mais je n’en peux plus et on sait qu’il y a un campsite super joli seulement 1 mile plus loin. Spider veut s’arrêter aussi. En plus, c’est plus joli ici que 4 miles plus loin, sur le parking où on avait prévu de s’arrêter. Lucie nous rejoint et elle veut continuer jusqu’à notre objectif initial mais abdique rapidement quand on lui prouve qu’on peut encore arriver de bonne heure au Canada dans 2 jours.

On monte donc nos tentes, on fait un brin de toilette, de lessive et on prépare le dîner. Ce soir, je mange le riz et seafood coréens que j’ai récupérés d’une autre hiker à Stehekin… beurk !! Avant de se coucher, on fait la chasse aux chipmunks qui courent partout avec des fleurs dans leurs bouches. Cute move… mais je prie pour ne pas avoir de nouveaux trous dans ma tente demain matin.

 

PCT Day 127 : Last section?

de Winthrop (mile 2589) au Mile 2593

Ce matin on se réveille pas trop tard : on compte bien profiter de notre dernière demi-journée en ville. On commence par se faire un bon petit dej avec des oeufs brouillés et des toasts. On essaye de finir les restes qu’on ne va pas pouvoir emporter. Puis c’est la dernière douche et on se met en route pour aller à la Poste. Evidemment, c’est au moment où on se fait déposer devant le bureau de Poste que je réalise que j’ai laissé mes microspikes dans mon sac dans notre cabin et que je vais donc devoir encore les porter pour rien !

On a plein de trucs à faire à la Poste : récupérer la bounce box et la bear can, réexpédier la bear can à Bishop où on la récupérera la semaine prochaine, envoyer des cartes postales, envoyer les affaires que Widow nous a confiées, ouvrir la bounce box, y récupérer quelques trucs, y mettre ce que je ne veux plus porter (sauf les microspikes donc…), récupérer les colis de Mary Ferry, faire le tri de se qu’on veut garder, mettre tout le reste dans d’autres colis direction Bishop, tout compresser, tout scotcher, s’apercevoir que la box que j’expédie et réexpédie sans arrêt depuis des mois va cette fois me coûter bien plus cher qu’une priority mail normale, tout refaire… et finalement tout expédier à Bishop. Et pourquoi Bishop ? Parce qu’on est loin d’avoir fini ! On a beau n’être plus qu’à moins de 70 miles du Canada, ce n’est pas l’arrivée ! L’arrivée, pour nous, ce sera quelque part dans la Sierra. On va donc retourner à Bishop, reprendre là où on s’était arrêté quelques mois plus tôt.

En attendant, on refait un tour au supermarché et à la gas station juste à côté pour compléter notre resupply. Et c’est encore bien chargés qu’on refait du stop pour rentrer finir de préparer nos sacs.

On doit libérer notre cabin à 11h et on s’installe donc sur la pelouse dans la jardin, toutes nos affaires éparpillées autour de nous. Heureusement qu’il n’y a personne à l’hostel, on ne dérange personne… On met notre surplus de bouffe dans la hiker box, on boucle nos sacs et Spider et moi entamons les négociations avec Lucie pour rester un jour de plus. « One more day ! One more day ! » Mais Lucie est intraitable : le Canada est à portée de main, on ne peut plus reculer. Elle va même jusqu’à acheter nos tickets de bus pour quitter Manning Park direction Vancouver dans quelques jours. Du coup, on n’a plus le choix : on va devoir y aller…

On va donc à la bibliothèque municipale pour imprimer nos tickets de bus et nos permis d’entrer au Canada. Après 4 tentatives, Spider a finalement obtenu le sien et on a donc décidé de passer quelques jours au Canada chez des amis avant de retourner en Californie.

Avant de faire du stop pour retourner à Rainy Pass, on s’offre une dernière bière et un dernier sandwich au saloon. Puis, sous les ordres de Lucie qui décidément est inflexible, on récupère un carton et on se fait un panneau : « PCT hikers to Rainy Pass ». On a à peine levé le pouce qu’une voiture s’arrête. C’est une jeune enseignante Montessori qui va à Mazama. On résiste à la tentation de retourner une dernière fois au General Store et ele Elle nous dépose donc à l’embranchement pour Rainy Pass. Il y a beaucoup moins de trafic sur cette route et on galère un peu. Mais un très gentil couple de petits vieux finit par nous emmener : ils fuient l’air enfumé de la vallée (toujours les incendies) et vont faire une balade en forêt.

Il est donc 17h. La motivation est proche du zéro et on se dit que pour ce soir, on va juste faire quelques miles. On se met donc en route péniblement et en soupirant beaucoup. Spider a essayé de réparer ma Platypus qui fuit avec de la ShooGoo mais au premier test tout explose. Je ne peux plus me servir de la Platypus pour filtrer mon eau. J’avance lentement. La lumière tombe et je commence à devenir totalement parano : chaque branche ressemble à un grizzli, tapi dans l’ombre, prêt à me sauter dessus…

On s’arrête après même pas 4 miles. Y a un campsite avec de l’eau et Spider et moi nous retournons vers Lucie pour demander : « Can we stop here ?? » Elle a réussi à nous faire quitter Winthrop mais elle n’arrivera pas à nous faire aller plus loin…

J’ai pas vraiment faim ce soir. Faut dire qu’on n’a pas fait grand-chose. Mais je mange tout de même pour vider mon sac. On est au lit à 20h15 alors que le soleil se couche. Il reste moins de 60 miles avant le Canada !

PCT Day 125&126 : Double zéro à Winthrop

Le canapé lit dans lequel on a dormi était pourri mais on fait la grasse mat’ jusqu’à 7h30. Whoop whoop ! On remballe tranquillement nos affaires, on dit au-revoir à Widow qui va rester à Mazama aujourd’hui et on va prendre le petit déj au General Store. Et c’est LA découverte : il y a tout un tas de viennoiseries toutes plus délicieuses les unes que les autres. La bakery de Stehekin est balayée en un clin d’œil ! C’est tellement bon qu’on fait même des stocks pour la route. Enfin… la route… on ne va que jusqu’à Winthrop et c’est pas comme si on y allait en marchant…

L’estomac plein, on se poste au bord de la route au soleil. On n’est vraiment pas pressés et on a rarement eu un aussi bon début de weekend… Surtout qu’en moins de 10 minutes, une gentille dame s’arrête et nous emmène jusqu’à destination. Elle nous dépose en plein centre-ville.

Winthrop est une petite ville qui attire les touristes avec sa rue principale qui se la joue pioneer. Tous les magasins sont en bois, ambiance far west, avec même le saloon et ses portes battantes. Ça fait un peu décor de cinéma. On a réservé un petit cabin dans une rue juste à côté pour les 2 prochaines nuits mais il est encore un peu trop tôt pour prendre possession des lieux. Le propriétaire, super sympa, nous laisse traîner dans le salon de la partie hostel où on organise une fouille en règle de la hiker box. On tombe sur un gars un peu bizarre : il arrête soi-disant le PCT parce qu’il a une fracture de fatigue au pied mais compte retourner jusqu’à la frontière mexicaine à vélo. Ça fait pas mal au pied, ça, le vélo ?? Il est plutôt antipathique et on n’a moyennement envie de lier connaissance. On va donc faire un tour au saloon en attendant de pouvoir récupérer nos clés.

On revient vers 11H et on découvre notre palace : c’est clairement un des endroits les plus sympas qu’on ait habité les derniers mois (sans compter Idyllwild mais ça compte pas, c’est hors-catégorie). C’est grand luxe avec une grande salle de bains et une petite cuisine. En voyant ça, on se met à faire des plans pour le dîner…

Après une bonne douche, on se met donc en route pour le supermarché. C’est un peu éloigné du centre-ville et Spider, qui a trouvé un vélo dans le jardin, part devant nous. Lucie et moi faisons confiance à notre hitch karma et on se met à marcher au bord de la route le pouce levé. Et comme d’habitude, une voiture s’arrête. C’est un gars assez jeune qui nous dit qu’il retourne au golf chercher ses lunettes de soleil. Il est là pour assister à un mariage l’après-midi même et nous propose de venir. Ça pourrait presque être rigolo si on n’avait pas une drôle d’impression et qu’il était pas si insistant. On le remercie grandement de nous avoir déposées au supermarché et on décline l’invitation. On est arrivées avant Spider et on est super fières de nous…

On commence à arpenter les allées du supermarché. Pas question de resupply, on est là pour 2 jours, on veut se faire plaisir et manger de bonnes choses pour une fois. Spider nous rejoint et il a les pieds mouillés : il s’est perdu en vélo et a voulu sauter par-dessus un ruisseau… raté ! Alors qu’on est en train de lui raconter qu’on a été invitées à un mariage, quelqu’un me tape sur l’épaule. C’est notre chauffeur ! Il revient voir si on n’a pas besoin d’un ride pour rentrer. Il commence à devenir un peu envahissant et on a beau rigoler, on ne sait pas trop comment se débarrasser de lui… Il finit tout de même par nous laisser tranquille.

Spider a promis de nous faire la cuisine. Ça fait des jours qu’il nous parle de Hamburger Helper et ni Lucie ni moi n’avons aucune idée de quoi il parle. Mais il nous jure que c’est délicieux alors on le désigne en charge du déjeuner et on continue à remplir notre panier avec des tas de fruits et d’autres trucs qu’on ne peut pas emporter sur le trail. On ressort du supermarché les bras chargés de nourriture. Spider remonte sur son vélo mais pour nous, pas question de marcher ! On se poste à la sortie du parking et un gentil papi nous redépose juste devant notre cabin. Elle est pas belle la vie ?

On est là pour 2 jours alors on se dit qu’on va en profiter pour aérer un peu nos sacs de couchage et chaussures qui n’ont pas souvent l’occasion de respirer… et ils en ont bien besoin !! On dévore les Hamburger Helpers de Spider… non pas que ce soit délicieux, c’est même franchement décevant mais c’est sa madeleine de Proust à lui et on est affamés ! On s’octroie ensuite une bonne sieste puis je m’attelle à la corvée de lessive. J’essaye de rincer nos chaussettes dans le lavabo avant de les jeter dans la machine mais l’eau reste très foncée même après 5 rincages… j’abandonne. Alors que je fais des allers-retours entre notre cabin et la buanderie, quelqu’un arrête la machine à laver et je suis bonne pour tout recommencer. En attendant, Spider a trouvé un jeu de cartes et nous apprend à jouer au gin pour passer le temps. On finit par récupérer nos vêtements propres (ou presque…) à 22h30 et on se met au lit. On ne tient plus debout.

On se réveille le lendemain à 7h. Au petit dej, oeufs, bacon et toasts sur la terrasse. Rien à dire, on apprécie notre weekend forcé. Car oui, Spider nous a forcé à prendre 2 jours off car aujourd’hui, il a un rendez-vous très spécial. Il doit drafter son équipe fantasy football. Nous, on y comprend rien. On sait juste qu’il va passer la journée au téléphone avec 11 autres gars qui sont quelque part dans le Michigan et qu’ils vont se répartir des joueurs de football américain afin de constituer leurs propres équipes. La journée est cruciale : si tu n’obtiens pas les joueurs que tu veux, tu as peu de chances de gagner la league. Clairement, l’enjeu de la journée passe largement au-dessus de nos têtes à Lucie et à moi. Nous, on veut juste profiter du soleil, manger et dormir.

On va donc en ville échanger nos chaussettes pourries à l’outfitter. Darn Tough, la marque de nos chaussettes, garantit ses produits à vie. Si tu fais un trou dans tes chaussettes, ils te les remplacent donc gratuitement. Evidemment, en plus d’être en croûte de boue, nos chaussettes sont trouées. On s’offre donc le luxe de nouvelles paires, toutes douces et qui sentent bon… Puis j’ai repéré un marchand de glaces et on s’offre des cônes énormes (et délicieux) et on rapporte même un Twinky enrobé de chocolat à Spider qui lève à peine la tête… On essaye pourtant de s’intéresser à son truc. On donne même de notre personne pour essayer de récupérer Tom Brady, le seul joueur dont on connaisse le nom. Mais c’est peine perdue…

Du coup, on fait nos corvées : vaisselle, nettoyage du filtre à eau, nettoyage du matériel… Je fais tout et n’importe quoi, j’achète même nos billets d’avion pour l’Alaska où nous irons en octobre. Tout sauf mettre à jour le blog. Lucie est beaucoup plus sérieuse que moi et me fait culpabiliser…

Ce soir, c’est Lucie qui fait la cuisine. Elle nous fait cuire un énorme steak et prépare une salade de tomates avec du basilic frais… mmmh… On dévore tout ça tout en regardant The Revenant. Pas sûre que ce soit la meilleure idée du monde quand on sait que la dernière section du trail est celle où on a le plus de chance de croiser des ours…

Avant de se coucher, Spider répare nos chaussures à la ShooGoo. Le morceau de plastique sur le devant se décolle et on manque régulièrement de se vautrer en trébuchant sur des pierres ou des branches. C’est pas très joli mais au moins ça sera efficace. On discute aussi des prochaines semaines : on va entamer notre dernière section avant le Canada et on veut ensuite retourner en Californie. On ne sait pas encore exactement comment et on essaye de contacter toutes les personnes qu’on connaît pour avoir le maximum d’options.

On se met au lit à 21h30, ravis de nos 2 zéros. C’était parfait. Demain, on ira la Poste récupérer les colis que la maman de Spider nous a envoyés et on fera les courses pour notre resupply. Puis on retournera sur le trail pour les 70 derniers miles avant le Canada !

 

PCT Day 124 : Bear country 

de Stehekin (mile 2569) à Mazama (mile 2589)

On fait la grasse mat jusqu’à 7h et on se prépare pour prendre le premier shuttle à 8h15 qui va nous ramener au trailhead. Dans ce sens, le shuttle fait un stop à al boulangerie mais pas suffisamment longtemps pour qu’on ait le temps d’y acheter le petit dej. Décidément, on est bien loin de tout ce qu’on nous avait promis sur Stehekin. On quitte donc la ville sans regret.

On a retrouvé Widow ce matin. On est contents de la voir. Avec 2 jours de repos et un gros strapping, elle a pu reprendre le trail et espère rejoindre Snake Eyes avant le Canada. Il nous reste 19 miles à faire jusqu’à Rainy Pass et on veut y arriver pas trop tard pour pouvoir faire du stop jusqu’à Mazama. La météo est mitigée mais dénivelés sont faciles et on avance bien.

Alors que je suis en train de longer une rivière en contrebas, j’entends des branches craquer à quelques mètres de moi. Evidemment, je suis toute seule, Spider est 3 miles devant et Lucie 3 miles derrière… Je lève les yeux et aperçoit un ourson. Bien noir et pas très gros. Je m’arrête. Il me regarde. Je le regarde. Il me regarde encore et penche la tête. Je lève les bras en criant « Hey ! Casse toi !! ». Il ne bouge pas. Je tape mes bâtons l’un sur l’autre pour faire du bruit et l’impressionner. Je l’impressionne pas du tout. Je commence à flipper quand un autre hiker arrive derrière moi et se met à jetter des gros cailloux. L’ours finit par descendre vers la rivière mais ne semble pas décider à se tirer très loin d’ici alors c’est moi qui décampe.  Juste après, je rejoins Spider de l’autre côté de la rivière. Les écouteurs dans les oreilles, il n’a rien vu, rien entendu. Moi j’ai du mal à m’en remettre…

Ça fait maintenant 6 jours qu’on est sur le trail et avec la fatigue générale tout le monde avance lentement ou du moins a l’impression d’être lent. Pourtant, on est toujours à 3 mph malgré le dénivelé.

Alors qu’on reprend la route après le déjeuner, Lucie est un peu derrière nous et se retrouve à son tour nez à nez avec un ours. Sauf que elle, quand elle crie, il s’en va. Il reste pas là  se demander s’il pourrait lui arracher la tête d’un coup de dent et danser sur sa carcasse… Quelques miles plus loin, elle en aperçoit un deuxième dans les hauts buissons juste au bord du trail. Cette fois il est vraiment super près, elle peut l’entendre grogner. Elle nous rejoint fissa. Y a officiellement jamais eu d’attaque d’ours sur le PCT mais on est pas rassurés…

On arrive enfin à Rainy Pass à 17h30 et on se met aussitôt à faire du stop. Il n’y a pas beaucoup de trafic mais après 10 minutes, une voiture s’arrête et une dame très gentille nous entasse dans sa petite voiture (on est 4 avec Widow) et nous emmène à Mazama.  Mazama est encore un minuscule village perdu au milieu de nulle part. Cette fois y a 2 rues, un General Store qui fait aussi station-service, un lodge et un magasin de sport qui fait aussi poste restante. On est un peu étonnés de voir autant de monde en arrivant mais on comprend rapidement qu’il y a un festival de cinéma et que ce soir, y a hot dog party au General Store.

C’est hyper sympa, plein de trucs délicieux à manger et à boire, les gens s’installent sur des tables de pique-nique et dansent. Widow a récupéré un colis plein de spécialités allemandes que lui a envoyées une trail angel avec laquelle elle a sympathisé et partage son trésor avec nous. Ce soir, on dort à Ravensong Roost, une cabane construite par Ravensong, la première femme à avoir fini le PCT solo. Elle habite à Mazama et met à disposition des hikers cette petite cabane. Elle n’est malheureusement pas là mais la cabane est ouverte et on s’installe. Il n’y a pas de salle de bains et il y a encore beaucoup de travaux à faire mais ce sera bien suffisant pour passer la nuit.

Je suis crevée mais je prends mon courage à 2 mains et je fais ma toilette au seau et à la frontale dans le jardin. 3 autres hikers sont arrivés et on regarde un DVD sur… le PCT (quelle surprise…) avant d’aller se coucher. Demain, c’est le weekend. Pour de vrai. Spider nous impose 2 jours off à Winthrop qu’on va rejoindre en stop. Il a un truc super important à faire et nous, 2 jours off, on n’a pas su refuser…